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ÉPÎTRE DE L’EX-MAITRE ESPION N°02 : LE ROUBLARD ROULÉ

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Ce mardi là (le 18 août 2020), j’avais rendez-vous avec le destin. L’histoire avait choisi de m’ouvrir grandes ses portes et de m’en déballer enfin le tapis rouge que je n’eusse sans cesse de squatter. Ce jour-là, j’avais tout prévu sauf, la redoutable et hyper-équipée compagnie des forces spéciales anti-terroristes appelée de Sévaré en renfort pour sécuriser le régime mais qui n’obéissent qu’au patron. C’est cette compagnie qui fera basculer les choses en nous brûlant la politesse à deux bornes de Sébénikoro… Faute de pouvoir y opposer une force équivalente, fallait-il se résigner ?

Si l’on croit à la fatalité, une chose est sûre, c’est que l’on n’échappe pas à son destin. Qu’il soit tragique ou merveilleux, notre avenir finit toujours par nous rattraper. Face à cette incertitude, on peut essayer de prédire les aléas de son existence, à grand renfort d’oracles, d’horoscopes ou de jeux de cartes. On peut s’en remettre à la providence divine, à la chance ou tenter de provoquer le destin. S’il est difficile d’être certain des événements et défis qui nous attendent, vous pouvez toujours par votre propre génie chercher à infléchir le cours des évènements pour votre bonne fortune. C’est ce que j’ai tenté de faire le coup de Jarnac du Général qui, après, veut tirer encore les ficelles du jeu. Jean Paul Sartre a dit «L’homme n’est rien d’autre que sa vie.» !

En effet, vois-tu, mon petit, contrairement aux fatalistes et aux défaitistes, moi je pense que l’homme, quoiqu’on en dise, est le maître de son destin. De ce qu’on lui a donné, il peut toujours faire quelque chose.” Rappelles-toi, de la célèbre sentence de Jacques Roumain : « l’homme est le boulanger de sa vie ». C’est pourquoi, j’ai décidé de ne pas accepter de me laisser court-circuiter aussi facilement par un Général qui ne connaît rien des tenants et aboutissants d’un coup d’État. Or, moi si. J’en suis à mon troisième coup en tant qu’acteur, accompagnateur ou bénéficiaire.

En bon vieux clandestin et spécialiste de l’entrisme, j’ai choisi d’accompagner comme les autres le putsch militaire sans jamais appeler le chat par son nom et sans jamais condamner la prise du pouvoir par la force.

Vois-tu, mon petit, si je ne te raconte pas cet épisode de l’histoire actuelle de notre pays, tu ne le sauras jamais car dans la confusion de la manipulation et l’instrumentalisation des foules, les gens ne s’attardent pas sur les détails !
Parler de coup d’État c’était c’était compliqué la situation.

Donc, je n’ai ni parlé de coup d’État ni condamné de coup d’État, simplement parce que la lecture des évènements devrait être en phase avec mon parcours de démocrate et mes ambitions d’homme d’État. Regardes un peu la première déclaration de mon parti que j’ai laissé le soin au serviable Issa Diarra de signer, tu verras et tu comprendras.
Comme je le fais à d’autres journalistes et activistes, j’ai fait écrire à Issa ceci le lendemain du coup d’État : « le Bureau Politique National de l’Alliance pour la Solidarité au Mali – Convergence des Forces Patriotiques a suivi avec attention la mutinerie du 18 août 2020, dont la conséquence a été la démission du Président de la République… ». La seule condamnation qui existe dans ce communiqué c’est celle des actes de vandalisme contre lesquels j’ai invité les nouvelles autorités à la sécurisation des personnes et de leurs biens. Parce que les gens de Mahmoud pouvaient venir encore attaquer mon domicile comme à leurs habitudes.

Mon petit, au lendemain de votre coup d’État contre mon coup d’État, pour revenir dans le jeu, je me devrais d’être très subtil et très perspicace, ce d’autant que les émeutiers ne me portent trop dans leur cœur. Mais stratège, tu sais bien je suis. Aussi, j’ai choisi de jouer à l’équilibrisme. Avec la défunte EPM, je suis dans le camp des durs des durs qui refusent tout compromis avec les militaires putschistes, dans mon camp personnel je chouchoute, pactise et conseille les jeunes officiers.

Dès les premiers jours, grâce à mon officier, j’ai réussi à mettre hors circuit le M5-RFP et en ballotage l’hybride sans vergogne de Dicko. Devenu l’éminence grise, le principal conseiller de la junte et son interface avec la Communauté internationale, je me charge de peaufiner le plan et de planifier le casting de l’après-IBK : les militaires géreront la Transition, puis ils me passeront la balle. Le deal est presque honnête après tout mon parcours et ma stature me dédient au poste non ?

