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Mariage à Bamako : La fièvre des uniformes

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Beaucoup de dames qui participent à ces cérémonies mondaines le font par peur des regards et des railleries des autres

Les élégantes changent de tenue deux, trois,quatre fois dans la journée

Un dimanche de mariage dans une famille à Bamako, on peut facilement ne pas reconnaître sa femme, sa fille ou sa sœur quand elles auront fini de mettre leurs habits de fête. Elles sont toutes belles, élégantes et fascinantes. Elles sont habillées de leurs plus belles tenues. Elles portent des uniformes, des bijoux, de sacs à mains neufs, de chaussures de luxe. Les visages ont reçu des touches de maquillage qui rendent éblouissantes.

Quand un mariage est annoncé, ou qu’une grossesse est proche du terme, le seul souci de la majorité des femmes, est de préparer les festivités de la future cérémonie. La priorité va au choix des uniformes, plusieurs mois à l’avance.

La tendance actuelle est de prévoir deux, trois, quatre, voire plus, pour une seule cérémonie. Pour magnifier ce jour, dans le meilleur des cas,les économies de plusieurs mois sont versées aux vendeurs d’habits, aux couturiers. Les rendez- vous sont pris dans les salons de coiffure. Les meilleurs ensembles de griottes et de harangueurs sont invités.

Le mois de juillet prochain, Tata a un mariage. Elle a déjà informé ses amies de tontine. Aussitôt, l’uniforme est choisi : c’est le basin riche. Il doit être porté dans l’après-midi, quand on va chanter les louanges de Tata, la marraine de la cérémonie. Le matin, les membres de la tontine seront tenues de se mettre sur leur 31. Elles porteront une autre tenue brillante.

Les copines de Tata forment une association. Ce qui rend l’organisation plus harmonieuse.Mme Kamissoko Mah Camara, est la cheffe. Elle tient à ce que tout le monde s’habille pour faire honneur à un membre de son assemblée.

L’uniforme est choisi deux mois à l’avance. Pour magnifier la cérémonie, il faut s’acquitter de la contribution du « kukoni » à hauteur de 50.000 Fcfa. Ce n’est pas tout ! Il faut aussi donner de l’argent à la marraine quand la griotte chantera ses louanges.

AVANTAGE-Les participantes versent une somme d’argent qui reflète la bonne relation qu’elles entretiennent avec la marraine. Toutes ces bonnes actions prouvent aux autres invités que l’on est« des grandes dames ! De gros bonnets.» être gros bonnet, au top de sa beauté, ou au devant de la scène, a un prix. Les engagements sont strictement respectés au nom de l’honneur. Ce lien est appelé ‘Fadeya’. Depuis 5 ans la tontine de Tata existe. Les membres font l’impossible pour être à la hauteur.

Ces groupement sont un avantage. à tour de rôle, chacune bénéficiera de la même somme et des honneurs au bon moment. C’est aussi une façon de tisser de belles amitiés et de faire des économies. Mais pour y arriver, il faut être brave, combattante, très intelligente.

Selon Mme Diakité Aïchata Sidibé,« les tontines rendent braves, elles permettent de réaliser pas mal de projets. Quand je me suis mariée, mon trousseau de mariage avait une valeur de près de trois millions de Fcfa. Les femmes sont venues de partout pour m’honorer le jour du mariage. Sans les tontines, cela ne serait pas possible. Ce que tu fais pour les autres, elles le feront pour toi. »

L’avis de B.T, infirmière dans une clinique de la place, est différent. Lors du mariage de sa nièce en décembre dernier, cette marraine a choisi quatre uniformes trois mois à l’avance. B.T a épuisé ses économies pour les préparatifs. Mais cela n’a pas suffit pour faire face aux dépenses. Il fallait trouver des sous ailleurs. Comment faire ?

Elle a dû toucher à l’argent que son patron lui confie chaque mois, pour le partenaire de la clinique. Le jour de mariage, elle était sublime. Elle a porté chacune des uniformes, payé les cotisations, pris place au milieu de la scène pour être glorifiée par la chanteuse en tant que marraine.

