Le Mali depuis des années, est confronté à un problème énergétique. Les différents régimes qui se sont succédé n’ont pu trouver de solutions adéquates laissant les populations souffrir. MBA/Finance Internationale, Modibo Mao Makalou, dans l’interview ci-dessous fait des propositions.
ARC-EN-CIEL : Le Mali dispose de potentialités énergétiques importantes (énergie solaire, éolienne, thermique…). Ces atouts sont-ils exploités pour permettre à des millions de Maliens d’avoir accès à l’électricité et à moindre coût ?
Modibo Mao Makalou : En effet, l’exploitation des énergies renouvelables est assez faible au Mali malgré son énorme potentialité, nous pouvons noter que les énergies renouvelables pourraient surtout contribuer à pallier le déficit d’électricité d’environ 300 MW. Pour ce qui concerne les opportunités pour développer les énergies renouvelables (hydraulique, solaire, et éolienne) elles sont largement sous-utilisées. En effet, seulement 250 MW d’énergie hydro-électrique sont exploités à ce jour sur les fleuves Niger et Sénégal dont le potentiel s’élève pourtant à 1 GW. Selon l’inventaire des sites d’hydroélectricité sur l’ensemble du territoire national, 25% seulement du potentiel estimé en termes de puissance est utilisé, soit environ 1GW. Le Mali pourrait devenir un grand producteur d’énergie solaire car il bénéficie de 7 à 10 heures d’ensoleillement par jour toute l’année (avec une irradiation moyenne, de 5 à 7 kWh/m2 /J contre une moyenne mondiale estimée à 4-5 kWh/m2/J).
Ainsi, il serait important de diversifier le parc de production énergétique en exploitant le potentiel hydroélectrique du pays, en prenant en compte les potentialités offertes par le solaire, les biocarburants et l’éolien pour accroître l’offre d’électricité et le taux d’interconnexion au réseau électrique de la sous-région tout en diminuant les coûts de production et les prix de vente de l’électricité qui sont relativement élevés.
Depuis de nombreuses années, nous constatons pendant la période de grande chaleur, des coupures intempestives de courant pour ne pas dire des délestages. Selon vous, quelles sont les causes de ses nombreuses coupures ?
La demande d’énergie électrique au Mali est en constante progression (+10% par an en moyenne), pour une puissance installée de l’ordre de 720 MW au 31 décembre 2018. Au Mali, un des importants défis reste la production d’électricité à un coût abordable. La production d’électricité à EDM SA est assurée par des centrales thermiques et hydroélectriques. En effet, la part des centrales thermiques (centrales diesel propres à EDM-SA et celles en location) utilisant des combustibles pétroliers représente environ 66% de la production totale. La fourniture d’électricité est assurée par la société publique EDM-SA, les Auto producteurs, les Sociétés de Services Décentralisés, les « Opérateurs énergétiques ».. Le système de fourniture d’électricité d’EDM SA comprend principalement deux composantes : une composante Production-Transport-Distribution-Vente (PTDV) et une composante Achat-Transport-Distribution-Vente (ATDV).
L’accès à l’électricité au Mali a sensiblement augmenté ces dernières années passant de 32,43% en 2013 à 41% en 2019 selon le Ministère de l’Energie, en partie grâce aux services d’électricité fournis par EDM SA, aux sociétés énergétiques privées locales soutenues par l’Agence Malienne pour le Développement de l’Énergie Domestique et de l’Électrification Rurale (AMADER), par le Fonds d’électrification rurale. Toutefois, les taux d’électrification sont encore très faibles, en particulier dans les zones rurales (17,19% dans le secteur rural, comparativement à 66,80% dans les centres urbains).
La puissance en pointe sur le réseau interconnecté au Mali est estimée à environ 400 mégawatts en période de grandes chaleurs sur le réseau interconnecté et la demande annuelle d’électricité est évaluée à environ 15% qu’EDM-SA n’arrive pas à satisfaire entièrement. La demande étant largement supérieure à l’offre engendre donc un déficit qui doit être comblé par une production (offre) additionnelle qui nécessite des charges additionnelles de plusieurs dizaines de milliards FCFA. Les centrales thermiques et les groupes électrogènes louées auprès des sociétés privées ont fourni 70,92% de la production d’énergie en 2018 tandis que les achats de combustibles et d’énergie se chiffraient à 171,16 milliards FCFA en 2018. Selon le Conseil d’Administration d’EDM-SA du jeudi 18 février 2021, le résultat net prévisionnel était déficitaire de 43,45 milliards FCFA en 2020.
Malgré les réformes sectorielles, quelles peuvent être les solutions aux problèmes énergétiques de notre pays?
Le secteur de l’énergie couvre des enjeux forts importants en termes de développement économique. En effet, la demande énergétique augmente plus rapidement que l’évolution du Produit Intérieur Brut (PIB), ce qui posera non seulement d’une part un problème de productivité et de compétitivité, mais d’autre part aussi des difficultés de sécurité d’approvisionnement énergétique. Le PIB du Mali (production nationale) croit d’environ 5% par an contre 14% pour la demande d’énergie primaire hors biomasse et plus de 10 pour cent pour l’électricité.
Ainsi, il y a lieu d’améliorer dans les meilleurs délais la gouvernance d’EDM-SA qui fait face à des difficultés de gestion d’ordre technique, juridique, comptable et financier. En effet, selon le rapport du vérificateur général entre 2016 et le 30 septembre 2019, il y a eu des pertes d’énergie de plus de 81 milliards F CFA, les impayés sont passés de plus de 30 milliards FCFA en 2017, à plus de 52 milliards FCFA en fin 2018. Par ailleurs, toujours selon le même rapport, EDM-SA a reçu des subventions de l’Etat de 33,65 milliards FCFA en 2016, 34 milliards FCFA en 2017 puis 27 milliards FCFA en 2018 soit 94 milliards FCFA cumulativement pour les 3 années mentionnées. Toutefois son déficit cumulé restait toujours de 96,09 milliards pour 2016, 2017 et 2018 malgré son renflouement par les ressources publiques.
Aussi, la révision et la mise à jour du Document de la Politique Energétique Nationale (PEN) qui date de 2006 se révèle une impérieuse nécessité, la mise à jour et l’adaptation des textes réglementaires et des différentes stratégies nationales des sous-secteurs de l’énergie, est indispensable afin de les rendre plus cohérents et opérationnels notamment pour ce qui concerne les investissements dans les Energies Renouvelables.
Propos recueillis par
Amadou Sidibé
Source : Arc en Ciel