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Aguibou Bouaré, président du CNDH : «…la loi d’entente nationale est une hérésie juridique»

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«On a empêché la justice de fonctionner sous le prétexte d’une loi qui est une hérésie juridique. C’est une loi scélérate que le CNDH avait en son temps dénoncée. Cette loi ne devrait aucunement être invoquée pour empêcher la justice d’être rendue…» pestait ainsi Aguibou Bouaré à l’annonce de la libération du général Amadou Haya Sanogo et ses coaccusés.

 

La justice malienne vient d’ordonner la libération du général de corps d’armée Amadou Aya Sanogo et co-accusés dans l’affaire des 21 bérets rouges. Pour ce faire, la Cour d’assises de Bamako s’est basée sur la loi d’entente nationale et un protocole d’accord signé entre le gouvernement et les familles des victimes.

Selon l’un des avocats de la défense, Abderrahmane Ben Mamata Touré, «les parties civiles ayant toutes été dédommagées, nous pensons que c’est une bonne décision qui rentre dans le cadre de la loi et l’ordonnancement juridique des choses au Mali. C’est cela que nous attendons aussi à chaque fois qu’on vote des lois, on se plaint de leur non application. Une fois que le législateur qui représente le peuple malien vote une loi qui amnistie les faits liés aux événements de 2012. Il était logique que la cour accède à la demande de la mise en œuvre de cette loi d’amnistie», a déclaré Me Touré.

Le porte-parole du collectif des familles des 21 bérets rouges, Ismaëlla Fané, se dit déçu de la signature d’un protocole d’accord d’indemnisation entre le gouvernement et les familles des victimes. Ismaëlla Fané, le désormais ex-porte-parole des victimes, estime que la loi d’entente nationale a ouvert la brèche à une autre crise en libérant des gens qui ont froidement assassiné leurs frères d’armes. Par cette décision, la justice vient de lancer le compte à rebours d’un autre massacre. «Je continuerai ce combat comme il se doit pour que les auteurs répondent de leurs crimes», a-t-il fait savoir.

Aminata Soumano, victime d’enlèvement, de séquestration et de viol, proteste contre le verdict de la cour et promet de poursuivre son combat contre Amadou Haya Sanogo et tous ceux qui sont coupables du meurtre des 21 bérets rouges. Pour elle, le président de la transition Bah N’Dao et le vice-président de la transition Assimi Goïta n’ont pas respecté leurs engagements pour une justice indépendante et saine.

À l’en croire, quand le procès a été renvoyé à Sikasso en 2016, c’était pour des besoins de test d’ADN des victimes, à la reprise en 2021, le procès est allé sur la base de la loi d’entente nationale dont l’article 4 soustrait expressément de son champ d’application: «…les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les viols, les conventions internationales et africaines relatives aux droits de l’Homme et au droit international humanitaire et tout autre crime réputé imprescriptible».

«C’est honteux pour la justice malienne d’accepter de tels arrangements qui ne l’honorent pas», a-t-elle martelé. Mme Soumano n’entend pas baisser les bras ; elle compte désormais porter l’affaire devant les juridictions internationales où elle espère avoir gain de cause.

Le président du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), Aguibou Bouaré, joint au téléphone après le verdict de la Cour, a affirmé sa déception pour la simple raison que le jugement n’est pas allé à son terme.

«On a empêché la justice de fonctionner sous le prétexte d’une loi qui est une hérésie juridique. C’est une loi scélérate que le CNDH avait en son temps dénoncée. Cette loi ne devrait aucunement être invoquée pour empêcher la justice d’être rendue.

C’est pour cette raison, en son temps, nous avons protesté pour la mise en liberté des accusés parce que leur délai de détention provisoire était largement dépassé. Nous avons revendiqué le droit de la défense à l’époque.

Le combat que nous menons, nous ne le menons pour ou contre personne. Nous menons ce combat pour la dignité humaine, pour le respect et la protection des droits de toute personne sur le territoire national», a-t-il pesté le président du CNDH, Aguibou Bouaré.

Bourama Kéïta

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Assemblée nationale

LOI N° 2018___________/AN-RM DU__________ PORTANT LOI D’ENTENTE NATIONALE

 

L’Assemblée Nationale a délibéré et adopté en sa séance du

Le Président de République promulgue la loi dont la teneur suit

CHAPITRE I : DES DISPOSITIONS GENERALES

Article 1er : La Charte pour la Paix, l’Unité et la Réconciliation nationale, établie sur les conclusions de la Conférence d’Entente nationale tenue à Bamako du 27 mars au 02 avril 2017, est le fondement et le cadre de la présente loi.

