Des milliards d’euros d’aide aux populations du Sahel sont régulièrement annoncés par les donateurs sans qu’on en voie l’impact sur le terrain. Quand ces fonds ne sont pas détournés par les élites locales.
Dans quelques jours s’installera à Bruxelles le secrétariat de la Coalition internationale pour le Sahel avec à sa tête le Tchadien Djimé Adoum, désigné Haut-Représentant lors du sommet du 7 ème sommet du G5 Sahel organisé en février dernier à N’Djamena. M. Adoum va recruter du personnel international nécessaire au fonctionnement de sa structure, il va louer des bureaux cossus dans un beau quartier de Bruxelles.
Dans la capitale belge, se trouvent déjà les bureaux du secrétariat de l’Alliance Sahel, une autre structure chargée de mobiliser et coordonner l’aide aux pays du Sahel. Le Secrétariat de l’Alliance aussi a dû recruter son staff, louer des bureaux, acheter des véhicules et investir des sommes importantes dans son fonctionnement.
Il existe à côté de ces deux structures, dans la capitale belge, le Partenariat pour la stabilité et la sécurité au Sahel (P3S), une initiative de l’Union européenne avec elle aussi ses fonctionnaires internationaux, son budget de fonctionnement, ses programmes d’interventions.
A quelques milliers de kilomètres de Bruxelles, la capitale de l’Europe, se trouve à Nouakchott, en Mauritanie, le secrétariat exécutif du G5 Sahel, mis en place par le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad, mais qui est financé principalement par l’aide internationale.
Double emploi et gaspillage
Les donateurs ont commencé par créer l’Alliance Sahel en juillet 2017 à Paris afin, assuraient-ils, de mieux coordonner leur aide et de créer des synergies dans leurs interventions dans les pays sahéliens. Alors que cette structure n’avait encore fini de faire la preuve de son utilité, les mêmes donateurs ont cru devoir lui ajouter lors du sommet du G7 organisé en juillet 2019 à Biarritz, en France, la Coalition internationale pour le Sahel, venue elle-même se superposer au P3S et au Secrétariat exécutif du G5 Sahel.
Toute cette énorme machine bureaucratique est financée sur l’aide au Sahel qu’elle est censée apporter directement aux populations. Les frais de fonctionnement de cette myriade de structures de soutien au Sahel s’évaluent en dizaines de millions d’euros qui finissent par être comptabilisés dans le total de l’aide aux populations sahéliennes. A Dori (Burkina Faso), Assongo (Mali) et Ayorou (Niger), on ne voit pas la couleur de cette aide.
Pire, les conditions de vie des populations se sont même dégradées à mesure qu’on annonce la création de ces énormes machines bureaucratiques. Ce n’est pas du tout surprenant. Ce qui reste des sommes mobilisées, après les frais de fonctionnement de la bureaucratie, arrive dans les pays pour être affectés aux financements des projets. Les élites au pouvoir en profitent pour se servir. Ce fut le cas sous Ibrahim Boubacar Keita au Mali où près d’un milliard d’euros d’aide au développement a été détourné en 2012 et 2017. Même lorsqu’ils sont mis en œuvre, la plupart des projets ont un impact limité sur la vie quotidienne des populations. Une bonne partie de l’argent des projets va dans l’achat des véhicules 4X4, la construction de locaux flamants neufs et des salaires élevés versés au personnel. Dans le contexte sécuritaire actuel, les projets préfèrent s’installer à Ouagadougou, Bamako ou Niamey au lieu d’être au plus près des populations. Les milliards d’euros d’aide mobilisés au profit du Sahel profitent finalement à tous, sauf aux populations.
Source: MondAfrique