Le Mali de son appellation fière le «MALIBA», comme tous les pays du vieux continent, a l’une des cultures et l’une des histoires les plus riches par sa diversité mais très diminuées par leur méconnaissance et leur division.
Le devoir de mémoires et le rassemblement de tou-te-s les malien-ne-s tant attendu nous obligent à complètement remettre en question tout le système malien à l’état actuel. Cette revue qui est une réflexion de mise en question, doit apporter des éléments de réponses dans un pays profondément touché où toutes les cartes peuvent être redistribuées pour construire le Mali nouveau que le peuple réclame et espère depuis des années.
En effet, le Mali affectueusement le «MALIBA» vit une des périodes les plus difficiles de son histoire, sans langue de bois tout en restant humble, sur tous les plans. Une des causes voire la cause principale de ces problèmes est la transposition après l’indépendance des systèmes étrangers dans la vie malienne sans un grand souci de prise en compte de la culture ni de l’histoire ni du social de la société malienne. Ce pays avec une telle grande histoire paye aujourd’hui cette transposition «insolente» par le prix de sa perdition et de sa propre destruction. Aujourd’hui le Mali traverse une crise sécuritaire sans précédent et une crise sociale profonde et le nier serait une grande erreur. Les conflits inter-ethniques n’ont été aussi nombreux et force est de reconnaître que cette fracture si profonde est aussi le résultat de la non-reconnaissance d’une partie de l’histoire.
En tant que chercheurs, un de nos devoirs envers notre pays est d’aller au fond des choses à la recherche d’une vérité ou des vérités pour pouvoir enfin expliquer certains maux de la société. C’est donc dans cette dynamique que cette revue se veut d’être une ouverture des questionnements, des discussions, des critiques et autocritiques, afin de laisser place à des recherches historiques, scientifiques, culturelles, économiques … pour enfin trouver des vérités et commencer à sérieusement construire ce pays sur des bases solides et des soubassements sans frustré-e-s, sans frustrant-e-s et sans frustration, un nouveau Mali avec tous ses enfants sans oublier personne. Oui cela est possible, et cela passe par ces remises en question.
Histoire et culture :
Quoi de plus mortel que de faire croire à un être humain qu’il n’a ni histoire ni culture.
Ainsi Cheick Anta DIOP dans son livre Civilisation ou Barbarie, Présence Africaine, Paris, 1981, disait «l’impérialisme, tel le chasseur de la préhistoire, tue d’abord spirituellement et culturellement l’être, avant de chercher à l’éliminer physiquement. La négation de l’histoire et des réalisations intellectuelles des peuples africains noirs est le meurtre culturel, mental, qui a déjà précédé et préparé le génocide ici et là dans le monde.»
Comme lui, plusieurs personnes ont compris que, pour une nation, la connaissance de sa propre histoire joue un rôle prépondérant dans son développement.
De ce fait, il est donc assez urgent que le Mali dans sa diversité culturelle et historique fasse ce travail de mémoires, mettre en place une cellule de recherche composée de griots, d’historiens, de chefs de village, de société civile afin de reconsidérer son histoire aussi douloureuse qu’elle puisse être, la réécrire, reconnaître les erreurs s’il y a eu lieu (comme au Rwanda concernant le génocide), l’enseigner à tous les enfants du Mali. L’histoire dans sa transmission orale a longtemps été modifiée, enjolivée, il est donc temps de la restituer et d’en fournir une seule version unanime. Ce travail doit au nom de la réconciliation nationale permettre aux prochains acteurs de la gouvernance de reconnaître les victimes des différents coups d’Etat, demander leur pardon, les dédommager pour qu’enfin le peuple malien dans sa diversité tribale puisse avancer comme un seul homme pour un Mali meilleur.
Constitution malienne :
De 1960 à nos jours, il y a eu trois versions de la constitution malienne, la constitution du 22 septembre 1960 qui favorisait un régime présidentiel fortement centralisé, la constitution du 22 juin 1974 qui renforçait un régime militaire avec un parti unique et celle du 12 janvier 1992 qui a vu arriver la démocratie, est celle qui est appliquée jusqu’à aujourd’hui. Toutes ces constitutions ont un seul point commun : la constitution française du 4 octobre 1958.
