La Transition malienne a commencé le 15 septembre 2020 (ndlr : dans le calendrier de la CEDEAO), pour seulement dix-huit mois. En cette période transitoire, plusieurs chantiers majeurs s’imposent, avec la même urgence. Le retour de la paix et de la sécurité, la réconciliation nationale, la lutte contre la corruption, l’apaisement du front social, la relance économique et l’organisation des élections générales libres et crédibles sont autant de défis pour les Autorités de la Transition. Nous consacrons un dossier sur ces multiples enjeux qui détermineront le futur du pays. Aujourd’hui, focus sur la paix et la sécurité.
La mise en place du Bureau du Conseil National de Transition (CNT), le jeudi 31 décembre 2020, complète l’attelage institutionnel de la Transition. Mais, il ne reste plus que 15 mois pour le Gouvernement de Transition afin d’opérationnaliser ses axes prioritaires de refondation. Au nombre desquels axes prioritaires, la question sécuritaire, qui préoccupe aussi bien les Maliens que les pays voisins, et au-delà même.
En effet, en sept ans, l’ancien Président IBK n’a pas réussi à ramener la paix dans le Nord. Pis, les troubles gagnaient du terrain et les six principales organisations jihadistes ont étendu leurs zones d’influence jusqu’au Centre du pays. Outre la menace terroriste, un nouveau foyer de violence a fait son apparition au cours de ces dernières années dans le Centre du pays qui s’est embrasé. C’est la crise intercommunautaire. La situation explosive dans la Région de Mopti n’a pas reçu l’attention nécessaire et le traitement adéquat du Pouvoir à l’époque. La situation n’a cessé d’empirer, débordant sur la Région voisine de Ségou où de larges secteurs échappent désormais du contrôle effectif du Pouvoir central de Bamako.
De la première attaque contre Nampala en janvier 2015 à la brève occupation de Boni en septembre 2016, les Maliens n’ont pas vu ce que le Président de la République a tenté pour désamorcer la bombe du Centre et résoudre la crise qui y couvait. De revers en revers, les FAMAS ont payé et continuent de payer un lourd tribut de l’inexistence d’une stratégie claire qui aurait dû être définie par IBK.
De façon générale, pendant le mandat du Président IBK, il y a eu plus de morts au Mali du fait du conflit que pendant les 60 années précédentes, de 1960 à 2020.
En effet, la comptabilité macabre donne des frissons : 115 morts de septembre à décembre 2013 ; 306 morts de janvier à décembre 2014 ; 538 morts de janvier à décembre 2015 ; 352 morts de janvier au 15 septembre 2016 ; et plus de 1200 morts de janvier 2017 à nos jours. Au total, au moins, 2200 civils, militaires maliens et étrangers ont perdu la vie dans notre pays depuis les débuts du mandat du Président IBK.
Au Nord du pays, la situation n’est guère plus reluisant. Et, pour cause, depuis les premiers jours de son premier mandat, le Nord du Mali a glissé des mains du Président Ibrahim Boubacar Kéïta comme un silure. Le Nord a inexorablement échappé au contrôle de Bamako, on s’est acheminé vers un scénario catastrophe depuis la visite à Kidal, le 17 mai 2104, du Premier Ministre Moussa Mara, ponctuée d’une déroute totale et lamentable de l’Armée nationale, le 21 mai 2014, face aux groupes armés séparatistes touarègues.
Dès lors l’autorité de l’Etat malien ne s’exerce plus sur de larges pans du territoire national. Aussi, malgré la présence des troupes françaises et des forces onusiennes, Kidal est demeuré sous le contrôle des ex-Rebelles indépendantistes touarègues qui se sont soulevés contre le Pouvoir central de Bamako en 2012 avant de signer un Accord de paix à Alger, trois ans plus tard. La mise en œuvre de l’Accord de paix piétine.
Ainsi, l’État demeure ainsi absent de nombreuses zones, les Représentants les services étatiques faisant objet de menaces et d’attaques très fréquentes. Les Représentants étatiques et sociaux pouvant difficilement exercer, bon nombre ont fui vers le Sud et la capitale.
En conséquence, de nombreuses localités du pays s’auto administrent de nos jours sur une logique communautaire et religieuse tant au Nord qu’au Centre. Au Nord, l’absence de l’État a été palliée par le développement des réseaux criminels
Refonder la sécurité
Face à cette situation désastreuse, les Autorités transitoires doivent mette un accent particulier et le paquet sur le retour de l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale du Mali gravement compromises depuis plusieurs années par l’action des groupes armés qui sévissent encore dans les Régions du Nord et du Centre. Des mesures fortes doivent figurer dans l’agenda de la Transition. Des mesures, parmi lesquelles : la relecture et la mise en œuvre de l’Accord d’Alger ; une amélioration significative de la gouvernance de la sécurité permettant aux forces de défense et de sécurité d’assurer efficacement leurs missions ; le redéploiement de l’État sur toute l’étendue du territoire national ; la consolidation de la Décentralisation ; la réconciliation nationale et l’appui public aux victimes des conflits.
Il revient à l’Armée, qui a souvent été dénoncée comme un des points faibles face à des ennemis aguerris, de démontrer que ses troupes et ses Officiers sont en mesure de trouver en eux-mêmes les ressources morales, techniques et matérielles pour reprendre l’avantage. Ce combat doit être mené en parfaite intégration avec les actions des forces amies et être très vite accompagné d’un retour de l’Administration dans les territoires reconquis. Il ne doit être caché à personne que la lutte sera longue et difficile. Mais, c’est le terrain privilégié sur lequel le Mali et son Armée peuvent montrer un nouveau visage, reconquérir la confiance indispensable des populations et des partenaires.
Le retour de la paix et de la sécurité a un rôle majeur à jouer dans les orientations à prendre pour le relèvement du pays.
Mémé Sanogo
Source: L’Aube