C’est dans ce sens, et dans ce seul qu’il faut comprendre le communiqué de mon parti du 12 septembre après la diffusion duquel des plaisantins de EPM ont crié au scandale et dénoncé le fait que j’ai clignoté à gauche pour aller à droite. Comme si la politique était une question de vertu et pas d’intérêt !

Va-t-on me reprocher mon réalisme ? Mon petit, rappelles-tu, en ce moment-là, j’étais l’homme providentiel avant la libération de SoumaÏla Cissé. Invité sur tous les plateaux de télévision, la presse internationale me courait derrière nuit et jour. Vais-je dissoudre tout ça dans les rancœurs incurables de EPM ?
J’ai donc choisi de flatter l’esprit patriotique et le sens du dialogue des putschistes et de « l’adoption d’une Charte de la Transition et d’une feuille de route auxquelles le Parti souscrit et apporte son soutien »… pour montrer la voie à suivre. Pour faire de l’émotion, j’ai appelé du bout des lèvres la libération de mes anciens compagnons de route Ibrahim et Soumaïla.

Mon petit qu’est-ce que tu connais de la politique ? Ce n’est pas du grand art ça ? Donc contre la voie royale qu’ils ont promis de tracer devant moi jusqu’à Koulouba, à l’Alliance pour la Solidarité au Mali-Convergence des Forces Patriotiques, ASMA – CFP et tous ceux qui se réunissent autour de l’idéal commun de redevabilité (la politique c’est du donnant-donnant) se devaient d’apporter, non plus pudiquement, mais publiquement et clairement.

C’est ce que j’ai fait le 29 septembre 2020 en affirmant mon soutien à la Transition pilotée par les militaires après les avoir dicté des solutions idoines pour se sortir du pétrin.

À quelques nuances près, c’est mon plan de sortie de crise qui a été adopté, approprié, présenté et adopté lors des Concertations nationales à Bamako les 10, 11 et 12 septembre 2020. La charte, ce sont mes propositions ; la feuille de route, ce sont mes propositions ; l’architecture de la Transition, ce sont mes propositions… Allez demander à qui de droit si ce n’est pas moi le premier qui a suggéré le poste de vice-président pour éviter au Colonel Assimi le même sort que le capitaine Sanogo !
Sans aucune fanfaronnade politicienne, la Transition marche aujourd’hui grâce à notre expertise. C’est mon parti qui est à la base de « l’élaboration d’une Charte de la Transition fixant les pouvoirs et les attributions des différents acteurs, ainsi que d’une feuille de route déterminant et fixant les missions de la Transition et qui doit s’articuler, principalement, autour des recommandations du Dialogue National Inclusif (DNI), notamment :
• La relecture de la loi électorale par la mise en place d’un organe unique chargé de la conduite et de la gestion de l’ensemble du processus électoral et l’introduction d’un mode de scrutin combinant le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel ;
• La relecture de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle, notamment dans ses dispositions permettant à cette dernière de rectifier et d’inverser les résultats des élections ;
• La mise en œuvre des dispositions de l’Accord issu du processus d’Alger qui ne posent pas problème et la création au sein du Comité de Suivi dudit Accord d’un Sous-comité comprenant toutes les parties en vue de discussions sur les points faisant l’objet de controverses et de quiproquos ».

Tout marchait à merveille jusqu’à la libération de Soumaïla Cissé, jusqu’à la levée des sanctions par la Cédéao à laquelle je ne suis pas étranger et jusqu’à l’oraison funèbre du M5-RFP qui est mort de sa belle mort déclamée par Kaou Djim. Soudain, mes poulains de Kati commencent à faire d’indépendance de réflexion et de décision. Je suis zappé sur certains dossiers importants qu’ils traitent désormais ailleurs… J’avais soupçonné un moment Soumaïla mais le destin a en décidé autrement. De plus en plus, les jeunes de Kati font ce qu’ils veulent sans me rendre compte. Depuis, l’autre a eu son strapontin, et surtout depuis qu’ils peuvent rencontrer les chefs d’État sans mon intervention, je ne suis plus consulté sur quoi que ce soit.
Espèce de petit pervers, je te vois te délecter de mon déboulonnage et te dire secrètement : très bien fait pour lui. Pensant pour rouler ces petits bidasses et saint-cyriens, me voilà éjecter, et hors circuit au bout de deux mois et demi… Au profit de qui ? De ce petit perfide qui m’a poignardé dans le dos avec la complicité des hybrides pour prendre ma place. L’Histoire ne se répètera pas. Mais rien n’est encore joué. Je compte rebondir et cette fois-ci, ça va faire grand bruit au point de totalement disqualifier certains.
Mon petit, attends moi je reviendrais….

Lettre d’Afrique

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