En aucun moment les acteurs de ces différentes constitutions n’ont jugé nécessaire de faire un saut dans l’histoire et se rappeler de l’une des vielles constitutions, adoptée en 1236 et qui est toujours d’actualité aujourd’hui, la « charte de kurukan fuga ». Au-delà de ses limites, la constitution du Mandé avait compris la nécessité de prendre en compte la culture et le social dans son instauration. Cela est une marque de respect et de considération profonde envers le peuple car aucune constitution sans un peuple n’est valable.
Aujourd’hui, il y a un manque et une négation profonde de la culture et du social de la République du Mali dans la constitution dans son état actuel.
Aussi minime que cela puisse paraitre, il est par exemple assez intuitif de voir que le tribunal traditionnel dans certains villages a réglé plus de conflits que le tribunal institutionnel et souvent par simple méconnaissance de la culture et des humains considérés.
Par exemple, rien que par le temps de travail dans les services étatiques, on se rend compte qu’il n’y a eu aucun travail de réflexion ou de recherche pour prendre en compte ou non des horaires de prière ou de salutation à la malienne qui pour finir sont le plus souvent pris sur le temps de travail effectif et après on s’étonne d’un air surpris du faible taux de rendement de nos services.
La révision constitutionnelle tant voulu par nos politiques doit être non pour changer le nombre de mandat mais surtout de prendre en compte le social et la culture à la malienne afin d’avoir une constitution en phase avec le peuple et la société malienne.
Education :
Comme marqué dans « l’article 9 de la charte de kurukan fuga : l’éducation des enfants incombe à l’ensemble de la société. La puissance paternelle appartient par conséquent à tous ». Il est loin le temps où l’éducation était l’affaire de tous et de toutes, il est loin le Mali dans lequel le maître d’école n’avait aucun souci quant à la punition d’un élève, il est loin cette société où un inconnu n’avait pas cette crainte de se faire insulter parce qu’il a juste voulu apprendre la bonne manière au fils de tel, oui il faut avouer qu’on est souvent nostalgique de certaines valeurs qui ont existé dans notre beau pays.
L’éducation d’un enfant passe forcément par trois phases : familiale, scolaire et sociétale.
La première, elle est aussi la phase qui conditionne le reste, l’éducation familiale est la base. Elle définit le comportement d’un enfant dans la société et à l’école. De nos jours beaucoup de parents justifient la délinquance de leurs enfants par l’absence d’éducation scolaire, mais selon plusieurs enseignants, l’absence d’éducation scolaire est la conséquence du laxisme des parents.
Une des phases, elle est aussi importante que vitale, l’éducation scolaire ou universellement appelée l’éducation nationale, se doit d’être exemplaire. Malheureusement l’école (collège, lycée et université confondus) sont aujourd’hui des refuges pour certains délinquants, qui ne craignent aucune autorité et pire les bafouent. Les enseignants ne se sentent plus en sécurité et les agressions ne font qu’augmenter de plus en plus. Ajouter à ceci l’incompétence de certains enseignants et l’immoralité d’autres, le système éducatif au Mali ne pouvait pas mal se porter.
Il est donc temps de se demander à savoir quel monde nous voulons laisser à la future jeunesse malienne ? Nous dévons nous ressaisir, prendre nos responsabilités, parents et corps professoral, travailler main dans la main, laisser chaque côté faire son travail, à l’état aussi d’assoir son autorité, revoir les programmes éducatifs par rapport aux besoins du pays, donner les moyens matériels et humains pour que l’école malienne retrouve ces valeurs du passé qui étaient tant appréciées dans la sous-région.
Religion :
Sans perdre de généralité et de partialité, nous pouvons affirmer que les religions abrahamiques ont pris des places importantes dans la vie quotidienne malienne et en particulier l’islam. Ces religions abrahamiques ont à travers le temps fait disparaître la religion traditionnelle africaine en faisant passer cette dernière comme une religion de mécréant. La plus grande partie de la population malienne, soit elle ignore l’existence de la religion traditionnelle africaine, soit elle le voit d’un mauvais œil.