Article 2. Visant à concrétiser la politique de la restauration de la paix et de la réconciliation nationale, socle de la stabilité et du développement de la Nation, la présente loi a pour objet :

– l’exonération des poursuites pénales engagées ou envisagées contre les personnes ayant commis ou ayant été complices des faits visés à l’article 3 ci-dessous ;

– l’adoption de mesures d’apaisement et d’indemnisation en faveur des victimes des douloureux évènements survenus dans le contexte visé à l’article 3 ci-dessous ;

– l’adoption d’un programme de réinsertion des personnes qui ont été victimes du fait de l’engagement de leurs proches dans les évènements visés à l’article 3 ci-dessous.

Article 3 : Les dispositions de la présente loi s’appliquent aux faits pouvant être qualifiés de crimes ou délits, prévus et punis par le code pénal malien, les autres lois pénales et les conventions et textes internationaux ratifiés par le Mali en matière de protection et de promotion des droits de l’homme, survenus dans le cadre des évènements liés à la crise née en 2012 et qui ont gravement porté atteinte à l’unité nationale, à l’intégrité territoriale et la cohésion sociale.

Article 4 : Sont exclus du champ d’application de la présente loi, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les viols et tout autre crime réputé imprescriptible.

Article 5 : Toute démarche entreprise pour bénéficier des mesures envisagées dans le cadre des trois domaines visés à l’article 2 ci-dessus, est volontaire et individuelle.

Article 6 : Par devoir national, la présente loi offre, dans les conditions fixées aux chapitres II, III et IV ci-dessous :

1 – le bénéfice du Pardon national à toute personne ayant commis ou ayant été complice des faits visés par l’article 3 ci-dessus ;

2 – le bénéfice de mesures de solidarité et d’assistance nationales à toute personne ayant été victime des faits visés par l’article 3 ci-dessus ou, le cas échéant, à ses ayants droit.

Article 7 : En vue de contribuer à conforter les bases de l’Entente nationale, la présente loi, institue l’organisation «d’une Journée du Pardon national», «Une Semaine de la Réconciliation Nationale» et la rédaction de «l’Histoire générale inclusive du Mali».

Article 8 : La «Journée du Pardon national» et «La Semaine de la Réconciliation Nationale» sont dédiées à la mémoire de toutes les victimes, civiles et militaires de tous les conflits. Un Décret du Président de la République fixe la date de la Journée du Pardon national. Un arrêté du Ministre chargé de la Réconciliation nationale détermine la date et les modalités d’organisation de la «Semaine de la Réconciliation nationale».

Article 9 : Il est rédigé l’Histoire générale inclusive du Mali. À cet effet il est mis en place un projet exécuté dans le cadre des Universités nationales, par un Comité scientifique indépendant, avec le parrainage de l’UNESCO. La composition et le fonctionnement du Comité scientifique indépendant sont fixés par décret pris en Conseil des Ministres.

Article 10 : L’Histoire générale inclusive du Mali est la source principale des manuels d’enseignement et de formation en matière d’histoire, notamment aux niveaux de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire, sur toute l’étendue du territoire national.

CHAPITRE II : DE l’EXONERATION DES POURSUITES PENALES

Section 1 : Des dispositions communes

Article 11 : Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux personnes qui, lors des évènements visés à l’article 3 ci-dessus, ont commis des faits ou ont été complices des faits prévus et punis par le code pénal et les lois spéciales en vigueur en République du Mali.

Article 12 : Les mesures d’exonération s’appliquent aux personnes concernées individuellement.

Article 13 : La chambre d’accusation au niveau de chaque Cour d’Appel est compétente pour statuer sur les questions incidentes qui peuvent survenir au cours de l’application des dispositions du présent chapitre.

Section 2 : De l’extinction de l’action publique

Article 14 : L’action publique est éteinte à l’égard de : – toute personne membre d’un des groupes signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali et qui, dans ce cadre, a cessé ses actions depuis le 20 juin 2015 ; 3 – toute personne membre d’un des groupes armés non signataires mais ayant adhéré à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali et qui, dans ce cadre, a cessé ses actions après l’adhésion.

