Toute cette semaine, qui marque le début du ramadan pour les musulmans, les correspondants de RFI vous rapportent ce moment de jeûne, de prières et de partage dans un contexte de pandémie. Dans le sud de la Thaïlande, plus précisément, une région en proie à des affrontements entre groupes armés musulmans et le pouvoir central, bouddhiste, c’est un ramadan discret qui se pratique.
De notre correspondante,
La Thaïlande accorde la liberté religieuse à tous ses citoyens, mais le ramadan se fête discrètement : prières, jeûne, mais pas de fêtes, pas de rassemblements, pas de musique le soir, un peu à l’image de qu’on demande aux communautés musulmanes dans le pays. Elles ont le droit d’exister, mais discrètement, avec toujours la notion qu’un véritable Thaï est un bouddhiste.
L’alliance monarchie-État-bouddhisme est très forte dans le pays si bien que dans certaines zones où la majorité de la population est musulmane comme c’est le cas des trois provinces les plus au sud du pays, à la frontière avec la Malaisie, où la population est à plus de 80% musulmane, difficile d’accepter ce pacte.
Et par exemple, il demeure difficile d’accepter que tous les fonctionnaires représentants de l’État soient bouddhistes, que les écoles publiques enseignent le bouddhisme, que la langue locale, le malayu soit délaissé, voire méprisé au profit du Thai, que les ressources naturelles soient entièrement accaparées par le pouvoir central. Résultat, la zone est enlisée depuis près de deux décennies dans un combat pour l’autonomie qui a fait plus de 7000 morts.
Une guerre dont on parle peu
C’est un conflit que le gouvernement thaïlandais semble préférer laisser pourrir. Depuis 2004, des bombes y explosent chaque mois, en particulier, aux nombreux points de contrôle militaires qui émaillent la région. Plusieurs professeurs des écoles d’état ont été assassinés. La période du ramadan d’ailleurs est souvent particulièrement meurtrière.
Aucune proposition en faveur de plus d’autonomie, en revanche on note une récente inflexion culturelle en faveur de la loi islamique : puisque depuis quelques mois dans la province de Yala, les femmes et les hommes musulmans peuvent être arrêtés s’ils montrent des signes d’affection en public. Cette question des mœurs représente vraiment la ligne de front en Thaïlande entre bouddhistes et musulmans : les bouddhistes sont plutôt ouverts sur les questions de sexualité, d’homosexualité, de genre, pas les musulmans qui revendiquent un autre modèle. Et cela alimente l’animosité de part et d’autre.
Une peur toujours présente
La cohabitation entre bouddhistes et musulmans se passent cependant plutôt bien, surtout si on la compare avec d’autres pays de la région. On parle beaucoup de l’intégration économique des musulmans qui s’est faite mieux que dans d’autres pays avec notamment la rapide augmentation des prix des terrains du sud du pays, les régions très touristiques autour de Phüket ou des îles.
Le bouddhisme Theravada tel qu’il est pratiqué en Thaïlande s’accommode bien d’autres croyances. Les communautés sont assez séparées et des détails agacent : par exemple la quasi-obligation de placer des portraits du roi dans les mosquées. Il y a indéniablement une peur des musulmans de la part des bouddhistes, et chez les musulmans un ressentiment d’être toujours considérés comme des citoyens de seconde zone.
RFI