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Joachim Löw, le génie enfermé dans ses certitudes

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Sélectionneur de l’Allemagne pendant près de 15 ans, Joachim Löw, qui quittera ses fonctions après l’Euro, est une figure majeure du football du XXIe siècle, mais l’homme qui a conduit la Mannschaft au titre mondial en 2014, est ensuite apparu enfermé dans ses certitudes.

À 61 ans, cet homme aux propos toujours mesurés, surnommé “Jogi” (prononcez “Yogi”), s’est attiré l’hostilité de ses compatriotes, pour n’avoir pas été capable de redonner confiance à l’Allemagne, après l’humiliante élimination au premier tour du Mondial-2018 en Russie. Refusant pendant des mois de s’en aller, il aura une ultime occasion de faire taire ses détracteurs à l’Euro.

Il avait été particulièrement déstabilisé par le 6-0 historique contre l’Espagne le 17 novembre, la plus lourde défaite de la Mannschaft depuis 1931.

“Jogi se voit comme un entraîneur champion du monde et vit dans son propre monde”, disait de lui l’un de ses proches collaborateurs, sous couvert de l’anonymat, pendant le désastreux Mondial-2018.

Fidèle à ses principes

Löw lui-même, avec un détachement qui a fini par ressembler à de l’arrogance, avait encore rejeté en octobre toutes les critiques: “Je suis au-dessus de tout cela.” Une phrase malheureuse qui a un peu plus ruiné son image auprès du grand public.

D’abord incité à tirer sa révérence par la Fédération allemande (DFB), qui n’avait manifestement pas envie de l’humilier en le limogeant, Löw avait finalement été confirmé dans ses fonctions en décembre. Mais il avait perdu son aura depuis longtemps. 

Après un automne difficile (4 nuls, 3 victoires, avant la défaite historique 6-0 en Espagne en Ligue des Nations), un sondage réalisé fin novembre révélait que 84% des supporters de la Mannschaft souhaitaient son départ. 

Dans la presse, les appels à sa démission s’étaient multipliés. Il avait d’ailleurs récemment semblé vouloir s’assouplir : il entrouvre désormais la porte à un retour de Thomas Müller, Jérôme Boateng et Mats Hummels, écartés sans ménagement en mars 2019 au grand dam de nombreux observateurs et supporteurs, qui relèvent la forme éblouissante de ces jeunes trentenaires avec le Bayern Munich et Dortmund.

On lui reprochait un trait qui s’était accentué ces deux dernières années : sa fidélité à ses principes, qui tournait à l’entêtement lorsque les résultats ne venaient pas justifier ses choix.

Löw, ancien joueur de deuxième division, arrivé en équipe nationale comme adjoint du sélectionneur Jürgen Klinsmann en 2004, a pourtant longtemps été prophète en son pays.

Après sa prise de pouvoir en 2006, il conduit l’équipe en demi-finale du Mondial-2010, puis au titre suprême en 2014 au Brésil (victoire 1-0 en finale contre l’Argentine), en lui faisant pratiquer un football rapide, inspiré et spectaculaire. Avec à la clé une leçon de football historique administrée à l’hôte brésilien en demi-finale (7-1).

Icône glamour

C’est l’époque où il devient une icône glamour en Allemagne : il s’affiche dans des publicités pour des cosmétiques, la presse people décortique ses tenues vestimentaires étudiées, son pull bleu à col en V (Mondial-2010), puis sa chemise cintrée (Mondial-2014) deviennent tellement populaires que les magasins sont en rupture de stock.

Son erreur a peut-être été de ne pas se retirer en pleine gloire. Qu’avait-il encore à prouver, après avoir remis l’Allemagne sur le toit du monde, emmené son équipe dans le dernier carré de tous les tournois disputés ?

Mais derrière son calme olympien se cachait une ambition immense jamais assouvie : entrer dans l’Histoire. À peine champion du monde, il martèle son envie de devenir le premier entraîneur allemand à remporter consécutivement le Mondial et l’Euro.

“Aucune équipe d’Allemagne, ni celle légendaire de 1954, ni celle de 1974 ou celle de 1990 n’ont réussi à remporter un tournoi après une victoire” en Coupe du monde, dit-il alors, convaincu de pouvoir y arriver.

Il échoue en demi-finale contre la France mais se lance aussitôt un autre défi : être le premier coach de l’après-guerre à remporter deux Mondiaux à la suite.

Mais il subit en Russie un nouvel échec, doublé d’une humiliation pour son équipe.

À défaut d’être double champion du monde, “Jogi” Löw, occupera tout de même une place dans le livre des records, quel que soit le résultat de l’Euro : quand il partira, il aura dirigé environ 200 matches de la Mannschaft. Une marque qui risque de tenir très longtemps.

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