Article 15 : L’action publique est éteinte à l’égard de toute personne concernée, autre que celles citées à l’article 3 ci-dessus qui, dans un délai maximum de six (6) mois, à compter de la publication de la présente loi au Journal officiel, se présente volontairement aux autorités compétentes et déclare cesser ses actions et remet les armes, munitions, explosifs et tout autre engin en sa possession.

Article 16 : L’action publique est éteinte à l’égard de toute personne, recherchée à l’intérieur et à l’extérieur du territoire national, pour avoir commis ou avoir été complice d’un ou de plusieurs faits visés par l’article 3 ci-dessus, qui, dans un délai maximum de six (6) mois à compter de la publication de la présente loi au Journal officiel, se présente volontairement aux autorités compétentes et déclare mettre fin à ses actions.

Article 17 : L’action publique est éteinte à l’égard de toute personne condamnée par défaut ou par contumace, pour avoir commis un ou plusieurs faits visés par l’article 3 ci-dessus, qui dans un délai maximum de six (6) mois à compter de la publication de la présente loi au journal officiel, se présente volontairement aux autorités compétentes et déclare mettre fin à ses actions.

Article 18 : L’action publique est éteinte à l’égard de toute personne détenue, non condamnée définitivement, pour avoir commis ou avoir été complice d’un ou plusieurs des faits visés par l’article 3 de la présente loi.

Article 19 : Les mesures prévues par les articles 14, 15,16, 17 et 18 ci-dessus ne s’appliquent pas aux personnes qui ont commis ou ont été complices des crimes visés par l’article 4 de la présente loi.

Article 20 : Les bénéficiaires de l’extinction de l’action publique, objet des articles 14, 15,16, 17 et 18, sont libres de leur mouvement, sitôt accomplies les formalités prévues par la présente loi.

Section 3 : De la procédure applicable pour l’extinction de l’action publique

Article 21 : Au sens de la présente loi, on entend par autorités compétentes, les autorités ci-après : -les ambassadeurs, les consuls généraux ;- les procureurs généraux ;- les procureurs de la République ;- les commandants de Brigade ;- les commissaires de police ;- les préfets ;- les sous-préfets ;- les maires.

Article 22 : Toute personne qui s’est présentée aux autorités compétentes, dans le cadre de l’application des dispositions des articles 14,15,16,17 et 18 ci-dessus, est tenue de faire une déclaration qui doit porter sur :- les faits commis ou dont elle a été complice ou reconnus comme tels ;- les armes, munitions ou explosifs ou tout autre engin qu’elle détient ayant eu une relation avec ces faits ; dans ce cas, elle doit les remettre auxdites autorités ou indiquer à ces dernières le lieu où ils se trouvent.

Article 23 : Dès la présentation de la personne concernée devant les autorités compétentes, celles-ci avisent le procureur général territorialement compétent qui dispose d’un délai de huit (8) jours francs pour procéder ou faire procéder à sa diligence à l’extinction de l’action publique.

Si la personne concernée se présente devant les ambassadeurs ou consuls maliens, ces derniers doivent porter ses déclarations à la connaissance du ministre chargé des Affaires étrangères qui les transmet sans délai au ministre chargé de la Justice, Garde des Sceaux qui prend toute mesure qu’il juge utile dans un délai de quinze (15) jours.

Article 24 : Les cas d’extinction de l’action publique prévus aux articles 14,15,16, 17 et 18 ci-dessus sont soumis aux règles suivantes : – si la procédure est en phase d’enquête préliminaire, le procureur de la République décide de l’exonération des poursuites judiciaires ;

– si les faits font l’objet d’une information judiciaire, la juridiction d’instruction doit rendre une ordonnance ou un arrêt prononçant l’extinction de l’action publique ;

– si l’affaire est renvoyée devant une juridiction de jugement, celle-ci, à la diligence du procureur de la République ou du procureur général, déclare éteinte l’action publique ; La règle 3 ci-dessus est applicable au pourvoi en cassation devant la cour suprême ; en cas de pluralité de poursuites ou de décisions, le parquet compétent est celui du lieu où la personne concernée s’est présentée. Section 4 : De la grâce

Article 25 : Toute personne condamnée définitivement pour avoir commis ou avoir été complice d’un ou plusieurs des faits visés à l’article 3 de la présente loi, bénéficie de la grâce, conformément aux dispositions prévues par la Constitution.