B.T a distribué des billets de banque aux différents groupes de griots.Et enfin une semaine après la célébration,le jour où la mariée devait rejoindre définitivement son mari, que l’on appelle ‘’minassiri’’,l’infirmière a donné une somme d’argent à la mariée, pour qu’elle s’achète un présent comme veut la tradition. Des jours, après les festivités, notre interlocutrice est revenue sur terre. Il faut réparer le dégât, avant que le chef ne se rende compte qu’elle a détourné l’argent de l’entreprise.

Trouver l’argent pour combler le trou. Mais où ? Et comment faire ? à l’heure actuelle, elle se couche la nuit, sans trouver le sommeil. Pourtant, B.T est une jeune femme intègre. Depuis plus de 4 ans elle travaille dans la même structure, dignement.

Elle bénéficie de la confiance de tous. Une réputation qu’elle risque de perdre.Elle est issue d’une grande famille où la concurrence, le ‘’fadeya’’ est rude. Chacune devait être à la hauteur de l’événement. Après le mariage, beaucoup ont avoué être allées à l’encontre de leur principe. Certaines ont ouvertement exprimé des regrets. L’après- mariage a été dur, tout le monde crie à la galère.

Il faut reconnaître aussi, qu’on est tombé dans l’excès. L’excès, c’est le mot que la plus âgée veut bannir de leur vocabulaire. Elle a prévenu que plus jamais, aucun mariage ne sera célébré de cette façon. Dorénavant, il faut se contenter d’un seul uniforme, et se passer de jouer aux stars. Sans doute, les uniformes rendent la cérémonie très agréable. Ils honorent la mariée, surtout s’il s’agit de basin «Geztner», ou de tissu brodé.

Malheureusement, cette affaire d’uniforme, de tontine, de contribution et de cotisation ‘’kunkoni’’ est devenue un problème, une épine aux pieds des femmes.Mais le paradoxe est que les femmes ne cherchent pas à savoir comment s’en sortir. Au contraire, elles entretiennent une idéologie, qui au lieu de resserrer les liens entre les familles, contribue plutôt à les dégrader.

Quand les histoires d’uniforme commencent au sein même des familles, les plus pauvres se restreignent mais ne se résignent pas. Ces femmes font l’impossible pour ne pas être indexées, comme les dernières de la classe dans leur milieu.C’est pour cette raison que beaucoup sont soucieuses aujourd’hui. Certaines n’arrivent pas à rester tranquilles dans leurs foyers. Elles sont devenues des commerçantes, des business women, des truandes, et même des infidèles à cause des problèmes.

Une vidéo très virale sur les réseaux sociaux relate la mésaventure d’une jeune dame, mère de trois enfants. Elle a pris soin de cacher son visage. Elle a avoué avoir commis de l’adultère pour assurer l’uniforme à elle et à ses enfants.

Elle confie : «c’est une chose que je n’avais jamais faite auparavant. Mais je savais que, si je n’avais pas l’uniforme le jour du mariage,je ne pouvais pas supporter les murmures et les regards sur moi. Les autres femmes de la maison avaient acheté l’uniforme, même pour leurs servantes.» Dans son regret, cette dame a lancé un appel à l’endroit des prêcheurs pour qu’ils sensibilisent les femmes à abandonner ces pratiques des uniformes. Tristement, cette vidéo reflète la réalité dans la société malienne.

Adam, en sait quelque chose. « Quand ma voisine a accouché, elle m’a informée. Le jour du baptême, je n’étais pas sur place. Quelque temps après, mon amie m’a fait des reproches. Elle a dit que je ne valais rien. Que les gens se sacrifient pour moi, et que je suis incapable de rendre le même service. Elle a dit des mots durs parce que je n’ai pas assisté au baptême de son bébé. Je lui ai envoyé un cadeau de la même valeur que celui qu’elle m’avait offert pour le baptême de mon fils.»

