Le brouhaha des débuts chaotiques de la transition couvrent les bruits des manœuvres politiques des candidats à la présidentielle annoncée pour 2022. Les candidats sérieux, c’est-à-dire ceux qui ne s’en prennent pas à tout bout de champ aux présidents de la Cédéao et qui ne tiennent pas la France pour responsable de tout et de rien dans l’état actuel de notre patrie, à l’abri des regards, constituent leur trésor et à l’écart du brouhaha recrutent les lieutenants qui battront campagne pour eux sur l’ensemble du territoire national.
La 3ème République a épuisé depuis longtemps son odyssée et n’est maintenue en vie que par assistance respiratoire de la communauté internationale, parce que les Maliens ne réussissent pas à proposer une alternative viable qui ne soit pas une menace pour elle et tous les Etats voisins du Mali.
En quelque sorte, le Mali est en quarantaine depuis 2012 et ce ne sont les autorités burkinabè ou nigériennes qui diront le contraire, elles qui ont toujours pointé du doigt la contagiosité du patient malien. Ce n’est donc pas en vilipendant la Cédéao et le reste de la communauté internationale qu’on accédera à Koulouba. Tout au plus, les propos démagogues et simplistes pourront faire de l’effet sur une partie de l’électorat de Bamako et environs.
Les populations de l’ensemble des zones occupées ou directement menacées sont bien plus aux prises avec le réel que ceux dont le sport favori est de toujours blâmer l’autre pour nos propres turpitudes. Les préoccupations des Maliens des campagnes et des villes secondaires sont bien différentes de celles des Bamakois.
Difficile de dire à ceux qui peuvent faire plusieurs années sans voir un Blanc ailleurs qu’à la télévision, que les raisons de leurs difficultés se trouvent en France. Difficile de dire aux Kayesiens qu’il faut cracher à tout bout de champ sur la France alors que des milliers de leurs parents y vivent et contribuent fortement à leur existence. Difficile de dire aux Sikassois que le président Ouattara fait partie des problèmes du Mali alors que de nombreux ressortissants de la région prospèrent en Côte d’ivoire.
Ainsi donc, les candidats sérieux sont déjà à l’œuvre pour remplir leurs coffres forts. Le citoyen malien ne contribuant pas financièrement à la campagne du candidat de son choix, il appartient aux candidats de se débrouiller comme ils peuvent pour trouver les ressources financières indispensables à la conduite des campagnes. Et ce fait n’est pas la moindre des raisons pour laquelle les Maliens sont rarement satisfaits par l’action de leurs élus.
Les grosses fortunes locales et sous-régionales sont sollicitées de même que les classes dirigeantes des pays voisins. Lorsque les échéances électorales s’approcheront, le concours illégitime de l’État sera requis. Le candidat qui aura tout le poids de l’État derrière lui part avec d’emblée 20% des voix au premier tour. On n’en est pas encore là.
Aliou Badra Diallo n’a pas de problèmes de finances. Il a tout le temps de se consacrer à la redynamisation de son parti qui a pris un grand coup. Lui-même d’ailleurs n’avait réussi à se faire élire député que sur une liste commune et à Kayes au lieu de Nioro où siège pourtant son guide spirituel. Celui dont de nombreuses personnes ont pensé qu’il était influent au point de peser sur le cours d’une élection présidentielle.
Soumeylou Boubèye Maïga (SBM) comme Moussa Mara multiplie les sorties à l’intérieur du pays. SBM était d’ailleurs présent à l’investiture d’Ouattara. Feu Soumaïla Cissé était en tournée sous- régionale auprès des chefs d’État et d’autres hauts responsables politiques de la Cédéao lorsqu’il a attrapé la maladie qui lui fut fatale.
Les tripatouillages de Manassa n’ont pas pu masquer le fait que les législatives passées ont laissé derrière elles un véritable champ de ruines. L’Assemblée nationale avait été renouvelée à plus de 80%. Un des enjeux politiques de ces législatives était la lutte de positionnement pour la succession d’IBK. Et les électeurs ont été sans ambiguïté quant aux ambitions présidentielles de certaines figures politiques d’envergure nationale.
FARE an ka wuli est devenu FARE saraa. Le parti de Modibo Sidibé, créé exprès en 2011 pour le porter au pouvoir, est passé de six à zéro député. À l’instar d’autres partis politiques créés par un homme pour le porter au pouvoir, FARE a vécu «FARE faga ra pew».
