En République démocratique du Congo (RDC), le président Félix Tshisekedi est enfin sorti de son silence après le tollé à la suite des propos de son homologue rwandais, Paul Kagame, qui a nié les crimes commis par ses troupes et critiqué le rapport Mapping de l’ONU qui recense les crimes les plus graves commis au Congo, et notamment par l’armée rwandaise, entre 1993 et 2003.
À Paris, face à la presse, Félix Tshisekedi a répondu aux propos de Paul Kagame, sans entrer dans la surenchère. « Permettez-moi de vous le dire, je ne suis pas là pour répliquer à mon homologue. C’est quelqu’un avec qui j’ai de bonnes relations et je saurai comment passer le message autrement, a déclaré le chef de l’État congolais. Ensuite, je dirais que le rapport Mapping, c’est quelque chose qui a été fait par des experts de l’ONU. Ce ne sont pas les Congolais qui l’ont fait. Ce ne sont pas les Congolais qui accusent. Ce sont des gens objectifs qui ont fait ce rapport ».
Félix Tshisekedi en a d’ailleurs profité pour promettre justice aux crimes recensés par le rapport Mapping, tout en appelant le président rwandais à collaborer. « Je dirais aussi que justice doit être faite pour toutes les victimes au Congo et ailleurs dans la région. Pour moi, ce serait plutôt une attitude positive que le président Kagame aurait de collaborer à cela, parce qu’à ce stade, il n’y a pas encore de condamnation. Donc, il faut se mettre au service de la justice. Si ces gens qu’il défend sont innocents, la justice les innocentera ».
« Quant à nous, je veux la paix pour mon peuple, mais pour les peuples voisins aussi, a rappelé le président congolais. Demain, lorsque cette paix sera une réalité, nous allons ouvrir ces pages aussi sombres, avec la justice congolaise, et voir dans quelles mesures nous pourrons régler les méfaits du passé par une justice transitionnelle ou par une justice pénale. »
La Monusco défend son bilan
Dans l’entretien qu’il a accordé à RFI et France 24, Paul Kagame a aussi critiqué l’apport de la Monusco dans la recherche de la paix dans l’est de la RDC. La mission onusienne a, elle aussi, réagi par la voix de son porte-parole.
« En ce qui concerne l’analyse du président Kagame sur le bilan de la Monusco, chacun est libre de son analyse, chacun est libre de son opinion. Ce qui nous semble important de rappeler, c’est que nous avons trouvé un pays qui était au bord de l’implosion il y a 20 ans. Avec les efforts conjoints de la Monusco et des autorités congolaises, nous sommes parvenus à préserver les frontières héritées de la colonisation, à avancer petit à petit l’autorité de l’État. Je pense que la question du bilan sur les 20 ans demande effectivement une perspective historique », a déclaré Mathias Gillmann.
L’UDPS demande un tribunal pénal international
Les déclarations de Paul Kagame ont, en tout cas, fait réagir jusqu’à l’Assemblée nationale congolaise. Pour le président intérimaire de l’UDPS et premier vice-président de l’Assemblée nationale, le président rwandais a adopté une posture négationniste face aux crimes commis sur le sol congolais par les troupes rwandaises. Pour Jean-Marc Kabund, président du parti présidentiel, l’essentiel est d’œuvrer pour un tribunal pénal international sur la RDC sur la base du rapport Mapping, établi par des experts de l’ONU. Une cour devant laquelle devraient comparaître tous les auteurs de ces crimes quels qu’ils soient et où qu’ils se trouvent.
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Parmi les autres voix qui se sont élevées dans l’UDPS, celle de Jacquemain Shabani. Selon le président de la commission électorale permanente du parti présidentiel, « les morts ne sont morts que lorsque les vivants les oublient ». Pour lui, les victimes sont, une fois de plus, massacrées lorsque l’évidence est niée. « C’est une injure à nos morts qui doivent obtenir réparation », insiste Jacquemain Shabani, pour qui ces crimes doivent être qualifiés de génocide.
RFI