L’enlèvement du journaliste Olivier Dubois a été confirmé mercredi par le Quai d’Orsay après la diffusion d’une vidéo dans laquelle il appelle Paris à le libérer
« Je m’adresse à ma famille, à mes amis, et aux autorités françaises pour qu’ils fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour me libérer », explique le français Olivier Dubois, dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. Vêtu d’une djellaba et filmé sous une tente, ce journaliste de 46 ans déclare avoir été enlevé le 8 avril à Gao au Mali.
L’histoire se répète au Mali. Après des semaines d’incertitudes sur le sort réservé à Olivier Dubois, Paris a aujourd’hui la confirmation de l’enlèvement du journaliste français, au nord du Mali. Dans une vidéo circulant sur les réseaux sociaux, ce collaborateur apprécié de différents médias (Le Point, France24, Libération…) indique avoir été kidnappé le 8 avril au Mali par des jihadistes affiliés à al-Qaïda.
A l’origine, le journaliste free-lance avait l’ambition d’aller interviewer l’un des hauts cadres du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, ou Jnim en arabe) dirigé par Iyad Ag Ghali, l’ex-rebelle touareg reconverti dans le jihadisme. Il avait informé les autorités françaises à Bamako de son projet avant de se rendre à Gao pour retrouver un intermédiaire. Ce dernier devait le conduire auprès du chef jihadiste.
Débute alors une longue attente après les premières rumeurs d’enlèvement. Ses confrères se passent le mot, mais décident de ne rien publier tant qu’il n’y aura pas de confirmation officielle. La famille est reçue au Quai d’Orsay. Un espoir subsiste toujours. Olivier Dubois va peut-être revenir, son scoop en poche.
Primes. « Olivier est un excellent journaliste qui a réalisé de très bons reportages autour du jihadisme au Mali, confie Luc de Barochez, son confrère du Point. Il a notamment sorti plusieurs scoops autour de l’affaire Pétronin (Ndlr : une ex-humanitaire française libérée en septembre 2020 par ses ravisseurs d’Aqmi). »
Le journaliste avait plutôt de bons contacts sur le terrain. Il est aujourd’hui le seul otage français connu et le quinzième kidnappé par un groupe affilié à Aqmi depuis l’enlèvement de Pierre Camatte, dans la nuit du 24 au 25 novembre 2009.
La stratégie du GSIM est d’avoir toujours entre ses mains des ressortissants hexagonaux, une carte pour faire pression sur Paris. Ses chefs proposent de grosses primes aux ravisseurs, ce qui les incite à prendre davantage de risques et à pénétrer dans des zones réputées sûres.
« Le pourrissement de ces conflits et la rivalité entre groupes se réclamant du jihad conduisent bien des acteurs locaux à retrouver des équilibres précaires »
« C’est toute la stratégie post-sommet des pays du G5 Sahel, qui s’est tenu à N’Djamena le 17 février 2021, qui pourrait potentiellement être impactée », confie une source diplomatique. La France, qui compte 5 200 hommes sur le terrain dans le cadre du dispositif Barkhane, compte à terme réduire ses effectifs avec la montée en puissance des armées sahéliennes et l’arrivée de forces spéciales européennes.
Huit ans après le début de l’opération Serval, le nord du Mali n’est pas pacifié. « Dans le centre, la situation est très compliquée, pas extraordinaire », indique également une source militaire française. En 2020, la France s’est surtout attachée neutraliser le haut commandement d’Aqmi, dont l’émir Abdelmalek Droukdal et le vice-émir Yahia Abou el-Hammam ainsi que le chef militaire du GSIM, Bah Ag Moussa. Mais ils ont vite été remplacés. Le GSIM continue d’opérer, même s’il a été freiné dans son extension territoriale — et ce également en raison de combats fratricides menés contre l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS).
Cibles. « Nous avons ces dernières semaines consolidé une convergence avec nos interlocuteurs du G5 Sahel pour considérer que Iyad Ag Ghaly et Amadou Koufa (Ndlr : le chef de la katiba Macina affilié au GSIM) sont des ennemis et en aucun cas des interlocuteurs », avait déclaré le président Macron par visioconférence depuis Paris lors du sommet de N’Djamena. Ces deux chefs sont donc bien toujours des cibles de l’armée française à l’heure où le Mali et le Burkina Faso sont enclins à ouvrir des canaux de discussion.
« Le pourrissement de ces conflits et la rivalité entre groupes se réclamant du jihad conduisent bien des acteurs locaux à retrouver des équilibres précaires en dehors de toute référence au jihad, confie Olivier Roy, politologue spécialiste de l’islam, dans la revue Moyen-Orient. Les grandes constructions narratives comme le jihad ne résistent pas au retour à une realpolitik. Il est essentiel de contribuer à une sortie du jihad par une ouverture politique. »
Pour l’instant, Paris n’envisage la discussion qu’avec des groupes locaux, qui n’ont pas trop de sang sur les mains. Encore faut-il réussir à les désolidariser de leur leader… Car de l’autre côté, le GSIM mène une offensive.
« Le groupe cherche actuellement à conquérir les cœurs et les esprits, assure la source militaire. Ses leaders font de la politique et ont des capacités de compromis avec les pratiques traditionnelles, contrairement à l’EIGS. Leur but est de désolidariser les populations des autorités de Bamako, de la France et de la communauté internationale. Ils utilisent beaucoup l’arme informationnelle (Ndlr : une référence explicite à la campagne menée sur les réseaux sociaux contre l’armée française après sa frappe sur un mariage à Bounti au Mali ».
Source: lopinion