Neuf mois après sa création, rien ne semble avoir changé dans la détermination du rassemblement des forces patriotiques. Alors que beaucoup le croyait à l’agonie, avec le départ de l’Imam Mahmoud Dicko, et des membres du M5 qui ont rejoint le Conseil National de Transition (CNT). Ils étaient nombreux à témoigner de la ténacité du mouvement, lors d’un meeting, ce dimanche 21 février, au Palais de la Culture, malgré « l’intimidation des forces de l’ordre. »
« La peur a changé de camp » s’exclame Choguel kokalla Maiga. « Mourir pour la patrie, ne nous fait pas peur », renchérit Imam Oumarou Diarra. « Cinq personnes, colonels soient-ils, ne feront pas du Mali de ce qu’ils veulent » amplifie maitre Mohamed Bathily. Tour à tour, ce dimanche matin, les membres du comité stratégique du mouvement du 5 juin, Rassemblement des Forces Patriotiques (M5RFP) s’adressent du haut de la tribune de la salle Bazoumana Sissoko, du palais de la culture, à leurs militants.
Pour manifester, entre autres, la confiscation de la victoire du peuple malien, et les dérives des autorités de la transition. Et surtout, pour dénoncer l’intimidation, dont, selon eux, ont usé les autorités pour saboter leur meeting.
« La récréation est finie »
T-shirt jaune, vuvuzela à la bouche, Bourama, ne se lasse pas. Depuis, plus de deux heures, le trentenaire est dans les va-et-vient. A la porte du palais, à l’intérieur comme dans la salle. Pour guider les gens à entrer massivement, lui et beaucoup d’autres jeunes militants du M5, s’affairent à ce mouvement alternatif.
Tout comme eux, M. Doumbia, maître de la cérémonie, au micro, demande l’aide de tout le public, pour informer les gens qui sont parti de revenir. « Beaucoup sont vénus depuis le matin, mais ont rebroussé chemin, parce que intimider par les forces de l’ordre, ils croyaient que le meeting ne se tiendra pas.
Dites-les de revenir, la récréation est finie, le M5 est de retour, et personne ne nous fera peur », lance, Doumbia, sous l’ovation de la salle. Le M5-RFP fait-il peur aux autorités de la transition ? « Le palais de la culture est plus sécurisé, ce matin, que le palais de koulouba », ironise un militant du M5.
Le constat est visible à l’entrée du palais où est positionnée, une dizaine de pick-up des forces de l’ordre. En effet, plusieurs policiers et gendarmes ont pris d’assaut le centre culturel depuis « hier soir », en croire Choguel Kokalla Maïga.
Ce qui lui pousse à dire que la peur a changé de camp. « Depuis 6h du matin, les maliens et maliennes ont pris d’assaut le palais de la culture. Ils ont trouvé le lieu encerclé par des militaires, des gardes, des policiers, des gendarmes avec des véhicules militaires. L’objectif c’était d’intimider les maliens, d’intimider le M5.
C’est pourquoi tous les militants qui sont venus entre 8h et 10h, la majorité, finalement, est rentrée chez eux parce que nous avons dit à nos organisateurs d’insister auprès des jeunes : aucun acte de violence. Nous allons gagner ce combat sans violence », martèle Choguel.
Dans la salle, les manifestants éparpillés sur des chaises sont happés par les sons des vuvuzelas, mixés au crachat des sonos des baffles. Parmi eux, beaucoup, portent des banderoles à l’effigie du M5, soit d’un regroupement sympathisant comme les représentants de ceux dont les maisons ont été démolis dans la zone aéroportuaire.
C’est dans cette atmosphère que Choguel Kokalla maïga, président du comité stratégique du mouvement, a pris la parole. Pour Choguel, le but du meeting est clair : la transition s’est déviée de sa trajectoire, il faut la redresser.
