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Mon souvenir de Soumaïla Cissé : Un homme d’une grandeur d’âme hors pair

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Mon premier contact avec Soumaïla Cissé date de 2002. Notre pays se trouvait alors en pleine campagne électorale et la présidentielle s’annonçait alors très disputée. J’étais, à cette époque, rédacteur en chef de l’hebdomadaire malien de l’intégration africaine « Le Continent ».

Ceux qui gardent une mémoire précise des enjeux de 2002, se souviendront certainement que Soumaïla Cissé était théoriquement le candidat de l’ADEMA-PASJ et qu’il avait obtenu cette position après des primaires âprement disputées entre lui et Soumeylou Boubèye Maïga.
Nous le qualifions de candidat « théorique » parce qu’il n’était, assurément pas, le favori du président de la République sortant. Notre journal, qui était proche d’Alpha Oumar Konaré, avait adopté en toute logique une ligne critique à l’égard de celui qu’une partie de la presse avait surnommé « Soumi Champion ».

Mais ce parti pris, assez rigide, fut à la longue mal accepté par les journalistes. Lors d’une conférence de rédaction très animée, il fut relevé le lourd déséquilibre dans notre traitement de l’information concernant les grands favoris de la présidentielle de 2002. Il fut surtout souligné que Soumaïla Cissé était la principale victime de ce traitement différencié. Il y avait donc une injustice à corriger.
En toute humilité et en grand professionnel, notre dirpub « « Franky » a adhéré à notre remarque. Plus, il nous laissa carte blanche pour réparer la situation. La rédaction proposa une interview à Soumaïla Cissé pour lui donner l’occasion de donner sa version sur les accusations dont il était accablé.
Notre patron se montra plutôt sceptique. « Connaissant Soumaïla, il ne va pas accepter », opina-t-il. « Essayons quand même », avions-nous répliqué. Feu vert fut donc donné par le patron et notre confrère Issiaka Sidibé – l’actuel patron du journal « Le Matinal » – qui disposait du contact téléphonique de Soumaïla entama la première approche.

VIOLENTE ET INATTENDUE-Le candidat décrocha à la première sonnerie. Nous nous présentâmes. « Le Continent ! s’exclama notre interlocuteur sans cacher une surprise amusée, que voulez-vous ? »
« Une interview de vous, monsieur le ministre », répondîmes-nous.
« De moi ? » s’étonna Soumaïla. Même au téléphone, nous devinions qu’il souriait.
Mais il accepta notre demande sans discuter davantage et nous convînmes d‘un rendez-vous le lendemain (un samedi) à 20 heures et à son domicile de Badalabougou.
à notre arrivée, Issiaka et moi, nous eûmes un doute. Comment pourrions-nous traverser la foule compacte qui cernait le domicile du candidat ? Mais Soumaïla Cissé avait préparé notre accueil et on nous aida à nous frayer notre chemin jusqu’au bord de la piscine où l’interview devrait être enregistrée. Notre interlocuteur s’y trouvait en compagnie de l’un en de ses proches camarades politiques, l’ancien député élu à Kayes, Oumar Samba Diallo (paix à son âme).
Avec Issiaka Sidibé, nous avions choisi d’entrer sans fioritures dans le vif du sujet. Notre première question porta donc sur les allégations de détournements de fonds destinés au curage des caniveaux de la capitale. En abordant un sujet aussi polémique, nous déclenchâmes une réaction aussi violente qu’inattendue. Mais la réplique vint non pas du candidat, mais d’Oumar Samba Diallo.

Ce dernier nous traita de tous les noms et nous adressa des remarques à la limite de l’invective. Soumaïla calma son camarade et déclara l’incident clos, avant de poursuivre avec l’interview.
Cependant, sans élever la voix et sans se départir de sa courtoisie, il jugea indispensable de faire une mise point. « Vous m’avez chargé de tous les maux dans vos colonnes sans jamais m’entendre, fit-il remarquer. Ce n’est pas professionnel. Je sais que c’est fait délibérément. Sinon je connais votre patron qui est un grand journaliste, avec une belle plume. Mais, merci enfin de me donner l’occasion de répondre à toutes ces accusations infondées. J’apprécie votre démarche ».

UN ACTEUR POLITIQUE VISIONNAIRE-Puis sans rien perdre de son ton posé et surtout avec une clarté impressionnante, Soumaïla démantela toutes les accusations portées contre lui. De retour à la rédaction, nous mîmes le week-end à profit pour transcrire et nettoyer l’interview, avec le précieux concours du dirpub. « Je n’ai jamais détourné un kopek de l’argent public. Je n’en ai d’ailleurs pas besoin ». Tel fut le titre affiché à la « une » du Continent, accompagné de l’une des meilleures photos de Soumaïla Cissé.
Au lendemain de la publication de l’interview, nous rencontrâmes Soumaïla Cissé à la « Journée électorale » réunissant les candidats à la présidentielle, organisée au Palais des congrès (actuel CICB) par feu Ibrahim Famakan Coulibaly, alors président de l’Union nationale des journalistes du Mali (UNAJOM). Le candidat fendit la foule pour venir nous féliciter pour ce qu’il qualifia comme un « excellent travail ». « J’ai lu l’interview.

C’est fidèle. Et c’est bien écrit. Transmettez mes remerciements à Franky. Je l’appellerai plus tard », nous déclara-t-il.
Depuis ce jour, je n’ai plus approché Soumaïla Cissé pour un motif professionnel ou autre. Mais à mes yeux, dans tout ce qu’il a fait depuis, il a confirmé les qualités révélées lors de notre rencontre.
En toute circonstance, il est resté ce grand homme d’état que j’ai eu l’honneur d’interviewer. Un gestionnaire d’une remarquable rigueur intellectuelle, un acteur politique visionnaire et déterminé, un interlocuteur à l’abord facile. Notre pays perd en lui l’un de ses fils les plus valeureux.
à son épouse, à ses enfants, à ses parents, à sa famille politique et à ses milliers de sympathisants, nous présentons nos sincères condoléances. Et prions le Tout Miséricordieux Allah de l’accueillir dans son Paradis.

Alfousseiny SIDIBÉ
Journaliste-communicant

Source : L’ESSOR

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