Le PDES, parti dont l’idéologie est d’assumer l’héritage politique d’ATT, était bien parti pour faire bonne figure aux législatives de 2012 grâce à ses positions au sein de l’appareil d’État. Sous ATT, la fête fut belle, pourquoi ne pas la perpétuer en créant un parti politique et continuer à vivre de prébendes et de rentes illicites dans les appareils d’État, tel était l’unique projet politique du PDES. Mais le coup d’Etat intervint, ATT fut balayé et les caciques du PDES ont dû se cacher de peur ou de honte.
Mais, comme entre-temps la junte qui a remplacé ATT ne brilla ni par son courage, ce dont l’absence était reprochée à ATT, ni par son patriotisme et encore moins par le sens de la mesure, le PDES put émerger et glaner trois élus après que les moins honorables de ses dirigeants eurent bien plus tôt transhumé vers le RPM.
Bakary Togola, je te salue. Le retour en pompe d’ATT d’exil de Dakar, que IBK, bien en peine dans sa gestion du pays ,est allé quérir dans l’espoir de s’allier ses partisans, après l’avoir publiquement accablé de tous les péchés d’Israël, n’a pas suffi à revitaliser le PDES qui ne s’en sortit qu’avec un seul élu. Feu ATT, ayant définitivement tiré sa révérence, le PDES se trouve déjà dans les poubelles de l’histoire politique contemporaine du Mali.
Cheik Modibo Diarra (CMD), un autre qui s’est laissé convaincre par des marabouts qui lui ont juré que quoi qu’il arrive, il sera un jour président du Mali. C’est la seule explication plausible de son calcul politique. Fort de sa quatrième place au premier tour de la présidentielle de 2018 et du fait que l’essentiel de ses voix étaient localisées dans Bamako et environs, on aurait pu penser que le bon sens politique l’aurait incité à occuper physiquement et médiatiquement ces territoires pour bien implanter son parti politique et rafler des sièges de députés. Que nenni !
Il voulait briller par son absence et se poser en sauveur en 2023, en comptant sur le soutien d’IBK puisqu’il s’était bien gardé de ne pas soutenir Soumaïla Cissé au second tour en 2018. Résultat des courses : zéro député élu, un appareil politique en lambeaux et des adversaires potentiels dont les partis se renforcent. Les deux candidats qui se sont désistés en sa faveur en 2018 et qui ont fourni l’essentiel de l’infrastructure de sa campagne électorale ne s’aventureront plus à accompagner un candidat avec si peu de sens politique.
On a beau envisager son parti comme un véhicule pour accéder au pouvoir, il lui faut lui accorder au moins un minimum d’attention et de considération entre deux présidentielles, permettre à ses soutiens de faire des exercices pratiques de mobilisation, aider ses militants à se faire élire et promouvoir des cadres quand on n’est pas dans l’opposition comme CMD. Il n’y a que ses marabouts qui connaissent les voies qui vont lui épargner l’humiliation politique qui se profile à l’horizon en 2022.
Le Parena, constitué par l’aile en difficultés financières du CNID qu’AOK avait réussi à débaucher pendant son premier mandat, n’échappa à la disparition de l’Assemblée nationale qu’à la faveur de l’adjonction de Tièblen à l’attelage présidentiel. Il récolta deux députés, un nombre d’élus en constante baisse depuis le sommet des législatives boycottées par l’opposition en 1997 où le Parena obtint 8 sièges pour servir de faire valoir à l’Adéma de : AOK et IBK.
Tièblen saura toujours se placer aux avant-postes de la scène politique malienne, mais il est difficile d’imaginer un avenir politique au Parena au-delà de 2025. Ce n’est pas un parti politique qui survivra à la carrière politique de ses fondateurs. Il n’était pas né d’un projet politique mais d’un projet d’épanouissement personnel de personnes en manque de lumière au sein du CNID. Il s’éteindra avec leur lumière.
La Codem de Housseyni Amion Guindo (HAG) fait du surplace avec cinq élus. Cinq comme son rang lors des présidentielles de 2013 et 2018. Avec les ressources issues de sa participation à la gestion du pays, la Codem saura toujours tirer son épingle du jeu politique malien et cela d’autant plus que le parti dispose de vrais bastions locaux. Mais on ne peut rien imaginer au-delà.
HAG sera encore candidat en 2022, et même au-delà puisqu’il est relativement jeune, la Codem ralliera le candidat le mieux placé au second tour et on rembarque pour un autre tour de manège.
HAG et CMD devraient réunir ensemble leurs marabouts et leur demander lequel des deux sera président avant l’autre. À défaut de cela, HAG peut réintégrer le RPM et espérer s’y hisser à son sommet un jour, le temps n’est pas ce qui lui manque. Depuis le 18 août 2020, le RPM est un poulet sans tête, à la recherche d’une tête, n’importe laquelle !
Abdoulaye Shaka Bagayogo
Nouvelle Libération