Quand une femme a une cérémonie de baptême ou mariage ses proches qui participent activement et surtout financièrement à l’événement voient ses relations améliorées de façon positive avec elle.

Nouveauté à Bamako ! La nouveauté aujourd’hui dans la capitale malienne, est que l’uniforme, quelque soit son coût ne peut être portée deux fois dans des mariages différents ! Même si certaines le font, c’est sûrement lors d’un mariage peu important. Sinon ! D’autres se feront le plaisir de venir te faire la remarque, lors de la seconde cérémonie. Les participantes de certaines tontines comme : les « Diamants noirs » ; « Femmes de classes » ; les « Fayidas », « les Dames VIP » savent parfaitement de quoi l’on parle.

Un élément du groupe VIP, Fatim Coulibaly, raconte : « dans notre organisation, tu n’oseras pas porter un uniforme deux fois. Sinon, elles te feront la remarque : « n’est ce pas le même basin que tu as porté pour le mariage d’une telle ? Alors pourquoi l’as-tu encore porté aujourd’hui? Et elles prennent les photos des deux mariages. Elles les mettent ensemble à travers une application. Et elles les publient sur les réseaux sociaux pour mieux se moquer. »

Nafisatou Touré, membre du groupe,’ « Diamant Noir » répond à la question « toutes, ont-elles les moyens de leur politique ? Non répond cette fonctionnaire. Le poids est lourd pour elles, car elles participent à d’autres tontines qui ont des conditions similaires. . Si vous n’avez pas le moyen de votre politique, pourquoi ne pas faire la politique de vos moyens ?

Le jour où les conditions ont été validées, elles ont toutes été consultées et personne n’a émis un avis défavorable. Dans notre société, n’est pas marraine qui le veut mais qui le peut. Dans la plupart des cas, tu es choisie, parce que tu es riche ou ton mari l’est.

L’honneur ne se refuse pas- Kadidiatou Tounkara est secrétaire de direction dans une structure étatique. Elle est coquette. Elle est devenue très claire grâce aux vertus des pommades. Elle a eu l’honneur d’être désignée marraine du mariage d’un ami de la famille. La célébration est prévue pour le mois d’août prochain. Depuis Kadi est soucieuse. Elle cherche à joindre les deux bouts. « Ces gens pensent que j’ai des millions. Ils m’imposent trois uniformes, deux basins, un pagne. Je dois organiser un ‘’sumu’’. Dieu seul sait dans quelle situation financière je me trouve actuellement », regrette Kadi.

Sa malchance est née le jour du mariage de sa petite sœur, il y a deux mois. Le futur marié et ses sœurs étaient présents. « Quand ils ont vu les différentes tenues que j’ai portées et les actes posés, ils ont cru que j’étais riche. Mon apparence a influencé leur décision.

Ils m’ont désignée comme marraine. Depuis lors, on ne me facilite rien, pour toutes les dépenses, on m’appelle. La dernière fois c’était pour le bonnet et les chaussures du marié. Et ce qui me tue, c’est quand on me cite les choses à acheter, en disant on va te rembourser. Mais ils ne remboursent jamais », fulmine –t-elle.

Ce sentiment est largement partagé par Mme Samassékou Mariétou. Elle admet que quand tu aimes te faire belle , tout le monde veut t’inviter à sa cérémonie. Elle fait référence aux propos d’une dame qui l’invite à un mariage où elle est désignée demoiselle d’honneur. « Je ne te demande pas de l’argent.je veux juste que tu sois vue à mes côtés le jour du mariage de mon frère », a-t-elle insisté.

Le mal des Maliennes, c’est être ‘’grande dame ou gros bonnet’’. La plupart, d’entre elles sont des gros bonnets « stagiaires ». Ce n’est pas compliqué de l’être. Il suffit de porter de belles tenues, un joli foulard, de faire un tour de maquillage. Après tout, l’essentiel c’est savoir se faire voir dans la société.

Maïmouna SOW

SourceEssor

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