Chers lecteurs, abonnés, annonceurs… permettez-moi, à l’entame de ce texte, de rendre grâce au Tout Puissant, Allah SWT qui nous a permis de vivre ce jour si précieux dans la vie d’un journal. 1000 numéros, c’est un rêve pour tout chef d’entreprise qui a décidé de consacrer l’entièreté de sa vie à informer la société. Ce mardi 21 juin 2021, le journal Le Pays fait désormais partie du lot des journaux maliens ayant atteint cette barre si honorifique.
Comment sommes-nous parvenus à ce résultat ? Je m’exerce à vous faire la genèse !
Le 01 juillet 2013. Nous lançons le N 0001, c’est à dire le tout premier numéro du journal Le Pays. Cette ultime phase est bien évidemment précédée par un travail remarquable fait par quelques jeunes qui ont décidé de briser le mystère. Les patrons d’alors, je veux parler des Fondateurs et Directeurs de Publication de journaux, nous lançaient en longueur de journée qu’il n’est pas aisé d’être promoteur de journal. Ensuite, ils nous disaient que notre génération de l’époque n’avait pas les bagages intellectuels requis pour endosser une telle responsabilité. Tout commence par moi.
J’étais très jeune, 25 ans et je venais de boucler un parcours dans un certain nombre de rédactions. Fin 2009, année de mon arrivée dans le monde de la presse alors que j’étais encore étudiant à la Flash, spécialité Sciences de l’Éducation, je débarque au journal ‘’Le Matin’’ dont la plaque visible sur l’immeuble logeant la pâtisserie Mouye, sis à Bacodjicroni en face du marché, m’avait été indiquée par un tonton, Soumaila Amion Guindo. J’y arrive un matin et m’adressa au Directeur de Publication, Monsieur Alassane Maïga. « Bonjour Monsieur. Je suis étudiant et jeune enseignant au lycée. J’aimerais faire un stage en journalisme et votre canard m’a été indiqué par un Tonton. » Le Directeur me répond en ces termes : « Bienvenue. Qu’est ce qui te motive à vouloir faire un stage dans la presse ? » Ma réponse a été brève : « J’aime le journalisme et mon rêve est de faire carrière dans le métier ». Après ce bref entretien, le Patron m’oriente vers Le Rédacteur en Chef du journal, Monsieur Djibril Sacko. Ce dernier m’accueille et me dit tout ce qu’il faut pour être accepté dans un journal. Il me demande dans un premier temps, une demande manuscrite ; ensuite des orientations quant au rôle d’un stagiaire et le mode de fonctionnement d’une Rédaction. Le premier jour du comité de rédaction, la réunion hebdomadaire, puisque le journal paraissait une fois dans la semaine, mercredi, j’ai été présenté aux autres confrères : Après les deux personnes citées ci haut, il y avait le Doyen Amadou Tall (paix à son âme) ; Amadou Salif Guindo ; Mahamane Cissé ; Badou Sidy Koba ; Djénéba Yalcouyé ; Ousmane Nantoumé ; Aminata Keïta et peu après Aliou Touré regagna l’équipe. A la fin de la réunion, une tâche m’a été confiée. Un reportage au niveau ‘’des Grabals’’ sur le prix des moutons car c’était à l’approche de la fête. Je m’aventure à remplir trois feuilles des cahiers ordinaires utilisés dans les établissements scolaires, ensuite je passe à la saisie. Des milliers de mots. Et après correction, le Rédacteur en Chef charcute mon papier. Lorsqu’il me l’a montré, la seule phrase que j’aie psalmodiée était : « oh mon Dieu ! Des heures et des heures sur un papier de reportage et voilà ce qui me reste comme information dite raffinée. » Le lendemain, je vois mon article dans le journal. J’étais tout content et j’avais jalousement gardé le seul exemplaire dont tout journaliste avait droit après parution et le montrais à toutes mes connaissances. Mon aventure durera une année et quelques mois au journal Le Matin. Un parcours riche car j’y ai reçu les premières bases dans les genres rédactionnels.