CHAPITRE III : MESURES D’APAISEMENT ET DE REPARATION

Section 1 : De la réintégration administrative

Article 26 : Tout fonctionnaire ou tout Agent de l’Etat ou des Collectivités territoriales ayant fait l’objet de mesures disciplinaires, en liaison avec les faits visés à l’article 3 de la présente loi, voit sa situation administrative normalisée.  Dans le cas de radiation ou de licenciement, le fonctionnaire ou agent concerné a droit à une réintégration dans l’Administration publique ou, le cas échéant, à une indemnisation versée par l’Etat. Un décret pris en conseil des ministres fixe les modalités de la réintégration ou de l’indemnisation.

Article 27 : Tout fonctionnaire ou tout Agent de l’Etat ou des Collectivités territoriales, déplacé interne ou réfugié hors du territoire national, qui a fui son lieu d’affectation en raison de l’insécurité causée par les évènements de la crise de 2012, est autorisé à reprendre librement ses fonctions. Section 2 :

De l’indemnisation

Article 28 : Toute victime ayant subi des dommages corporels, matériels ou financiers résultant des faits visés à l’article 3 de la présente loi, bénéficie d’une indemnisation de l’Etat.

Article 29 : Les ayants droits de toute personne déclarée par les autorités compétentes, « disparue » dans le contexte particulier visé à l’article 3 de la présente loi bénéficient d’une indemnisation de l’Etat.

Article 30 : La victime visée à l’article 28 ci-dessus et les ayants droits visés à l’article 29 ci-dessus doivent se présenter aux autorités compétentes dans un délai d’un an à partir de la publication de la présente loi au Journal officiel. Un récépissé est délivré à chacun. Les rapports issus des travaux de la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) contribuent à déterminer la nature et les conditions d’indemnisation.

Article 31 : L’indemnisation prévue aux articles 28 et 29 ci-dessus exclut toute autre réparation du fait de la responsabilité civile de l’Etat.

Article 32 : Tout enfant mineur dont les parents civils et non fonctionnaires ou Agents de l’Etat sont décédés ou portés disparus dans le contexte visé à l’article 3 de la présente loi, bénéficie de la qualité de «Pupille de la Nation» telle que prévue par la loi n° 058 du 27 décembre 2016, instituant les Pupilles en République du Mali.

Chapitre IV : DU PROGRAMME DE REINSERTION

Section 1 : Du rapatriement des réfugiés

Article 33 : Un programme de rapatriement volontaire des Réfugiés civils est lancé dans les deux (2) mois qui suivent la publication au Journal officiel de la présente loi. Le programme de rapatriement volontaire dont la durée est de douze mois est mis en œuvre en coordination avec le pays hôte et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour le Réfugiés (HCR).

Article 34 : Chaque refugié civil rapatrié volontaire bénéficie d’une assistance de réinsertion dans le cadre d’un Fonds spécial créé à cet effet.

Section 2 : Du retour des déplacés internes

Article 35 : Toute personne civile ayant dû émigrer de son lieu de résidence habituelle vers une autre localité à l’intérieur du territoire national, en raison des évènements visés à l’article 3 de la présente loi et qui, de ce fait, n’est plus en mesure de subvenir à ses besoins élémentaires, bénéficie de l’assistance de réinsertion prévue par la présente loi. Section 3 : Des Ex-Combattants

Article 36 : Les Ex-Combattants, tels que visés dans le l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, bénéficient des mécanismes d’intégration et de réinsertion prévus par ledit Accord. En cas de réinsertion, les éléments concernés peuvent prétendre au bénéfice du Fonds spécial mentionné à l’article 35 de la présente loi.

CHAPITRE V : DES DISPOSITIONS FINALES

Article 37 : Dans le cadre de ses prérogatives constitutionnelles, le Président de la République peut, à tout moment, prendre toute autre mesure qu’il juge utile pour la mise en œuvre des dispositions de la Charte pour la paix, l’unité et la réconciliation nationale issue des conclusions de la Conférence d’entente nationale tenue à Bamako du 27 mars au 02 avril 2017. Article 38. La présente loi sera publiée dans le Journal Officiel de la République du Mali.

Bamako, le

Le Président de la République Ibrahim Boubacar KEITA

Source: Nouvelle Libération

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