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Tchad, la France complice de la dictature

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Le président tchadien Idriss Déby lors d'une conférence sur la crise des migrants, à Paris, le 28 août 2017.

Dans une lettre au président français, Emmanuel Macron, Éric Topona Mocnga, journaliste et citoyen tchadien résidant à Bonn, auteur de « Misère et grandeur de la liberté d’informer », souhaite que la France cesse d’être un soutien inconditionnel du dictateur tchadien, Idriss Déby Itno

 

Depuis la fin de l’année 2020, le régime trentenaire du Président tchadien sortant Idriss Deby Itno, candidat à un sixième mandat, a instauré un climat de violence et de terreur pour réduire au silence ses adversaires politiques et museler toutes les forces du progrès et de l’alternance démocratique. Les médias français et allemands, à l’instar de ceux d’Afrique et du monde entier, se sont largement fait l’écho de cette négation absolue de la libre expression démocratique et des canons classiques de l’État de droit ; et, à n’en pas douter, votre chancellerie diplomatique au Tchad aussi.

Cette dérive dictatoriale et autocratique, dont est coutumier le Président Idriss Deby Itno, s’est notamment traduite, entre autres, par les interdictions systématiques et abusives de manifester, les assignations à résidence illégales et la traque de ses adversaires politiques les plus redoutés, des interpellations et l’incarcération d’hommes de médias, des intimidations et des actes de harcèlement divers à l’endroit de certaines figures éminentes de la société civile.

Le point culminant de cette dérive tyrannique a été atteint ce dimanche 28 février 2021, lorsque le domicile de l’opposant Yaya Dillo Djerou, candidat déclaré à l’élection présidentielle du 11 avril 2021, a été quadrillé par des éléments de la Direction générale de service de sécurité des institutions de l’État (DGSSIE), faisant office de garde républicaine. Son domicile a été attaqué au char d’assaut, entraînant d’immenses dégâts matériels, mais surtout des pertes en vies humaines, dont la mère de l’ancien ministre Yaya Dillo Djerou.

Monsieur le Président de la République,

Ces voies de fait et ces exactions d’une telle gravité, à la veille d’une élection présidentielle qui se veut démocratique et populaire, sont tout aussi absurdes et intolérables qu’incongrues.

Depuis l’accession au pouvoir du Maréchal Déby Itno, en 1990, alors que les Tchadiens croyaient avoir clos la séquence sombre de la dictature sanguinaire du régime du Président Hissène Habré, les disparitions inexpliquées et les assassinats d’opposants politiques demeurent légion au Tchad.

Moïse Nodji Ketté, président du Comité du sursaut national pour la paix et la démocratie (CSNPD) a été froidement abattu dans le sud du Tchad, le 6 septembre 2000.

Ibni Oumar Mahamat Saleh, secrétaire général du Parti pour les libertés et le développement (PLD), est porté disparu à l’issue de l’assaut rebelle sur N’Djamena, les 2 et 3 février 2008.

Brahim Selguet, un jeune militant de l’opposition a été abattu en mai 2001, devant le domicile de l’opposant Saleh Kebzabo.

Abbas Koty Yacoub, proche parent et compagnon d’armes du Président Idriss Deby Itno, a été abattu le 22 octobre 1993 à N’Djamena.

Ces assassinats ont été documentés par Amnesty International et d’autres ONG de défense des droits de l’homme, et sont, on peut le déplorer, restés sans suite.

Monsieur le Président de la République,
Qu’il s’agisse des crimes ou des actes de violation des droits de l’homme les plus récents, comme les plus anciens, du régime d’Idriss Deby Itno, le silence de la France officielle, dont vous êtes le premier représentant, est incompréhensible et inacceptable pour les victimes de cette dictature rampante et régnante au Tchad.

Suite à la répression d’une rare violence dont a été victime l’opposant politique Yaya Dillo Djerou, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a aussitôt « regretté le recours à la violence » au Tchad à l’approche de l’élection présidentielle et a exhorté les autorités nationales à « mener une enquête rapide et rigoureuse sur cet événement, afin d’en établir les responsabilités ». Il a également réclamé « un dialogue politique » pour un processus inclusif.

Pendant ce temps, la diplomatie française demeure curieusement atone, voire silencieuse.

Pourtant, votre accession à la magistrature suprême en France, le 14 mai 2017, a été une immense source d’espoir pour la jeunesse francophone d’Afrique, qui espère un partenariat rénové avec la France universaliste et humaniste de Voltaire, Condorcet, Zola et Sartre. Le 28 novembre 2017, à l’Université de Ouagadougou, vous perceviez d’ailleurs l’Afrique comme « un continent où se joue notre avenir commun ». Or, c’est bel et bien l’avenir de la jeunesse tchadienne qui est confisquée depuis bientôt trente et un ans par le Maréchal Idriss Deby Itno et son clan.

Par ailleurs, comment la France peut-elle s’investir avec autant de moyens humains et matériels pour la paix et la sécurité au Sahel, et donner paradoxalement, dans le même temps, carte blanche à un régime politique qui opprime et paupérise ses forces vives, son peuple ? Cette situation pourrait, à la longue, constituer un terreau fertile pour le terrorisme, le djihadisme.

Nous osons croire que la France, avant l’élection présidentielle tchadienne du 11 avril 2021, fera entendre sa voix face à la gravité de la crise politique actuelle au Tchad et les menaces qu’elle fait peser sur la paix et la sécurité de la sous-région.

Nous formons enfin le vœu que cette lettre ouverte puisse vous convaincre d’être du bon côté de l’Histoire, en cessant le soutien inconditionnel de la France à un homme, Idriss Déby Itno, et à son clan, au nom des enjeux sécuritaires qui sont tout aussi importants pour le peuple tchadien que pour ses représentants. Les Tchadiens sont lassés par trois décennies de terreur, de misère, en dépit des ressources diverses dont regorge leur pays.

SourceMondAfrique

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