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Suguninkura : à la découverte du marché du fer

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Situé au pied de la colline du point G, à la périphérie du quartier de Médina Coura en commune II du district de Bamako, ce marché est un monde à part. Délocalisé en 1976 sur le site actuel, il y a environ 2000 ferrailleurs qui tentent, du lundi au samedi, de se sortir de la misère quotidienne grâce au fer.

Sur la route exigüe qui mène à ce poumon vivrier de la ville, camionneurs, chauffeurs de taxi et motocyclistes se bousculent sur la priorité. Assistant, incrédules face à ce spectacle, les vendeurs de fruits et légumes négocient avec leurs clients sur les prix des denrées. Après avoir dépassé tout ce vacarme, ce sont des appareils ménagers qui attirent l’attention du passant. De loin, le bruit d’un marteau sur une enclume déchire l’air pour rappeler l’endroit où l’on se trouve : le marché du fer de Médina- coura.
La ruelle pour accéder au site est recouverte de suie tout comme le reste de la zone.
A l’entrée, les odeurs nauséabondes des eaux usées vous font détourner de la pile de jantes de véhicules usagés posés en vrac et encore de petits fourneaux. Plus loin dans cette ruche qui tourne à plein régime, Amadou Diallo, la vingtaine, découpe avec précision de la tôle noire. Son amour pour la forge, il le tient de son père. « Je fais ce travail depuis l’enfance tout comme mon père et mes frères. Depuis tout petit, je venais avec mon père dans son atelier pour le plaisir. Ainsi, quand j’ai abandonné l’école, je me suis entièrement consacré à ce métier », se remémore-t-il. Concentré malgré le bruit environnant, le jeune homme ne lève la tête que pour vérifier le travail de son apprenti Salia.
Une expertise reconnue
A l’image du jeune Diallo, Drissa Ballo, 45 ans, teint foncé, a lui aussi hérité ce métier de son père. Sa famille dispose d’un atelier dans ce lieu depuis 1976. « Avant, nous étions à Rail da, pour cause de démographie galopante de la ville de Bamako et la pollution liée à la fumée produite par les forges, l’Etat nous a déplacés de ce lieu », raconte Soumaïla Diabaté, la soixantaine, spécialisé en fabrication de matériaux agricoles et président de la coopérative des forgerons et ferblantiers « Jama jigui », assis sur une chaise en fer. « En nous déplaçant ici, les autorités nous ont offert des titres fonciers pour ce terrain de deux hectares », explique le vieil homme. En ce lieu de commerce, on fabrique presque de tout avec du fer. Les plus expérimentés fabriquent des matériels agricoles, des caisses, des fourneaux, tandis que les débutants s’attèlent à fabriquer des écumoires. « Grace à la qualité de nos productions, nous avons des clients qui affluent de partout. Principalement des régions, j’ai aussi des contrats en Mauritanie », ajoute-t-il.
Les clients se font rares ces temps-ci, en témoignent les multiples produits entassés dans l’atelier de Drissa Ballo. Habile, il a réussi avec l’appui de l’AMADER (Agence Malienne pour le développement de l’énergie domestique et l’électrification rurale) à tisser des liens de partenariat avec des occidentaux comme le Gères, une ONG qui intervient dans le domaine de l’accès à l’énergie en milieu rural et de la production des énergies renouvelables. Selon Ballo, « les bons clients ne viennent plus », regrette-t-il. Le forgeur lie les difficultés de sa corporation au manque criant de financements pour acheter le métal qui coute entre 100 à 250 F CFA le kilo. « Le manque de moyens fait que je ne peux pas répondre à des grosses commandes actuellement. Alors que certains clients exigent que je fasse le travail avec mon argent avant d’être payé », déplore-t-il.
Une hygiène qui laisse à désirer
La relation entre la municipalité et les ferrailleurs est faite de hauts et de bas. Pour un environnement sécurisé et sain, les ferrailleurs paient une taxe de 100 frs par atelier et par jour à la mairie. « L’occupation du sol est assujettie au paiement de taxes suite à un arrêté municipal », souligne Mme Dossolo Traoré, cheffe de la division des marchés à la régie des marchés de Bamako. Ces charges ont rapporté environ 150 millions de F CFA à la mairie du district en 2020, selon Dossolo. Elles servent à « sécuriser et entretenir le marché », certifie-t-elle. Toutefois, elle concède que l’hygiène dans ce lieu laisse à désirer.
Au marché du fer, on retrouve d’autres profils professionnels. Au détour d’une rue tortueuse, une odeur agréable de café épicé chatouille le nez et le guide vers Cheick Coulibaly. Il arrose la poudre de café qui se trouve dans un tamis installé au-dessus d’une marmite faite en tôle. Dans celle la mijote un liquide brunâtre. C’est du café « mais pas n’importe lequel », clame-t-il. Sa recette, il la tient d’amis wolofs rencontrés durant son séjour en Côte d’Ivoire au début des années 2000. « Les gens, ici, ne connaissent pas ce café » se vante-t-il. Seul vendeur de ce type de café au marché du fer, il écoule 15 litres (à raison de 50 frs le bol) par jour de son précieux breuvage dont le secret repose sur le mariage du café au poivre africain (poivre de Guinée).
Dans ce lieu atypique, jadis réputé pour la qualité des produits qui sortaient de ses forges, le marché du fer vit aujourd’hui dans la mélancolie d’un passé glorieux.

Aly Asmane Ascofaré / Salimata Koné 

Source : Canard Déchaine

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