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Burundi : Pierre Buyoya, entre coups d’Etat et compromis

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Mort le 17 décembre, l’ancien président, artisan des accords de paix d’Arusha, laisse derrière lui un pays de nouveau fragilisé par les démons de la haine ethnique.

C’est une page d’histoire tumultueuse qui se referme pour le Burundi. L’ancien président Pierre Buyoya, au pouvoir de 1987 à 1993 puis de 1996 à 2003, est mort à Paris dans la soirée du jeudi 17 décembre. D’après la presse locale, qui cite des sources familiales, il est décédé des suites du Covid-19. Il avait 71 ans.

Militaire de carrière, Pierre Buyoya avait pris les rênes de l’Etat par la force une première fois en 1987, en renversant un autre gradé, tutsi comme lui, Jean-Baptiste Bagaza. Ses premières années au pouvoir sont marquées par la crise qui frappe, en 1988, le nord du Burundi. A l’époque, dans les communes voisines de Ntega et Marangara, des milliers de Tutsi sont tués par des Hutu avant que l’armée nationale, à majorité tutsi, n’intervienne.

Pour tenter de dissiper les tensions ethniques et en réponse aux massacres de 1988, Pierre Buyoya sera à l’origine d’une Charte de l’unité nationale, en 1991. La même année, sous la pression de la communauté internationale, il instaurera une nouvelle Constitution mettant officiellement fin au système du parti-Etat en place depuis l’indépendance. Pour la première fois depuis plus de trente ans, les Burundais auront la possibilité d’élire leurs dirigeants.

Profitant de cette nouvelle fenêtre démocratique, de nombreux journaux indépendants voient le jour au Burundi. Mais l’expérience ne durera que le temps d’un feu de paille. Défait aux élections de 1993, Pierre Buyoya cède la place à Melchior Ndadaye, un Hutu, tué peu de temps après son arrivée au pouvoir. Soupçonné d’être impliqué dans cet assassinat, Pierre Buyoya a toujours balayé ces accusations, rejetant la responsabilité sur « les radicaux tutsi qui avaient du mal à digérer qu’un Hutu se trouve à la tête du pays ».

Condamné à la prison à perpétuité

Alors que la guerre civile prend de l’ampleur au Burundi, l’ancien président parvient, au terme d’un second coup d’Etat, à revenir au pouvoir. Il jouera un rôle déterminant dans la signature des accords de paix d’Arusha, en 2000, sur le partage du pouvoir entre les Hutu et les Tutsi. Un compromis qui mettra fin aux affrontements et dans lequel Pierre Buyoya s’est engagé malgré les critiques d’une partie de son camp politique.

Signés sous la médiation de l’ancien président sud-africain Nelson Mandela, les accords d’Arusha ont ouvert la voie au processus démocratique qui a abouti aux élections de 2005. Un scrutin remporté par le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), l’actuel parti au pouvoir, ancien mouvement rebelle hutu.

Devenu une figure de la diplomatie en Afrique après avoir quitté le pouvoir en 2003, Pierre Buyoya était depuis octobre 2012 le haut représentant de l’Union africaine (UA) pour le Mali et le Sahel. Il avait démissionné de ce poste quelques semaines avant sa mort pour « se consacrer à sa défense », disait-il. L’ancien chef de l’Etat avait en effet été condamné à la prison à perpétuité, en octobre, pour son implication dans l’assassinat de Melchior Ndadaye. Un procès qui s’était déroulé en son absence et qu’il avait qualifié de « parodie de justice ».

Au centre des compromis politiques des deux dernières décennies au Burundi, Pierre Buyoya laisse derrière lui un pays de nouveau polarisé. La crise qui a éclaté en 2015 avec la réélection à un troisième mandat de Pierre Nkurunziza (mort le 8 juin) a réveillé les vieux démons de la haine ethnique. Le dauphin et successeur de ce dernier à la présidence de la République, Evariste Ndayishimiye, n’a pas réagi au décès de l’ancien chef de l’Etat.

Pierre Buyoya ne sera pas enterré au Burundi, du moins pour le moment, a fait savoir sa famille dans un communiqué. Il sera « provisoirement » inhumé au Mali, a-t-elle annoncé, remerciant les autorités maliennes et la Commission de l’UA.

Armel-Gilbert Bukeyeneza (Nairobi, correspondance)

Source : Monde Afrique

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