L’état de siège entre en vigueur jeudi 6 mai en République démocratique du Congo dans les provinces meurtries du Nord-Kivu et de l’Ituri. Des gouverneurs militaires ont été nommés. Il y a aussi des vice-gouverneurs de la police. A tous les échelons administratifs, les forces de sécurité sont censées prendre le pouvoir. L’objectif : restaurer la paix dans ces provinces en proie à des conflits et aux groupes armés depuis plus de vingt ans.
Avec notre envoyée spéciale à Kinshasa, Sonia Rolley
La tâche est énorme. Ces gouverneurs militaires vont non seulement devoir administrer ces provinces pendant au moins un mois – ils ont des vice-gouverneurs et un cabinet pour les seconder – mais ils vont devoir aussi mener des opérations militaires. La gestion du quotidien, les opérations militaires et l’administration de la justice…
A partir de ce jeudi, dans ces deux provinces, la justice militaire prend le pas sur les juridictions civiles. Le président Tshisekedi avait assuré avoir donné des instructions au gouvernement pour qu’un soutien logistique et financier approprié soit fourni. C’est l’un des points d’inquiétude de la société civile. Comment l’armée et la police vont pouvoir tout gérer de front ?
Nous comprenons le besoin pressant d’agir pour mettre fin aux massacres. Le contexte et le contenu de l’état de siège posent plusieurs problèmes. Déjà, cette mesure est-elle nécessaire et proportionnelle au danger ? En considérant que l’état de siège est proclamé sur l’ensemble des provinces alors que les violences les plus graves sont localisées dans certains territoires spécifiques. Le deuxième problème, c’est les pouvoirs larges et aux contours flous qui sont accordés aux dirigeants militaires…
Ces gouverneurs militaires vont disposer de pouvoirs considérables, perquisitions de jour et de nuit, interpellations, interdictions de circuler ou de publier tout ce qui pourrait nuire aux opérations. L’objectif est clair : rien ne doit entraver la conduite des opérations. « Il n’y aura plus d’excuses », avait justifié le ministre de la Communication, expliquant que, depuis vingt, rien n’avait marché, mais que l’état de siège n’avait pas été essayé.
La société civile promet une surveillance constante de ses conditions d’application et de la désignation des militaires et policiers chargés de sa mise en œuvre. Les deux gouverneurs militaires déjà nommés sont d’anciens rebelles qui suscitent déjà des suspicions.
Inversion des noms
Deux ordonnances présidentielles ont été lues ce mardi à la radio et à la télévision nationale. Elles plaçaient le général Johnny Nkashama à la tête du Nord-Kivu, et le général Constant Ndima en Ituri, mais ce jeudi aujourd’hui, c’est officiel, il y a eu une inversion des noms.
La présidence a transmis les deux ordonnances qui doivent être prises en considération par la presse. Sur ces documents, il est bien stipulé que le général Johnny Nkashama et le commissaire divisionnaire Benjamin Alonga Boni sont nommés dans la province de l’Ituri. Alors que le général Constant Ndima et le commissaire divisionnaire, Romy Ekuka Lipopo, sont eux nommés au Nord-Kivu.
Mercredi déjà, une source officielle avait expliqué l’inversion à RFI et promettait une annonce officielle sur la RTNC, mais finalement, rien. Le soir, le compte twitter de la présidence avait twitté une partie de l’ordonnance qui est officielle aujourd’hui.
À l’annonce des affectations, la société civile s’était plainte de voir un officier issu d’une rébellion proche du Rwanda, qui avait administré cette même province, être nommé au Nord. Quant au général Constant Ndima, on a découvert après l’annonce de sa nomination qu’il était pointé dans un rapport public de l’ONU comme l’un des commanditaires d’une des opérations les plus meurtrières d’Ituri. Hier soir, un conseiller de la présidence assurait que cet officier n’avait jamais été condamné pour ce crime et que ses actions comme celles de ses collègues seraient scrutées.