Une dédiabolisation des religions traditionnelles africaines est nécessaire car en dépit des problèmes liés à ces religions, elles jouaient un rôle important dans les sociétés traditionnelles africaines. Faisant partie de notre histoire, les religions traditionnelles africaines mériteraient d’être au moins enseignées pour que tous les enfants du Mali sachent qu’on a eu des religions bien avant l’arrivée des religions abrahamiques. Cette envie de faire connaître les religions traditionnelles africaines est le combat depuis des années de l’écrivain Doumbi Fakoly, qui est un grand initié de religion traditionnelle africaine et qui affirme que «la renaissance de l’Afrique nécessite l’abandon des religions abrahamiques par le peuple négro-africain et leur retour à la spiritualité traditionnelle africaine».
Loin de nous l’idée de faire le procès des religions, mais aujourd’hui l’Etat malien dans son rôle sécuritaire et garant du bien-être du peuple, doit prendre ses responsabilités en travaillant avec les représentants religieux afin de réguler la construction des édifices religieuses, en imposant des zones de construction, en exigeant un minimum de connaissances théologiques pour pouvoir prétendre véhiculer des messages divins (comme pour les enseignants, exiger des diplômes avec un minimum de formations pour ceux qui enseignent les idées religieuses).
Agriculture :
Le Mali dans le passé a été un grand pays agricole avec des terres bien fertiles. La République du Mali perd chaque année une partie de cette puissance agricole, cela est dû à plusieurs facteurs mais une des causes principales est l’achat des terres agricoles par des personnes qui ont toutes les volontés possibles sauf faire de l’agriculture. Au fil du temps, ces terres deviennent des habitations et cela entraine une diminution importante du nombre des terres agricoles. De plus, le Mali devient de jour en jour un pays de consommation, il suffit de faire un tour au marché de Médine pour se rendre compte des quantités d’aliments importés des autres pays d’Afrique comme le Maroc, la Cote d’Ivoire, …
Une des solutions serait de contrôler les ventes des terres agricoles par les services des domaines de l’Etat et de veiller à ce qu’aucunes terres agricoles ne restent plus de deux sans être travaillées. Il est aussi urgent de mettre en place une vraie politique de relance de l’agriculture, d’aides et d’accompagnements massifs des agriculteurs.
Conclusion :
Le Mali comme beaucoup d’autres pays d’Afrique a souvent adopté des principes, des lois et des idées venues d’ailleurs en général et de la France en particulier. Est-ce une paresse intellectuelle ? Est-ce par manque de confiance aux idées de ces propres enfants ?
Le récent sommet de Paris pour « sauver l’économie africaine » est la nième preuve de penser que la solution pour les pays africains viendra toujours de l’extérieur. L’Europe a, à un moment de son histoire, eu besoins de ses grands penseurs en économie comme Adam Smith, Karl Marx, Keynes et bien d’autres, pour révolutionner son économie, développer des modèles économiques solides adaptés aux sociétés européennes. Ce travail des penseurs doit être la priorité des états africains et ce dans tous les domaines tels que l’histoire, la culture, la science, l’économie … afin de mettre en place des théories, des modèles et des lois en phase avec les sociétés africaines.
Cette revue se veut d’être une contribution et une réflexion pour les acteurs du vieux continent et elle n’est en aucun moment un outil de jugement qui vise à faire des procès de telle ou telle procédée. Elle doit dans sa globalité apporter des éléments de réponse et de réflexion pour une sortie de crise durable au Mali.
* Yacouba SAMOURA Docteur en probabilités et statistiques Université des Sciences Sociales et de Gestion de Bamako Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Bamako, Mali
Analyste et data scientist Université Clermont Auvergne CNRS, SIGMA Clermont, Institut Pascal F-63000 Clermont-Ferrand, France samourayacouba@gmail.com
* Sidy Lamine SAMOURA Directeur Général du Centre International ASE Training Center Sarl Centre d’Innovation de Professionnalisation, d’Acquisition et de Développement des Compétences Bamako, Mali ase.mali@outlook.fr