Après quelques semaines de repos, je me retrouve dans un autre hebdomadaire « L’Albatros » dont le siège était à l’ACI 2000 vers le lycée Mamadou Sarr. C’est mon Grand frère Amadou Salif Guindo qui m’oriente vers là-bas. Le Rédacteur en Chef de ce journal qui venait juste de naitre, Moustaph Diawara, est son Ami. Ce qui facilitera les choses pour moi. Toujours stagiaire, je me retrouve parmi de jeunes brillants et un Directeur qui a un parcours exceptionnel dans le monde des médias. Le Patron, c’était Joseph Keïta « paix à son âme » et l’équipe qui l’entourait : Moustaph Diawara, Adama Béré, Salimata Coulibaly, Adam Sissoko, Boubacar Sangaré, Coulibaly (l’agent comptable) … après Mountaga Diakité (stagiaire). Une année durant, 2011, j’ai appris beaucoup de choses. Surtout la table de montage car les jours de bouclage, on restait à la Rédaction jusqu’à 2heures, 3 heures du matin parfois. Et fin 2011, le journal cesse de paraître. Il me faut un autre point de chute.
Je décide d’aller au journal ‘’ Canard Déchaîné’’. C’était un quotidien à l’époque. Le Directeur, Oumar Baby m’accueille à bras ouvert. Il avait une équipe dynamique : Boubacar Berthé, Diédonné Diama, Badou Sidy Koba… ensuite sont arrivés Moustaph Diawara et Mamadou Togola. La formation était plus rude car tout un travail abattu dans la journée pouvait facilement tomber dans l’eau. Lorsque votre texte sur papier fait plus de 30 minutes entre les mains du Directeur, dites-vous qu’il l’a mis dans la poubelle. En retour, il n’y avait aucune explication. Le malheureux du jour devait accepter son sort comme c’est le cas dans les camps militaires.
Après le coup d’État de 2012 contre ATT, je décide de partir pour des raisons personnelles. Je fais quelques mois sans la presse et me retrouve après à ‘’La Nouvelle Patrie’’, un Bihebdomadaire, sur conseil du grand frère Drissa Togola. Le Directeur est Sory Haïdara alias Sory de Motty. Le premier jour, après notre entretien, il me présenta à l’équipe qui anime le journal : Issa Dembelé, Mah Bellem, Mariam Keïta, Tonton Ben… quelques mois après Drissa Keïta, Abdramane Samaké sont arrivés. Mon intégration n’a pas été difficile et quelques semaines après, le Directeur me confia la responsabilité de Rédacteur en Chef Adjoint. Et quelques mois après le départ de Issa Dembélé, le Directeur me nomme Rédacteur en Chef. C’est dans ce journal que j’ai appris le sens de la responsabilité. Que mon Patron Sory trouve ici toute ma reconnaissance à son endroit. Au regard des charges qui m’ont été conférées, j’ai fait appel à d’autres confrères afin de m’épauler dans le travail. C’est ainsi que sont arrivés : Boubacar Sangaré, Baly Salif Sissoko et Mountaga Diakité. Durant plus d’une année, nous avons animé à hauteur de souhait le canard. Et après un malheureux incident entre le Directeur et Moi (que j’ai regretté et présenté après mes excuses au Patron), je rends ma démission. Je décide même d’abandonner le monde de la presse et me consacrer entièrement à l’enseignement.
Mars 2013…
En mars 2013, avec des Amis au grin à Bacodjicoroni, l’idée est venue à moi de lancer un journal. J’y hésitais. Mes camarades m’encouragent. C’est ainsi que j’ai approché des confrères et Amis afin qu’on mette ensemble en place un journal. Boubacar Sangaré, Aliou Touré et Baly Salif Sissoko et moi-même réfléchissons sur un Nom. Au tout début, j’avais proposé comme titre ‘’La Nation’’. Ce jour, nous étions devant la porte du domicile de Boubacar Sangaré à Kalaban Coro après le marché. Boubacar Sangaré propose à son tour ‘’Le Pays’’. Après réflexion, sa proposition est validée. Nous devons maintenant chercher le récépissé ensuite faire la maquette. Je fais la demande et la dépose au tribunal de la commune V. Le 04 avril 2013, on a le récépissé. Je me dirige vers, l’infographe, Drissa Togola pour qu’il me fasse une maquette. Après ce travail, on se met à la recherche de l’argent pour imprimer le premier numéro.
01 juillet 2013, le premier numéro est là
J’ai informé des proches de la création d’un journal avec des Amis. C’est ainsi qu’un Tonton a mis à notre disposition 250 000F. Ce fonds nous a permis de faire trois numéros. Nous étions, hebdomadaires et paraissions les Lundis. Ma maison, chambre salon vers le fleuve à Kalaban plateau nous servait de siège. Je partageais le local avec un Ami, Siriki Zana Koné devenu peu après avocat. Il fait partie des premiers analystes du journal. Et les textes les plus durs contre la candidature d’IBK en 2013 étaient de lui.
