Ayant cédé la présidence de la transition sous la pression de la communauté internationale au Colonel-major à la retraite Ba N’Daw en septembre 2020, le chef de la junte, Colonel Assimi Goïta, n’a jamais renoncé à son projet de diriger ladite transition. Il avait même inventé un poste de vice-président pour s’accrocher aux rênes du pouvoir en attendant la mise en œuvre de son plan savamment orchestré. Un rêve qu’il a réalisé ce 25 mai 2021.
A la suite d’une contestation populaire dirigée par le M5-RFP, un groupe d’officiers, conduit officiellement par le colonel Assimi Goïta, s’empare du pouvoir en contraignant le président IBK à la démission. Ce, disaient-ils, pour parachever la lutte du M5-RFP, afin de bâtir un Mali nouveau. A cette époque, ils ont voulu occuper le poste de Président de Transition, sans succès. Sous la pression internationale, il y a eu des simulacres de concertations pour produire un document intitulé « Charte de la transition ». Avant de créer une cohabitation entre la Charte et la Constitution qui n’a malheureusement jamais marché. Dans le fameux document, l’invention du poste de vice-président avait indigné les observateurs les plus avertis. Ainsi, l’organisation sous-régionale (Cedeao) avait recommandé des dispositions interdisant le remplacement du Président par son vice-président en cas d’empêchement du premier. Cette disposition n’a pas été appliquée. En tout cas, la version finale de la Charte publiée dans le Journal officiel ne mentionne pas l’interdiction pour le vice-président de remplacer le Président. Dès lors, juste après la prestation de serment par les « deux présidents », le marquage à la culotte a commencé.
A chaque fois que le Président Ba N’Daw effectuait un déplacement à l’étranger, son vice-président se rendait quelque part.Histoire d’affirmer son existence. Dans ce climat de méfiance, le gouvernement dirigé par Moctar Ouane avait du mal à imprimer sa marque. Les crises ont continué à s’accumuler. La grogne sociale s’amplifiait face à la passivité de l’équipe Ouane. Entre temps, pour s’affranchir de la junte, le Premier ministre démissionnaire a été reconduit « en catimini » par le chef de l’Etat. Ayant compris la stratégie de son affaiblissement par ces deux personnalités, les officines ont repris service pour diaboliser le chef de l’Etat et le chef du gouvernement. Dans ce bras de fer, apprend-t-on, le Premier ministre aurait fait des consultations pour former son gouvernement, sans se référer au Vice-Président, véritable détenteur du pouvoir. Ainsi, quelques minutes après la lecture de la liste des membres du gouvernement à la télévision nationale, à la surprise générale, le peuple apprendra que le Président N’Daw et son Premier ministre sont conduits manu militari à Kati, fief du Vice-président Goïta. C’est le lendemain qu’un autre communiqué sera lu à la télévision nationale par le porte-parole du Vice-président, annonçant que Ba N’Daw et Moctar Ouane « ont été mis hors de leurs prérogatives ».
Les arguments qui ne convainquent guère
Comme si le premier communiqué expliquant les conditions de l’arrestation du Président ne suffisait pas, le porte-parole de Assimi Goïta, le Commandant Baba Cissé, s’est livré à un autre exercice d’explication visant à légitimer cette énième coup d’Etat. Mais, jusque-là, aucun analyste n’est convaincu des arguments avancés par celui-ci lors d’une rencontre avec les «vidéomen».
Dans son One man Show, indiquera-t-il que ces démissions font suite à une série d’événements qui avaient empêché le fonctionnement normal de la transition.
En ce qui concerne la défense et la sécurité, il reste constant que les différents problèmes rencontrés allaient nous conduire à l’effritement et la cohésion au sein des forces armées. Il évoque aussi une « violation de la Charte de transition ». Parmi les faits reprochés au duo N’Daw-Ouane, indique le commandant Cissé, le Vice-président avait nourrit l’ambition de faire faire l’audit de la Loi d’orientation et de programmation militaire qui a été bloqué. S’y ajoute l’opposition du chef de l’Etat l’arrestation de certains dignitaires de l’ancien régime impliqués dans la mauvaise gestion financière, selon M. Cissé. A Ouane, désormais ex-Premier ministre de la transition, la junte reproche « la gestion clanique » et son implication « trop insistante » dans le processus électoral de 2022, son « manque de coordination gouvernementale » et la démission du gouvernement à la veille de la grève l’Untm.
Des facteurs qui ne tiennent pas en raison du principe de la séparation des pouvoirs. Nonobstant son statut de chef suprême de la magistrature, en aucun moment nousn’avons constaté une ingérence du Président dans une décision judiciaire. Mieux, celui qui connait l’administration ne pourrait se plaindre de l’implication d’un Premier ministre dans le processus électoral.
Le regard hagard, le Commandant Baba Cissé a évoqué le changement abusif des postes de certains militaires, créant ainsi une discorde entre les militaires. Ce dernier aspect qu’on tente de minimiser semble être l’une des vraies raisons de la démission forcée du Président de la Transition. L’avenir nous en dira plus.
Oumar KONATE
La Preuve