La session spéciale du Forum de Bamako dénommé « L’Autre Forum de Bamako » a démarré hier à Bamako. Cette session est organisée par les responsables de la Fondation Forum de Bamako, en partenariat avec le groupe VIP Africa. Cet « autre forum », en prélude du traditionnel forum reporté au mois de mai 2021, a pour thème : « État, Citoyennetés, Religions et Laïcité : état des lieux, enjeux et perspectives au Mali ». Cette rencontre a regroupé des sommités, l’intelligentsia malienne, africaine, européenne voire même mondiale. Au cours des débats, l’imam Mahmoud Dicko, ancien président du Haut conseil islamique du Mali (HCIM), parrain de la CMAS (Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’Imam Mahmoud Dicko), s’est prononcé sur les réalités de la vie publique malienne. « On parle de l’invasion des religieux sur le champ politique, je pense réellement que c’est le contraire, c’est le politique qui est allé chercher le religieux », a déclaré l’imam Dicko.
Après avoir remercié les initiateurs, modérateurs et présentateurs de cette rencontre de deux jours, l’imam Mahmoud Dicko a craché des vérités que certains murmurent tout bas. « On parle de l’invasion des religieux sur le champ politique, je pense réellement que c’est le contraire, c’est le politique qui est allé chercher le religieux. C’est eux, étant incapables de mobiliser les foules et convaincre les électeurs, c’est eux qui s’introduisent chez les marabouts, chez les imams, chez les muezzins, chez tout le monde ; c’est eux qui sont allés trouver les rois dans leurs vestibules. Ils sont allés nous trouver là-bas. Et vouloir sortir nous laisser mais, non ! Si on sort, on sort ensemble », a-t-il dit. Avant d’ajouter que le problème de la laïcité au Mali n’a pas été débattu sinon le Mali a été une nation laïque. Selon lui, la laïcité a été toujours le fondement de la conception de l’Etat malien. « Ce n’est pas aujourd’hui, c’est avant la colonisation, notre pays a toujours connu la laïcité. C’est l’essence même de l’Etat. Les empereurs, les rois, tout le monde, les gens ont cohabité, le féticheur par là, le marabout par là, l’imam par là, d’autres là-bas, ça n’a jamais posé de problème. Nous avons eu toujours l’intelligence de manager ces choses là ensemble. Ça n’a pas été problème pour nous. Et ça ne saurait être un problème. Je crois qu’aujourd’hui si on se met ensemble et qu’on discute réellement, on ne fait pas semblant parce que le problème de notre pays, c’est de faire semblant, on fait semblant de faire quelque chose, mais on ne le fait pas en réalité, on fait semblant de faire la démocratie, de faire l’état de droit, de faire la décentralisation. Faire semblant ne peut pas construire un pays. Et un pays ne peut pas se construire sur ça. C’est un débat qui doit s’instaurer et l’ont doit se parler vis-à-vis », a déclaré l’imam Dicko. Pour lui, l’imam qui doit rester de côté, va rester de côté. « Nous sommes dans une République où l’Imam n’a pas de place. Notre constitution ne prévoit rien pour les religieux. Ils n’ont même pas un statut. Mais le seul statut que la constitution me donne qui est ma citoyenneté, vous ne voulez pas que j’ai cela aussi ? Je dois mettre à côté ce qu’on appelle imam, je suis Mahmoud Dicko, j’ai mémorisé le coran, donc je n’ai aucun droit de citoyenneté dès que je parle de religion? Pourquoi vous confondez la personne de Mahmoud Dicko à la religion ? Non. La religion a sa place que vous lui avez réservée. Mahmoud Dicko est un citoyen malien à qui la constitution malienne donne des droits », a-t-il précisé. L’imam Dicko pense qu’il a son mot à dire sur la conduite du pays. « De penser que le fait que je suis Imam et que je parle de mon pays, ça veut dire que j’ai débordé, je ne sais pas pour aller où ? Pour aller nulle part, je suis là. Les autres peuvent parler de ce qu’ils veulent, c’est leur façon de voir, de comprendre les choses. Je leur dis en retour qu’eux-mêmes revendiquent, qu’ils ont des valeurs sociétales qui sont basées sur l’autre religion : le judaïsme et le christianisme. Ils le disent, les responsables de l’occident le revendiquent même. Pourquoi eux ils peuvent revendiquer alors qu’ils ont des valeurs qui sont basées sur le Judaïsme et sur le Christianisme et ils n’acceptent pas, ils ne souffrent pas qu’ un Imam ou un musulman revendique des valeurs aussi qui sont basées sur les valeurs sociétales qui sont les nôtres ? Ce sont des politiques », a-t-il dit. Avant d’ajouter ceci : « Le plus grand politique de notre temps, c’est qui ? C’est le Pape, c’est un chef d’Etat. S’il vient au Mali ce n’est pas un Imam qui va aller l’accueillir, mais c’est le Président de la République qui va aller l’accueillir. Et ils parlent de toutes les gestions qui concernent la République. Pourquoi vous acceptez que lui (Pape) le fasse et que nous on ne puisse pas parler de la gestion de la vie de notre nation ? », veut savoir l’imam Dicko.
Aguibou Sogodogo
Le Républicain