Le président français Emmanuel Macron a annoncé jeudi 10 juin une « transformation profonde » de la présence militaire française au Sahel et la mise en place d’une alliance internationale antijihadiste dans la région. Une décision largement commentée dans la presse française et africaine de ce vendredi 11 juin.
Au Mali, le journal Malikilé se demande s’il s’agit d’un « aveu d’échec de la stratégie militaire de la France au Sahel », d’un « coup de sang » ou d’une « grosse irritation ».
« Barkhane fait son paquetage ! », lance Wakat Séra, « en attendant un enterrement de première classe, ou une inhumation dans l’intimité familiale, tout dépendra de celui qui en a signé l’acte de décès ». Selon le journal ouagalais, « après une agonie lente », la force Barkhane « vient de pousser son dernier soupir ».
Cette annonce « sonne comme une sanction contre la soldatesque qui vient de confisquer le pouvoir au Mali », formule cet autre journal burkinabè qu’est Le Pays. « C’est aussi, pourrait-on dire, un véritable camouflet pour la Cédéao qui a décidé de caresser le colonel Goïta et compagnie dans le sens du poil (…) Assimi Goïta et ses frères d’armes vont devoir attacher maintenant, solidement les lacets de leurs godasses ».
« Une guerre sans fin, sans défaite ni victoire »
Cette chronique d’une mort annoncée de « Barkhane » fait également la Une dans la presse ce matin en France. « La déception est perceptible, pointe Le Figaro, mais depuis plusieurs mois, la France cherchait un moyen de sortir de ce que ce quotidien appelle le “piège de Barkhane”, c’est-à-dire une guerre sans fin, sans défaite ni victoire, qui épuise les crédits militaires et les soldats ». Selon ce journal, Paris craignait d’être « prisonnier d’un scénario à l’afghane ».
Toutefois, insiste Le Figaro, « si Barkhane se termine, la France n’a pas encore quitté le Sahel ». Car si Emmanuel Macron a annoncé « la fin de l’opération Barkhane en tant qu’opération extérieure », le chef de l’État, chef des armées a ajouté que « la poursuite de notre engagement (au Sahel) ne se fera pas à cadre constant ».
Les journaux français s’interrogent sur le changement de format de l’armée française. Cette transformation passera par « la fermeture de bases de l’armée française au Mali avec de possibles redéploiements au Niger, d’où décollent déjà des Mirage 2000 », énonce Le Parisien. Journal auquel le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, depuis Abidjan, Côte d’ivoire, assure que « nous ne renonçons pas au combat contre le terrorisme, il faut adapter Barkhane, mais nous ne renonçons pas à ce combat, en partenariat avec le G5 Sahel ».
Pas encore de chiffres officiels
Se référant à plusieurs sources, Médiapart évoque également « une fermeture des bases militaires françaises du nord du Mali, et un redéploiement vers le Niger et le Tchad ». Ce site internet évoque à peine la question de savoir si l’armée française « voit ou non d’un bon œil la transformation de son engagement sur le continent ».
Quelle réduction d’effectifs ? Rien d’officiel encore, mais, selon des sources officieuses citées par le journal L’Opinion, de 5 100 aujourd’hui, le nombre de militaires français déployés « pourrait passer à 2 500 en 2023 (…) Reste à savoir à quel rythme et jusqu’où ira ce retrait, tant il est difficile de s’extraire d’une telle situation sans perdre la face ».
C’est une vraie loi d’airain de l’arithmétique militaire. Comme l’explique encore L’Opinion, « l’effet militaire d’une réduction des effectifs n’est pas proportionnel à son pourcentage : 10% d’hommes en moins, c’est beaucoup plus que 10% en moins sur le terrain (…) Dans une armée moderne, les fonctions de soutien et d’appui — logistique, renseignement, médical, protection des bases, maintenance, etc — mobilisent des effectifs importants et difficilement compressibles. Le plus simple à réduire, c’est le nombre de personnels qui sortent des bases pour produire un effet militaire sur l’ennemi ».
Voilà pourquoi ce quotidien souligne que la baisse des effectifs de « Barkhane » va devoir être gérée « avec doigté » vis-à-vis des alliés européens de la France. Car pour les Européens, « venir aider les Français est une chose, les remplacer alors qu’ils rapatrient leurs soldats en est une autre, assez différente ».
RFI