Le remède le plus redoutable contre l’occupation du terrain politique par les religieux et les militaires, est entre les mains des acteurs politiques (gouvernement, partis politiques de la majorité et de l’opposition), c’est de reconquérir la crédibilité politique perdue auprès des populations, pour lesquelles, le discours politique « politiki kuma » ne dit plus rien.
Le retour de l’Imam Mahmoud Dicko sur la scène politique, à travers la publication d’un manifeste, a fait dresser les cheveux à beaucoup de ses compatriotes, pour diverses raisons, la laïcité et le jeu de la concurrence au pouvoir étant les premiers éléments qui sautent à l’œil. Mais ces raisons réunies ne suffisent pas pour arrêter la marche décisive et soutenue de l’Imam Dicko, qui s’entoure de précautions démocratiques et des libertés fondamentales.
Certes, la Constitution garantit la laïcité au Mali, mais aucune disposition n’interdit au religieux (« je suis un citoyen sensible aux problèmes de mon pays, qui participe à la recherche des solutions », dit-il), de s’exprimer politiquement, de se prononcer sur des questions de la nation ou de briguer le suffrage. On se rappelle, lors des élections législatives de 2013, des associations islamiques ont présenté des listes de candidatures dans plusieurs localités. De même, les religieux ont transformé les mosquées en ‘’Qg politique’’ pour faire élire le président IBK (selon le mea culpa, Cf. Manifeste de l’Imam Mahmoud Dicko).
Si les formations politiques concourent à l’expression du suffrage, la candidature indépendante aussi est permise par le système électoral malien. Alors par où tenir les religieux, plus de 80% des Maliens se réclame de l’Islam (plus de 95 % des chefs de partis politiques, des candidats potentiels à la présidentielle) ?
Par deux fois, d’abord sous le président Amadou Toumani Touré, ensuite sous le président Ibrahim Boubacar Kéita, l’imam Mahmoud Dicko à la tête de la contestation et en réussissant une forte mobilisation des musulmans, a mis en échec des projets de reformes du gouvernement. Le premier relatif à l’adoption d’un nouveau code des personnes et de la famille et le second, à celle d’un projet de manuels scolaires d’éducation sexuelle. Et last but not the least, ses appels à se mobiliser contre la gouvernance du président IBK jusqu’à la chute de ce dernier.
Devrait-on en être encore à s’inquiéter face à la montée en puissance politique des religieux ? Brandir la ‘’laïcité’’, n’empêchera pas un Imam demandeur de pacte républicain, de participer indirectement à la compétition électoral, à travers un candidat qui bénéficierait de son soutien comme en 2013. A moins de le voir s’occuper de médiation.
Les acteurs politiques doivent se rendre à l’évidence que ce n’est plus le temps du ‘’Moriba yasa’’ (le temps de la prévention), mais de s’atteler à remédier. Le remède le plus redoutable contre l’occupation du terrain politique par les religieux et les militaires, est entre les mains des acteurs politiques (partis politiques de la majorité et de l’opposition), c’est de reconquérir la crédibilité politique perdue auprès des populations, pour lesquelles, le discours politique « politiki kuma » ne dit plus rien. Les militants de circonstance viennent, applaudissent et repartent, en attendant l’invitation du leader d’un autre parti politique. Mais le bétail électoral ne peut voter deux fois le même scrutin, si le système électoral est fiable.
B. Daou
Le Républicain