La corruption dans le secteur de l’éducation à travers les « petits arrangements » afin d’éviter le redoublement des élèves au niveau fondamental est plus qu’inquiétante. Ces petits arrangements tuent l’avenir de la nation en rendant le système éducatif non moins performant.
Un phénomène est un secret de polichinelle. De nombreux établissements scolaires privés ou publics s’abonnent à des pratiques qui consistent à faire passer en classe supérieure des élèves moins performants. F.D est élève dans une école publique de Sébénicoro en commune IV du district de Bamako. Par crainte de subir la colère noire de son père, elle a négocié son passage de la 8ème à la 9ème année. « J’ai peur de mon père qui se bat pour ma réussite à l’école. Pour ne pas lui décevoir, j’ai négocié mon admission à la 9ème avec une somme 25 000 F CFA au niveau de la direction de l’école. Sinon je redoublerai avec 7 de moyenne », témoigne-t-il en secouant sa tête. Après la réussite de son coup, F.D a mis certains de ses camarades en relation avec les meneurs de ce système mafieux afin de négocier leur admission à la classe supérieure.
Au delà des élèves, certains parents cèdent à la tentation et cautionnent les pratiques à l’image de Monsieur Diarra, un parent d’élève à Djicoroni Para. « Ma fille ainée et son frère cadet ont redoublé respectivement la 7ème et la 8ème année. Je les ai transférés dans une autre école privée de la localité, tous les deux en classe supérieure, moyennant une somme d’argent, en complicité avec un responsable de l’école d’accueil. En ce temps de mensonge, de corruption et d’impunité ou tout est lié à l’argent et à la relation, je ne vais jamais laisser trainer mes enfants pour rien », ajoute-t-il. Une dame qui bosse dans une structure financière estime que l’enfant ne doit plus redoubler une classe si tu as les moyens. « Le niveau l’enfant en aura dès qu’il va commencer à travailler. C’est un temps perdu pour l’enfant de redoubler une classe », lance-t-elle.
Quid des promoteurs d’école privée ? Ils sont à la recherche de l’argent et veulent juste donner une réputation à leurs établissements scolaires avec un taux d’admission élevé. Un Directeur d’une école privée dans la commune de Mandé ne cache pas sa préférence pour ces pratiques mafieuses. « Je reconnais ces pratiques mafieuses que vous nous reprochez. Personnellement, je le fais comme beaucoup d’autres collègues. Les promoteurs veulent toujours plus d’élèves dans leurs écoles pour gagner plus d’argent, peu importe le niveau de l’élève ou le motif de son transfert pourvu que les parents payent la somme du transfert qui varie entre 10 000 FCFA à 15 000 FCFA. On met l’enfant dans la classe supérieure même s’il devrait redoubler ou être exclus. Je suis vraiment navré mais c’est la triste réalité, et si on ne le fait pas, on va recruter quelqu’un d’autre à notre place qui va le faire », souligne ce directeur d’école qui a peur de perdre son emploi en refusant l’inadmissible dans son établissement.
Ce phénomène pénètre même la gestion de l’école fondamentale. Selon Abdoulaye TRAORE, conseiller d’orientation (C.O) au Centre d’Animation Pédagogique de Sébénicoro, les Comités de Gestion Scolaire (CGS) en complicité avec la Mairie fixent une somme pour les transferts qui sont destinées à régler certains problèmes financiers de l’école telle que la réparation des table-bancs, le désherbage des cours de l’école à la veille des rentrées, etc. Dans les textes, le transfert d’un élève d’une école à une autre est gratuit au niveau primaire ou fondamental
Cas exceptionnel
Idrissa BABA MAIGA, Directeur du Centre d’Animation Pédagogiques (CAP) de Sébénicoro s’oppose à des pratiques qui tuent à petit feu l’intelligentsia malien. « Même pas plus tard que ce matin, il y’a un parent qui est venu me voir pour le cas d’un de ses enfants. L’enfant était au Nord, il a été transféré chez moi l’année dernière, il a été exclu. Le parent n’avait pas compris cela, donc j’ai instruit au Directeur de m’apporter le dossier de l’enfant. Quand le dossier est venu, j’ai fait le constat qu’en plus des cinq (5) redoublements du second cycle, l’enfant avait aussi redoublé la 4ème année. Il me demande, Monsieur, le Directeur qu’est ce qu’on peut faire, je dis rien, il faudrait qu’il laisse la place aux autres donc il est partis comme ça … », rapporte le Dcap de Sébénicoro.
Il souligne que ces pratiques se passent généralement au niveau des écoles privées pas au niveau des établissements publics. « Même ces cas se passent au niveau du public, nous nous ne sommes pas informés », avoue-t-il.
Sur un autre registre, Idrissa BABA MAIGA plaide pour une scolarisation des filles et surtout leur maintien à l’école. « Quand on nous touche avec une certaine intelligence par rapport au cas des filles, nous tolérons la scolarisation des filles. Nous ne faisons pas de discrimination entre les filles et les garçons. S’ils doivent être exclus, on les exclut », ajoute-t-il. Selon lui, il y a certaines ONG qui accompagnent le gouvernement pour une meilleure scolarisation des filles et leur maintien à l’école pour que plus de filles puissent aller loin ou terminer les études. « Dans ces cas précis, on fait des exceptions », reconnait le directeur MAIGA.
Revenant sur les pratiques consistant à prendre de l’argent pour faire passer les élèves non méritants, le directeur du Centre d’Animation Pédagogiques (CAP) de Sébénicoro de prendre des sanctions sévères si des cas sont portés à sa connaissance. Il faut combattre ce phénomène avec la plus rigueur. Car, il est entrain de miner certaines écoles fondamentales jusqu’à ce que certains enfants ne cherchent plus à faire d’efforts pour passer en classe supérieure. Ils espèrent sur les moyens financiers de leurs parents. Il est très urgent d’engager une lutte implacable contre ce phénomène afin de sauver l’école malienne mais aussi sauver le Mali.
Enquête réalisée par Ousmane Fofana
Source : Mali24