La structure du nouveau gouvernement se dessine au rythme des consultations menées par le Premier ministre Moctar Ouane qui ne ménage pas ses efforts pour aboutir à une équipe représentative des différentes sensibilités du pays. Le contexte sociopolitique impose sa démarche, du reste perçue au sein de l’opinion comme une opportunité à saisir par ceux qui souhaitent aider à l’édification du Mali nouveau.
Jusque-là, seul le M5-RFP semble moins confiant en la volonté affichée par le Premier ministre. Ainsi, peu d’observateurs pronostiquent d’ailleurs l’entrée au gouvernement de ce regroupement qui réclame une position centrale dans la gestion de la transition, du fait de son rôle dans la chute du régime d’IBK. Choguel Kokala Maïga s’était fendu, dans la foulée de la démission du gouvernement, d’un communiqué expliquant que le Mouvement ne saurait s’associer à des « combinaisons dont il ignore tout des tenants et aboutissants », pour ainsi marquer son désaccord avec la trajectoire de la Transition imprimée justement par Premier ministre reconduit.
Néanmoins, des responsables du Mouvement ont accepté de répondre à l’invitation du Premier ministre Moctar Ouane mardi dernier. Seulement au nom de la courtoisie républicaine ? Certainement que non. Choguel Kokala Maïga et ses camarades savent que le futur gouvernement présente peut-être l’ultime occasion pour leur mouvement de revenir dans le jeu et peser, comme ils l’ont toujours souhaité, dans le processus de transition. Mais comment saisir cette opportunité, sans perdre la face ? L’équation est complexe.
Quoi qu’il en soit, le M5-RFP sortira difficilement de cette énième épreuve sans y laisser encore des plumes. Les rangs se sont clairsemés depuis la chute du président Ibrahim Boubacar Keïta et au fil de la mise en place des différents organes de la transition. Le futur gouvernement taillera certainement sa part dans ce qui reste du Mouvement, si le Comité stratégique décidait de rester inflexible.
Pour le moment, la posture affichée par ce Comité laisse la porte ouverte à toutes les éventualités. Il a dit, après avoir rencontré le Premier ministre, s’en tenir à sa lettre adressée au président de la Transition et qui se concluait ainsi : «Avant toute réponse au Premier ministre, nous avons estimé devoir revenir à vous pour demander des garanties claires, vérifiables et un chronogramme précis sur l’acceptation et la mise en œuvre diligente de l’ensemble des mesures qui vous ont été soumises…» Comme quoi, une fois ces garanties obtenues, le M5-RFP embarquera dans le vaisseau. En attendant, convient-il de rappeler qu’outre les questions de gouvernance et de sécurité, le mouvement évoque dans ladite lettre l’organisation des Assises nationales pour la Refondation du Mali et la dissolution du Conseil national de transition.
Mais au-delà, les différentes réclamations du Mouvement en disent long de ses rapports avec les militaires qui, à ses yeux, auraient pris en otage la transition. L’idylle entre le M5-RFP et le Conseil national pour le salut du peuple (CNSP) n’a pas duré, alors que le premier estime que le second est venu parachever sa lutte pour la chute du régime de Ibrahim Boubacar Keïta. Entre les deux parties, le climat a été tendu jusqu’au moment où l’autre a senti qu’elle sortait bredouille. Car elle n’a pas bénéficié des postes sur lesquels elle misait. Pour certains Maliens, voilà la véritable raison des agissements du désamour. «Il chevauche sur des difficultés de l’heure afin d’avoir le peuple à ses côtés. Il se fait le défenseur des intérêts d’un peuple en quête de chemin », dit-on dans les rues de la capitale. Des allégations que les responsables du M5 ont toujours balayé d’un revers de main, même après avoir réclamé «la présidence et le quart des membres du CNT pour, encore une fois, se donner les moyens politiques et institutionnels du changement et de la refondation».
Malgré les rebuffades du M5-RFP, les autorités de la Transition ont l’obligation de composer avec lui. Au nom de l’inclusivité que tout le monde appelle de ses vœux.
Issa DEMBELE
Source: Essor