Nommé le lundi 07 juin 2021 par le président de la transition, Colonel Assimi GOÏTA en qualité de Premier ministre du Mali, Dr. Choguel Kokalla MAÏGA et son gouvernement doivent organiser les élections présidentielles libres, transparentes et crédibles dans les neuf mois à venir. Si sa nomination est accueillie par certaines couches de la société malienne comme logique et judicieuse, d’autres émettent des réserves. Dr. Choguel K. Maïga, président du Mouvement du 5juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) et président du parti MPR (Mouvement Patriotique pour le Renouveau) ayant brigué la magistrature suprême à plusieurs reprises saura-t-il se départir de son mouvement et de son parti pour être objectif et neutre lors des élections ?
Le Mali est familier avec les coups d’Etat ou du moins le pays a connu plusieurs coups d’Etat durant les 60 dernières années (1968, 1991, 2012, 2020 et 2021). Et après chaque coup d’Etat, les autorités font preuve de discernement et de sacrifice pour nommer un Premier ministre neutre, sans coloration et équidistant des partis politiques. Cela a été le cas en 1991 avec la nomination de Soumana Sako comme Premier ministre après le coup d’Etat de Amadou Toumani Touré (ATT) contre le général Moussa Traoré. Idem pour la nomination successive de Cheick Modibo Diarra et de Diango Cissoko, comme Premier ministre, après le coup d’Etat du capitaine Amadou Haya Sanogo contre le général Amadou Toumani Touré (ATT) en 2012. C’est aussi le cas récemment avec la nomination de Moctar Ouane comme Premier ministre après le putsch du Colonel Assimi GOÏTA contre Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) le 18 août 2020. Pas de principe sans exception, selon les juristes. Cette fois-ci, l’opinion publique remarque la nomination d’un premier ministre politique « de premier plan » après le coup de force du même Assimi GOÏTA contre le colonel major à la retraite, Bah N’DAW. Il s’agit de Dr. Choguel Kokalla Maïga, président du Mouvement du 5juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) et président du parti MPR (Mouvement Patriotique pour le Renouveau) qui a d’ailleurs brigué la magistrature suprême à plusieurs reprises, notamment en 1997, en 2002, en 2013 et en 2018. Si sa nomination est accueillie par certaines couches de la société malienne comme logique et judicieuse due aux différentes luttes menées par le M5-RFP, nombreux sont ceux qui émettent des réserves. Avec la nomination de Dr. Choguel K Maïga, des craintes existent au sein de la classe politique malienne quant à la neutralité des autorités lors des futures échéances électorales. Pour preuve, Dans une interview accordée à la presse, le 8 juin 2021, à la Pyramide du Souvenir de Bamako, le secrétaire général du Parti pour la renaissance nationale (PARENA), Djiguiba Keïta dit PPR (Prêt Pour la Révolution), ancien ministre, a invité les autorités de la transition à la neutralité. En réalité, PPR voulait une personnalité neutre, équidistante des partis politiques à la Primature. « Choguel est un acteur politique de premier plan qu’on prend pour diriger une transition dont l’objectif ultime est l’organisation des élections, donc, on doit avoir des craintes, on dit attention ! Pendant les 18 mois, on doit faire beaucoup de chose, on n’a pas pu faire beaucoup de chose, maintenant, il reste à organiser les législatives et les présidentielles ou les seules présidentielles, mais la classe politique doit se retrouver en conclave pour dire objectivement, nous n’avons que neuf mois, qu’est ce qu’on peut faire ? », a-t-il dit. A défaut d’une transition consensuelle, inclusive et apaisée, PPR n’écarte pas la lutte politique à travers des manifestations. « Je suis un acteur du 26 mars et c’est les « Choguel » que nous avions combattus pour qu’il y ait la démocratie, donc nous savons nous battre et nous sauront nous battre », a déclaré PPR. Bien avant PPR, le samedi 05 juin 2021, lors d’un café littéraire organisé à Bamako, l’ancien Premier ministre, Moussa Mara évoquait aussi la nécessité pour les acteurs de la transition d’être neutres. « La réalité de notre pays est que n’importe quelle transition, le contexte dans lequel nous vivons n’est pas propice à la refondation. Les animateurs de la transition sont difficilement impartiaux. Nous l’avons vu en 2012 et nous l’avons vu en 2020 et nous allons le voir en 2021. Et si les animateurs de la transition sont difficilement impartiaux, il est très difficile qu’ils puissent emprunter des solutions neutres, impartiales et équitables. Ils sont impartiaux dans leur choix des hommes et dans leur choix des collaborateurs. Ils sont impartiaux par les priorités qu’eux-mêmes affichent comme étant les priorités du pays alors que ce sont leurs propres priorités. Pour refonder, il faut de la neutralité, il faut l’équité, il faut de la justice. Autant de choses théoriquement liées à une transition, mais les transitions maliennes ne sont pas neutres, elles ne sont pas équitables, elles ne sont pas justes parce que ceux qui les animent ne sont pas neutres, ne sont pas équitables, ne sont pas justes malheureusement », a déploré l’ancien Premier ministre, Moussa Mara du parti YELEMA (Le Changement). Au regard donc de ces réserves au sein de la classe politique, Dr. Choguel K. Maïga est un Premier ministre averti. Saura-t-il se départir de son M5-RFP qui regorge, certes, des candidats potentiels aux élections et de son parti, pour être neutre ? C’est là toute la question. C’est à Choguel K. Maïga de comprendre ces réserves émises contre lui et de savoir faire la part des choses. Il y va de l’intérêt supérieur du pays.
Aguibou Sogodogo
Source: Le républicain mali