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Birmanie: Aung San Suu Kyi inculpée désormais «d’incitation aux troubles publics»

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Déjà poursuivie pour avoir enfreint d’obscures règles commerciales et sanitaires, celle qui était de facto la Première ministre de la Birmanie a été inculpée pour deux nouvelles infractions ce lundi 1er mars, tandis que les tensions restaient vives dans le pays au lendemain de la journée de répression la plus meurtrière depuis le coup d’État.

La prix Nobel de la paix est désormais poursuivie pour avoir violé une loi sur les télécommunications et pour « incitation aux troubles publics », a indiqué Nay Tu, membre de son équipe de défense, à l’issue de l’audience à laquelle Aung San Suu Kyi a assisté en vidéoconférence. Elle était déjà inculpée pour avoir importé illégalement des talkies-walkies et pour ne pas avoir respecté des restrictions liées au coronavirus, des motifs extravagants pour les observateurs internationaux.

Tenue au secret depuis son arrestation, elle semble « en bonne santé », selon son principal avocat Khin Maung Zaw qui voyait pour la première fois sa cliente en visioconférence, n’étant toujours pas autorisé à la rencontrer. Une prochaine audience est prévue le 15 mars. « Nous ne pouvons pas dire avec certitude combien d’autres inculpations subira Aung San Suu Kyi dans la période que nous vivons, a-t-il déclaré aux journalistes à Naypyidaw. Tout peut arriver dans ce pays en ce moment. »

Ces nouvelles inculpations interviennent au lendemain d’une journée de répression particulièrement sanglante. Au moins 18 personnes ont été tuées dimanche, selon les Nations unies qui se basent sur « des informations crédibles ». L’AFP a pu confirmer à ce stade de source indépendante dix morts, mais certains rapports mettent en avant un bilan encore plus lourd que celui annoncé par l’ONU.

Nouveaux tirs sur les manifestants

Malgré la peur des représailles, les contestataires sont de nouveau dans les rues ce lundi et les tensions restent vives. Près de la tristement célèbre prison d’Insein à Rangoun, les forces de sécurité ont tiré sur des manifestants rassemblés pour protester contre les multiples arrestations de la veille, d’après une retransmission en direct sur les réseaux sociaux. Il n’était pas possible à ce stade de savoir si les tirs ont été effectués à balles réelles ou avec des munitions en caoutchouc. « Nous sommes unis », ont scandé les contestataires.

Dans d’autres endroits de la capitale économique, certains manifestants ont érigé des barricades de fortune avec des panneaux de bois, des canapés ou des poteaux en bambou pour se protéger. La police a tiré avec des balles en caoutchouc pour tenter d’en disperser certains, d’après un média local qui fait état de plusieurs blessés.

« Organisation terroriste »

Après environ un mois de mobilisation pro-démocratie avec des manifestations quotidiennes et une campagne de désobéissance civile, la riposte des autorités a été particulièrement sanglante dimanche. Trois manifestants sont notamment décédés à Dawei, dans le sud du pays, après avoir été ciblés par « des tirs à balles réelles », selon un secouriste.

Des habitants sont descendus ce lundi matin dans les rues de la ville côtière pour déposer des fleurs rouges et allumer des bougies devant les portraits des victimes. « L’armée birmane est une organisation terroriste », a réagi sur Facebook Thinzar Shunlei Yi, une militante de premier plan.

« Mesures sévères » contre des « foules anarchiques »

Ce dimanche, les médias d’État ont averti que « des mesures sévères seront inévitablement prises » contre des « foules anarchiques ». On dénombre désormais une trentaine de morts dans les rangs des manifestants depuis le putsch du 1er février, d’après une ONG d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP). L’armée affirme pour sa part qu’un policier a péri en tentant de disperser un rassemblement.

L’utilisation par la police et l’armée d’armes létales contre des manifestations largement pacifiques a suscité un nouveau concert de protestations internationales. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a condamné sur Twitter « la violence abominable des forces de sécurité birmanes ». « L’usage de forces létales […] et les arrestations arbitraires sont inacceptables », a réagi de son côté le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.

L’ambassadeur birman aux Nations unies, Kyaw Moe Tun, avait lui-même rompu quelques jours plus tôt de manière spectaculaire avec les généraux putschistes en appelant à « mettre fin au coup d’Etat militaire » et à « rendre le pouvoir de l’État au peuple ». Il a été démis de ses fonctions par la junte.

« Le monde doit intensifier sa réponse. Les mots de condamnation sont les bienvenus mais sont insuffisants », a déploré le rapporteur spécial des Nations Unies l’ONU, Tom Andrews, ajoutant qu’il allait publier ce lundi une liste d’options à proposer au Conseil de sécurité.

Plus de mille interpellations

Les nombreuses protestations internationales et l’annonce de sanctions par les Etats-Unis et l’Union européenne n’ont pour l’instant pas réussi à infléchir les militaires. Les vagues d’arrestations se poursuivent, avec plus de 1 100 personnes ont été interpellées, inculpées ou condamnées depuis le coup d’État, selon l’AAPP.

Un média officiel a fait état de 571 arrestations pour la seule journée de dimanche. Plusieurs journalistes ont été arrêtés ces derniers jours, dont un photographe de l’agence Associated Press.

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