Depuis, rejoint par les déchus de la transition (plusieurs associations civiles, dont le Collectif de Défense de la République (CDR) et le collectif des députés de la sixième législature), l’enthousiasme est de mise pour le M5, que beaucoup prédisait « mort de sa belle mort ». Il y a d’abord eu l’arrestation des certaines personnalités dont, le célèbre chroniqueur, Ras bath ; mais surtout la démolition d’immeubles dans la zone aéroportuaire.
Ces « dérives » de la transition font donc le bonheur du M5, qui s’érige désormais comme la voix de tous ceux qui se sentent déçus par les autorités de la transition. « Ce qui disait ou croyait que le M5 était fatigué, certains même on dit qu’il était mort, ont eu un cinglant démenti aujourd’hui », se réjouit, Choguel, devant les milliers de personnes qui ont répondu présent à leur appel. « A l’occasion de ce meeting, le mouvement du 5 juin, Rassemblement des forces patriotiques, convaincus qu’il est avéré aujourd’hui qu’il existe une complicité objective et une convergence d’intérêts et d’objectifs entre l’ancien régime, officiellement déchu, et les autorités militaires de la Transition, fidèle à ses idéaux et engagement, a déjà déclaré qu’il ne peut ni s’associer, ni assumer la gouvernance en cours, ni rester, non plus, observateur passif de ses dérives », rappel maitre Mohamed Bathily.
Ainsi, continue l’ex ministre, pour le M5, ne pas rester un observateur passif, c’est d’abord : « exprimer son désaccord et aussi continuer à porter les justes et légitimes revendications du peuple malien pour les faire aboutir par tous les moyens légaux et démocratiques. » Lors de ce meeting, les déclarations et revendications du mouvement et de ses sympathisants ne sont pas nouvelles : Obtenir justice et réparation pour les victimes du 10,11 et 12 juillet ; rappel de la victoire usurpée du peuple ; dénoncer les arrestations extra-judiciaires ; dissolution du Conseil National de Transition (CNT) ; relecture de l’accord d’Alger.
Avec cette manifestation, le M5, veut surtout mesurer sa force de rassemblement, pour une « sortie plus massive et déterminée ». « Nous ne sommes pas dans la rue, mais nous allons y être. Nous sommes déterminés. Et si l’intimidation de ce matin- le fait de poster devant nous des armes- si c’est indicateur de la volonté de tuer, on l’a noté. Ils vont tuer mais ils seront poursuivis », rassure Maitre Bathily. « Il n’est pas trop tard », relativise l’ex premier ministre, Modibo Sidibé, qui fait appel au bon sens des hommes au pouvoir. Selon lui, le M5 exige des assises nationales inclusives : « Il faut que la parole soit donnée aux citoyens.
C’est eux qui doivent se concerter pour évaluer, ce qu’ils doivent faire pour le pays. Ils doivent ressasser les erreurs du passé pour éviter celles du futur. C’est ce qu’on appelle : refondation. Mais le seul dirigeant ne peut -ne doit – pas choisir à la place de toute la population ». Quant à Maitre Mountaga Tall, il exige des élections transparentes et crédibles.
Pour se faire, tout doit être mise en œuvre pour que le peuple choisisse en âme et en conscient son futur président.
Le M5 sortira-t-il vainqueur de ce nouveau combat sans son autorité morale d’antan, l’Imam Mahmoud Dicko ?
Dans un passé récent, il a manifesté son inquiétude à l’égard de la situation « périlleuse » dans laquelle se trouve le pays, sans autant s’aligné derrière le M5. Les autorités actuelles seront-elles sanctionnées pour leur refus d’accepter les exigences du M5-RFP et, plus largement, leur gestion de l’affaire de la démolition des maisons de la zone aéroportuaire ? Ou récompensé pour leur volonté d’aller de l’avant sans se laisser entraver par les mouvements sociaux ? Au moment où le gouvernement dévoile son plan d’action, le retour à la rue du mouvement du 5 juin n’entravera-t-il pas sa mise en œuvre ?
Les jours à venir apporteront, certainement, des éléments de réponses à cette interrogation.
Aly Asmane Ascofaré
Source: Canard Déchainé