L’équipe de l’illustre disparu vient de réaliser le séquençage du génome du virus de la pandémie. Ce travail permet de se faire une idée de la provenance de la souche qui sévit dans notre pays
Il y a un plus de deux ans (soit précisément le 9 juin 2018), le Pr Ogobara Doumbo, tête de proue de la recherche dans le domaine médical dans notre pays, s’est éteint au grand regret du monde scientifique. Celui qui était l’un des plus brillants scientifiques avait mis en place une équipe de recherche compétitive au niveau de Malaria Research and Training Center (MRTC) ou Centre de recherche et de formation sur le paludisme qui porte, désormais, son nom.
Une équipe de jeunes chercheurs de ce Centre, conduite par Dr Antoine Dara, spécialiste en biologie moléculaire et immunologique, a réalisé le séquençage du génome du virus de la Covid-19 dans l’un de ses laboratoires de génomique des pathogènes, une première au MRTC, voire à l’échelle nationale. L’équipe qui a accompli cet exploit scientifique était constituée aussi d’Amadou Daou, étudiant en pharmacie, des docteurs Fatalmoudou Tandina qui détient un PhD en entomologie, Sékou Sissoko, qui achève un master en bioinformatique et Amadou Niaré, parasitologue. Elle a travaillé sous le leadership du directeur du MRTC, le Pr Abdoulaye Djimdé qui était l’un des plus fidèles lieutenants d’Ogobara Doumbo.
Dans une explication simple, le génome du virus détermine sa vie et son comportement. Le séquençage du génome (une collection des gènes qui composent un organisme) permet d’identifier le virus, de le comparer avec d’autres virus recueillis dans une base de données. Le Dr Antoine Dara a expliqué que le séquençage du génome du virus de la Covid-19 a permis à son équipe de se faire une idée de la provenance de la souche actuelle qui sévit chez nous. Le virus actuel s’apparente à celui qu’on retrouve en France et aux Etats-Unis, mais le chercheur prévient qu’il est trop tôt pour tirer une conclusion définitive. Il explique également que le génome du virus de la Covid-19 qui a été séquencé est composé de 29.000 lettres et son équipe qui a le plateau technique requis et l’expertise nécessaire a pu déchiffrer tout cela. Ce travail présente l’avantage non négligeable de cerner l’agent pathogène. à ce propos, le scientifique explique que c’est un point de départ qui va permettre de développer les moyens de diagnostics de la maladie, de tracer l’origine du virus et de comprendre son mode de transmission.
Dr Antoine Dara relève également qu’actuellement dans notre continent, seule une douzaine de laboratoires peut réaliser le séquençage du génome des agents pathogènes. Mais c’est une pratique courante en Europe et dans d’autres pays développés. Il cite volontiers l’exemple de l’Angleterre qui a séquencé 140.000 génomes du virus de la Covid-19.
Il est aussi important de préciser que dans le cadre de l’accompagnement de la cherche, le matériel qui a servi à faire le séquençage du génome du virus de la Covid-19 a été offert par l’Agence française de développement (AFD) et une partie des réactifs a été fournie par le Centre de contrôle et de prévention des maladies en Afrique (Africa CDC). Mais l’analyse des données brutes a été faite à partir du serveur Delgeme. Aujourd’hui, le panégyrique de nos compatriotes et même du monde scientifique se fait entendre plus fort sur le MRTC qui représente, à juste raison d’ailleurs, un vrai motif de fierté nationale. Mais les équipes de recherche du Centre Ogobara Doumbo qui ont certainement hérité de la culture d’humilité du défunt, prestigieux parasitologue, restent sereines et dans leur cohérence. Elles tirent satisfaction des résultats engrangés, mais entendent relever d’autres défis encore plus compliqués.
Dr Antoine Dara indique que l’accès aux financements et aux réactifs demeure un grand défi dans un contexte de crise sanitaire liée à la Covid-19 parce que les pays s’accordent la priorité. à titre d’exemple, il explique avoir tenté de commander des réactifs depuis l’Angleterre qui aurait refuser sous prétexte de n’avoir pas un partenariat avec notre pays dans le cadre de la recherche sur la Covid-19. Son centre a été contraint de se rabattre sur l’Afrique du Sud et d’attendre plus de 4 mois sans être livré. C’est seulement la semaine dernière que la commande a été acheminée dans notre pays et malheureusement cela a coïncidé avec le débrayage de 5 jours de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM). Jusqu’au moment où nous réalisions l’entretien, ces réactifs sensibles étaient encore bloqués au niveau de la Douane, si l’on en croit le scientifique.
Au moment où il faut affronter une conjoncture globale liée à la Covid-19, le chercheur pense que nos autorités seraient inspirées d’investir dans la recherche qui reste un impératif de développement. Tous (analystes, observateurs et scientifiques) s’accordent sur la nécessité de s’inscrire dans cette vision avant de prétendre à des heures de gloire. Pour le spécialiste en microbiologie moléculaire et immunologique lorsqu’un état investit dans la recherche, c’est une source de motivation pour les chercheurs.
Bréhima DOUMBIA
Source : L’ESSOR