L’ancien président burkinabè, en exil en Côte d’Ivoire, sera jugé pour « complicité » dans l’assassinat de Thomas Sankara. La date du procès n’a pas encore été fixée, mais le dossier a été renvoyé devant le tribunal militaire de Ouagadougou et les charges confirmées. 34 ans après l’assassinat de Thomas Sankara, le 15 octobre 1987, et de 12 de ses compagnons lors du coup d’État qui avait porté Blaise Compaoré au pouvoir, l’ex-président et 13 de ses coaccusés sont renvoyés devant les juges, dont 4 de ses gardes du corps de l’époque, directement accusés d’assassinat.
En fait, rappelleLe Pays à Ouagadougou, « le dossier Thomas Sankara n’aurait jamais enregistré pareils progrès sur le plan judiciaire si, devenu impopulaire au fil des ans, le régime de Blaise Compaoré n’avait pas réussi à faire l’unanimité contre lui, dans sa volonté de réviser l’article 37 de la Constitution. La suite, on la connaît. Car, acculé par une rue en colère, Blaise Compaoré a fini par larguer les amarres le 31 octobre 2014 pour se réfugier à Abidjan, en Côte d’Ivoire et cela, sous les lazzis et quolibets de tout un peuple. Depuis, les langues avaient commencé à se délier ; toute chose qui a permis d’aboutir aux résultats que l’on sait. Donc, pointe Le Pays, pour une victoire d’étape, c’en est une pour la famille Sankara et ses avocats qui n’attendent désormais que l’ouverture du procès pour savoir ce qui s’est exactement passé le 15 octobre 1987. Qui a tué Sankara ? Qui a commandité sa mort ? Et à quelles fins ? »
Sur fond de réconciliation nationale…
« Les calendriers politique et judiciaire sont en train de s’entrechoquer », constate L’Observateur Paalga. « Cette mise en accusation intervient en effet au moment où la réconciliation nationale est dans l’air du temps. Le président réélu, Roch Marc Christian Kaboré, en a fait une des priorités de son dernier quinquennat. Il a même nommé un ministre ad hoc en la personne de Zéphirin Diabré qui multiplie, depuis, les consultations tous azimuts. Et plus que jamais, le retour des exilés, notamment le premier d’entre eux, Blaise Compaoré, est au centre de la polémique. »
Compaoré doit s’expliquer en personne
Pour le quotidienAujourd’hui, Blaise Compaoré doit rendre des comptes, en personne… « Il devra expliquer aux Burkinabè, non plus par médias étrangers interposés, mais directement face au peuple, matérialisé par sa justice, pourquoi une amitié fusionnelle s’est dénouée aussi tragiquement un après-midi. Pourquoi et qui a décidé de mettre fin à l’élan de la révolution burkinabè (…). Qui a ordonné le régicide du 15 octobre (…). C’est après avoir levé le voile sur toutes ces zones d’ombre et après avoir obéi à ce que la justice aura conclu sur sa culpabilité ou son innocence, que le chapitre du pardon, le véritable enjeu de la réconciliation, pourra être ouvert. »
Tout cela, bien sûr, relève encore Aujourd’hui, « à condition que Blaise daigne bien venir au Burkina. Fait-il confiance à la justice de son pays ? N’a-t-il pas peur qu’il y ait une justice des vainqueurs ? (…) Seule certitude, les Burkinabè veulent tourner la page de toutes ces années sombres (…). »
Tous les mystères levés ?
Reste que « l’engrenage n’a certainement pas fini d’être démonté, relève le site d’information WakatSéra, car, malgré le déclassement de certains documents, des pans entiers de ce dossier pourraient demeurer un mystère, pour raison d’État. Autre détail, et pas des moindres, c’est la question de la présence de Blaise Compaoré, pointe également le site burkinabé (…). La Côte d’Ivoire lâchera-t-elle un de ses ressortissants ? La présence de l’ancien facilitateur dans la crise politique ivoirienne de 2010, à la barre du tribunal militaire de Ouagadougou, est loin d’être acquise. »
En tout cas, conclut WakatSéra, « l’affaire Thomas Sankara, si elle aboutit, permettra, sans doute, à la famille de l’illustre défunt et celles de ses 12 compagnons de connaître enfin la vérité sur les auteurs et peut-être les commanditaires de la basse besogne. Question : quel sera l’impact de ce jugement sur le processus de réconciliation, dans lequel, qu’on le veuille ou non, ce dossier tient une place importante ? En tout cas, si le capitaine est bien mort le 15 octobre 1987, Thomas Sankara, lui, refuse de mourir dans les esprits des révolutionnaires, où, il reste immortel, même s’il n’était pas un saint. »
RFI