Furieux contre l’extradition aux États-unis d’un de ses ressortissants, Pyongyang a brusquement rompu ce vendredi 19 mars ses relations diplomatiques avec Kuala Lumpur. Ce qui met un terme à une relation privilégiée jusqu’à l’assassinat en 2017 du demi-frère du dirigeant Kim Jong-un.
Le ministère nord-coréen des Affaires étrangères a annoncé avoir pris cette décision après l’extradition le 17 mars par les autorités malaisiennes d’un de ses ressortissants vers les États-Unis. Il a qualifié cet acte de « crime impardonnable » commis « avec servilité face aux pressions américaines ».
Jusqu’au meurtre de Kim Jong-nam, il y a quatre ans, la Malaisie était un des seuls pays alliés de la Corée du Nord. Le frère du dirigeant nord-coréen, qui était également un détracteur du régime, est mort après avoir reçu sur le visage un agent neurotoxique à l’aéroport de Kuala Lumpur. Cet assassinat avait largement été attribué par la Corée du Sud au Nord, ce que Pyongyang a démenti. Leurs relations s’étaient par la suite progressivement améliorées, la Malaisie décidant notamment de rouvrir son ambassade à Pyongyang.
L’annonce de ce vendredi vient soudainement mettre fin à ce réchauffement. Le ministère nord-coréen des Affaires étrangères « annonce la rupture totale de ses relations diplomatiques avec la Malaisie », dans un communiqué diffusé par l’agence officielle KCNA. Mun Chol Myong, le ressortissant nord-coréen visé par l’extradition, se livrait « à des activités de commerce extérieur légitimes à Singapour », a affirmé l’agence.
Accusations de blanchiment d’argent
Cette rupture intervient au lendemain de la visite en Corée du Sud de deux hauts responsables américains de la nouvelle administration Biden. Le secrétaire d’État Antony Blinken et le secrétaire à la Défense Lloyd Austin ont effectué une tournée en Asie afin notamment de renforcer les liens de Washington avec ses partenaires traditionnels dans la région face à la Corée du Nord et à l’influence croissante de la Chine.
Jeudi, Pyongyang a averti que sa position resterait inchangée envers les États-Unis tant qu’ils ne renonceront pas à leur « politique hostile » envers elle. Le 9 mars, Mun Chol Myong, avait vu son dernier recours rejeté par la plus haute juridiction de Malaisie contre l’extradition vers les États-Unis, où il devra répondre d’accusations de blanchiment d’argent.
Âgé d’une cinquantaine d’années, Mun vivait dans ce pays d’Asie du Sud-Est depuis une décennie avec sa famille quand il a été arrêté en 2019 suite à une demande d’extradition de Washington. Devant la justice, il a rejeté les accusations du FBI selon lesquelles il dirigeait un groupe criminel en charge d’exportations vers la Corée du Nord, en violation des sanctions internationales, qui aurait aussi blanchi des fonds à travers des sociétés-écrans.
Il est accusé de quatre chefs de blanchiment d’argent et de deux chefs de complot visant à blanchir de l’argent dans le cadre de son travail à Singapour, selon ses avocats.
Vers une montée progressive des tensions entre Pyongyang et Washington ?
Les autorités n’ont pas indiqué quels biens il a pu exporter illégalement en Corée du Nord. D’autres affaires ont dans le passé révélé des exportations d’alcool, de montres et d’autres produits de luxe.
Pour Shahriman Lockman, expert en politique étrangère au sein de l’Institut international d’études stratégique à Kuala Lumpur, l’annonce de Pyongyang « fait partie du signal diplomatique envoyé par la Corée du Nord aux États-Unis, ce qui présage d’une montée progressive des tensions entre Pyongyang et Washington ».
La Malaisie et la Corée du Nord entretenaient des relations particulièrement cordiales jusqu’en 2017, mais après l’assassinat de Kim Jong-nam, les deux pays ont expulsé leurs ambassadeurs respectifs et supprimé l’accord réciproque d’exemption de visa pour les visiteurs.
En décembre 2020, la Corée du Nord possédait des ambassades dans environ 25 pays, parmi lesquels Cuba, l’Iran, l’Allemagne et son principal allié, la Chine, selon Séoul. Pyongyang est depuis longtemps accusée d’utiliser ses représentations diplomatiques pour faire du renseignement, du blanchiment d’argent et enfreindre les sanctions internationales.
(Avec AFP)