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Alassane Souleymane : «On ne construira ni un Etat, ni une République, ni une nation, dans l’injustice, dans l’individualisme»

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Il y a 60 ans, nous étions un modèle dans la lutte pour la décolonisation, dans la pose des premières fondations de la nouvelle Afrique. Il  y a 30 ans, nous étions parmi les pionniers de la démocratisation du continent. Aujourd’hui, le Mali se cherche, ses fils et filles avec, entre déflation des valeurs, cela étant très visible et lisible dans les comportements et les pratiques des citoyens, donc de la citoyenneté.

Le Mali de 2021 est un Mali qui se relève des stigmates d’une insurrection mi-militaire, mi-populaire. Cela nous donne, en ce mois de mai finissant, une lecture mi-figue, mi-raisin. En somme, le flou, à ne rien y comprendre à la fois des hommes et de la gouvernance. Et nous aimons nous lamenter sur notre propre sort comme si nous voulons nous dédouaner ? Ne nous dérobons pas devant nos fautes quotidiennes, face à la nation. Nous sommes notre propre mal, et le mal du pays sans jamais avoir le mal du pays.

 

EN TANT QUE CITOYEN,  j’aspire à un Mali où il y a de l’autorité de l’Etat, du civisme et de la citoyenneté, où le dirigeant et le dirigé, en citoyens,  sont  à cheval sur leurs droits et devoirs vis-à-vis d’eux-mêmes, de leurs concitoyens, de la famille, des voisins, du lieu de travail, de la collectivité, de l’Etat, de la République, de la nation.

Dans le Mali d’aujourd’hui, le tableau est autre : incivisme maladif ambiant dans lequel l’individualisme a pris toute sa place. Que ce soit le marchant “bana bana” ou le directeur de service, le responsable de la collectivité, de l’institution, l’on a arrêté de voir et penser aux autres. Le moi, le Je, l’intérêt personnel l’emportent sur tout. Sommes-nous dans une faillite collective de la morale et du patriotisme ? Que veut dire pour nous “aimer sa patrie”?

Les philosophes ont pris en compte cette notion il y a bien longtemps et l’individualisme a sévi dans l’histoire des nations, au fil de l’évolution de l’homme. L’individualisme se nourrit d’égoïsme et de l’ignorance de l’existence du droit des autres, de leurs droits de l’existence du collectif.

QU’ON LE VEUILLE OU PAS, aujourd’hui nous vivons dans un individualisme sauvage qui nous a installés dans une anarchie dont il faut bien un jour sortir. Que voyons-nous tous les jours dans notre pays ? Des citoyens qui défient l’autorité de l’Etat, des responsables publics, administratifs et politiques qui violent la loi au nez et à la barbe de tous. C’est la république des petites solutions, des petits arrangements, de la courte échelle, de la déviation, du raccourci, des bras longs, des petits arrangements. C’est cela l’individualisme.

Par-dessus cela, le népotisme et le clanisme sont les mesures d’accompagnements. La culture de l’excellence est sortie par le toit.  La crédibilité, l’honnêteté, la loyauté, la sincérité sont en voie de disparition. Le jeune diplômé sorti l’an dernier est vite devenu un directeur de service, un chargé de mission, un conseiller, à des postes où il y a 30 à 40 ans, il fallait avoir l’expérience requise par les textes, au détour de l’évolution professionnelle dans la carrière pour y accéder.

Des aventuriers sont mis au sommet de la pyramide, aux premières loges, et donc à la barde de ceux-là souvent qui ont choisi de servir l’Etat, de braver les affres de la brousse et des sentiers battus, au fil de décennies de carrières. La récompense n’est pas au mérite, mais au démérite. Le jeune qui a un an d’exercice professionnel reçoit la médaille devant celui qui a blanchi sous le harnais. L’exception, plutôt que de confirmer la règle, est devenue la règle par défaut. À chaque fois que l’on crie victoire en voyant venir quelqu’un bien vanté, à l’expérience c’est la déception car les déviations sont vite arrivées.

L’APPAT DU GAIN est devenu le premier réflexe face à la responsabilité. Le nouveau titulaire nommé au poste ne se demande pas ce qu’il va faire pour le pays, ce qu’il va améliorer dans le quotidien du service et des employés, mais ce qu’il va engranger comme richesse individuelle. Comment devenir vite riche ? C’est la question substantielle.

L’appât du gain est devenu la règle absolue. Il est de plus en plus difficile de séparer la graine de l’ivraie.  ON NE CONSTRUIRA NI UN ETAT, NI UNE REPUBLIQUE, NI UNE NATION,  DANS L’INJUSTICE, DANS L’INDIVIDUALISME. Il y a un devoir de loyauté, de respect des droits et des devoirs de l’autre. Si l’on le transgresse, c’est un effet domino et l’on reçoit soi-même les contrecoups.

Je le disais il y a quelques jours : chacun est conscient que nous sommes au fond, mais chacun feint d’ignorer comment on s’y est trouvés. On est simplement tombés sans regarder devant, le sol. C’est aussi simple que cela. Sur le sol, sur le  chemin, il y a la loi, le droit, le devoir, la loyauté sur lesquels nous avons marché, que nous avons piétinés et nous devons à présent tâcher de revenir à la surface.

NOUS SOMMES LES MAITRES DE NOS MAUX, et de notre malheur. Ce n’est personne ! Accusons-nous nous-mêmes car nous ne sommes pas blancs, nous ne sommes pas saints. Nous prêtons le flanc, nous faisons les fissures dans notre mur national par nos mauvaises pratiques et nos vils comportements  et ne soyons pas étonnés de voir les margouillats s’y faufiler.

La SOLUTION EST SIMPLE: QUE LE CHEF DANS SON FAUTEUIL ET LE SUBORDONNE, LA MAIN A LA PATE OU dans LA BOUE, SE REPENTENT. PENSONS AU COLLECTIF EN RESPECTANT LA LOI, DE BAS EN HAUT, POUR LE BAS ET LE HAUT, DANS LA NATION.

Bamako, le 24 mai 2021

Alassane SOULEYMANE

Le Wagadu

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