Le 16 juin dernier, Dr Boubou Cissé, ancien Premier ministre et ministre de l’économie et des Finances, a accordé une interview à l’hebdomadaire Jeune Afrique.
A la question « Le coup d’État du 24 mai dernier était-il prévisible ? », Dr Boubou Cissé souligne qu’une transition est une situation d’exception au cours de laquelle il n’est pas rare de voir apparaître une fragilité des équilibres. « Il y a toujours des contradictions qui naissent entre les tenants du pouvoir. On l’a vu dans d’autres pays et surtout, on l’a déjà vécu au Mali en 2012. Cela étant dit, on peut légitimement être inquiet, compte tenu de la manière dont s’est déroulée la première partie de la transition, du mois d’août 2020 au 24 mai dernier. Il serait néanmoins prématuré de tenter de dévaluer ce qui s’est passé ces dernières semaines, parce que la séquence n’est, à mon sens pas terminée. Il va falloir rester attentif et être prêt à aider pour faire en sorte que tous ensemble, nous puissions apporter les solutions qu’il faut, là où il faut », a-t-il détaillé. Le dernier Premier ministre du président Ibrahim Boubacar Kéïta a fait part de ses inquiétudes sur le respect de la durée de la Transition. Ainsi, il appelle à l’organisation de l’élection présidentielle à la date prévue, c’est-à-dire en février 2022.
A en croire Dr Boubou Cissé, le chronogramme électoral est « faisable dans le temps qui nous est imparti, mais à condition que nous puissions nous mettre d’accord sur quelques préalables ». « Je pense notamment que nous devons nous concentrer sur le scrutin présidentiel. Le chronogramme initial prévoit la tenue d’un référendum en octobre, puis des élections locales en décembre et enfin le couplage des scrutins présidentiel et législatif en février. Cela, ce n’est pas tenable. Et s’obstiner peut compliquer la tenue de la présidentielle. Il faut que nous puissions avoir, dans les meilleurs délais, un pouvoir légitimé par les urnes, qui pourra s’atteler à relever les énormes défis auxquels nous sommes confrontés. Ce nouveau régime pourra dans un deuxième temps organiser le référendum et des élections locales », a-t-il ajouté.
Affaiblissement de capacités militaires et impact sur le moral de nos troupes
Au regard du temps restant, la mise en place d’un organe unique de gestion des élections va être compliquée, a-t-il fait savoir. « L’offre alternative pourrait être de renforcer les pouvoirs de la commission électorale, qui est un organe paritaire, en lui donnant plus de prérogatives », a proposé Dr Boubou Cissé.
Pour le compagnon d’infortune d’IBK, les annonces faites par le président Emmanuel Macron concernant l’opération Barkhane sont préoccupantes. « Elles pourraient conduire à un affaiblissement de nos capacités militaires et avoir un impact sur le moral de nos troupes qui étaient parfois plus en confiance lorsqu’elles sortaient en opération avec les forces de l’opération Barkhane. Enfin, il ne faut pas que nos ennemis parviennent à exploiter ces dissensions entre le Mali et ses partenaires. Nous sommes en guerre et dans des périodes comme celles-ci, la division peut être un facteur de risque », a-t-il expliqué.
La suspension temporaire des décaissements par la Banque mondiale, a-t-il affirmé, va se ressentir dans la vie de tous les jours. Il a précisé : « Sa décision met temporairement en pause les décaissements, pour un montant estimé à 900 milliards de francs CFA. Cela n’est pas anodin : quand on prend le Mali et que l’on regarde la structure du budget 2021, nous sommes à 1/3 dépendant de nos partenaires techniques et financiers. »
Pour rassurer les bailleurs de fonds, l’ancien locataire de l’Hôtel des Finances estime que les nouvelles autorités doivent s’engager à suivre les recommandations issues du sommet d’Accra en respectant le chronogramme initial. « Autrement dit, que la transition prenne fin en février 2022 », a-t-il ajouté.
Dans l’affaire dite « tentative de déstabilisation, complot contre le gouvernement », il dira que la justice a prouvé qu’elle pouvait être indépendante et crédible. Si la relecture de l’Accord pour la paix et la réconciliation permet au processus de paix d’être plus efficace, Dr Boubou Cissé y est favorable.
A la question « On vous prête des ambitions politiques pour février 2022. Serez-vous candidat ? », L’ex-Premier ministre reste évasif et lance : « Mon ambition est de trouver le moyen de fédérer les Maliens pour qu’ensemble, on réfléchisse aux solutions qui permettent de sortir notre pays des difficultés. Toute autre intention est dépourvue de sens. »
Bourama Camara
Le Challenger