L’année suivante, la rédaction s’agrandit avec l’arrivée de Hamidou N’gatté et Abdramane Samaké. Et depuis lors, l’équipe ne cesse de s’agrandir. La jeune équipe se fait remarquer en laps de quelques mois à travers sa ligne éditoriale qui dénonçait les militaires putschistes, les autorités de la transition et IBK qui était le candidat fabriqué et soutenu par plusieurs sensibilités afin d’être président à la fin de la transition. Le risque qu’on avait pris surprenait plus d’un et beaucoup de gens pensaient que nous étions financés par un adversaire politique d’IBK. Au fil des ans, ils ont compris que c’était tout simplement l’audace d’une génération animée de forte conviction qui voulait très rapidement marquer de son empreinte le monde des médias. Alors, des ennuis commencèrent. Des politiques proches d’IBK cherchèrent à nous mettre les bâtons dans les roues. Mal leur en a pris. Les menaces, intimidations et pressions familiales n’ont rien servi. Notre élan a été, au contraire, davantage renforcé. C’est le lieu de remercier de manière infinie celui qui a accepté de nous imprimer à crédit car à l’époque on n’avait rien : Diallo de l’imprimerie Exaprint. Il a cru en nous et nous a soutenus. Jusqu’à présent, nous imprimons le journal chez lui et sans lui, il était quasiment impossible pour nous d’arriver là où nous sommes aujourd’hui.
2016 : Le début du bihebdomadaire
C’est à Bacodjicoroni vers la station Nientao que cette lourde mission a débuté. Malgré les moyens très limités car n’ayant pas de bailleur de fonds et de contrats consistants dans l’administration, nous avons décidé de changer de périodicité. A l’époque, ce qu’il faudrait souligner, nous étions considérés comme l’un des journaux les plus durs contre le régime d’IBK. On avait fait le choix : s’inscrire dans la dénonciation des scandales qui plombaient l’essor de la nation malienne. Nous avons été taxés de tout. Des services ont reçu des instructions de ne pas accorder le moindre abonnement à notre canard. Malgré tout, nous avons tenu avec les maigres ressources. Notre constance nous a permis d’atteindre une audience remarquable dans le parcours d’un si jeune journal. Tout a été tenté contre nous et Dieu nous a protégés car on était détenteur de la vérité. Le fait le plus remarquable lorsque nous étions, Bihebdomadaire : ma convocation au tribunal de la commune IV pour avoir divulgué des informations et cité des personnes et services probablement impliqués dans la disparition de notre confrère Birama Touré. J’ai passé 6 heures d’horloge avec le juge d’instruction et le procureur à cause de cette affaire, et après ; j’ai été retenu dans le dossier comme témoin. Mais jusqu’à présent, le dossier n’a pas bougé. Personne ne sait ce qui est arrivé à notre confrère.
2018 : le quotidien voit le jour
En 2018, à l’approche de l’élection présidentielle, nous avons décidé de passer quotidien. La peur était là. Pouvons-nous supporter les charges ? Car il y faut des ressources humaines et financières. Avec les moyens de bord, nous nous sommes lancés dans l’aventure qui n’a pas été du tout une chose aisée. Mais nous avons cru en nous-mêmes, jeune génération pleine d’énergie. Dieu merci, nous avons pu relever le défi. Plusieurs obstacles étaient là. Au-delà des menaces, intimidations, instruction donnée aux services étatiques de ne pas donner de marchés… le journal a été ensuite traduit devant le tribunal de la commune V suite à une plainte de la Cour Constitutionnelle. Le journal l’accusait d’avoir pris de l’argent et déclaré IBK vainqueur de la présidentielle de 2018. Le pouvoir d’alors voulait se servir de cette affaire pour nous museler pour toujours. L’intention malsaine n’a pas marché. Et aujourd’hui, nous sommes toujours là ; plus renforcés et prêts à affronter n’importe quel défi dans le but d’informer nos concitoyens sur la vie de la nation.
La constance face à tous ces obstacles nous a permis d’être ce que nous sommes aujourd’hui. Nous avons pu mettre en place une rédaction digne de ce nom et sommes en phases d’élargir notre champ d’actions dans le monde des médias : après deux sites web « lepays.ml et fasomali.com », nous ambitionnons de mettre en place une imprimerie et une radio. Les études de faisabilité sont en cours.
Ce qu’il faut retenir, notre force réside dans notre neutralité et comme j’aime bien le dire personne dans ce pays ne peut lever le petit doigt en affirmant qu’il finance notre journal. Nous sommes entièrement indépendants et travaillons toujours avec les moyens de bord.
Merci à tous ceux qui nous ont cru depuis le début de notre aventure et continuent de nous conseiller.
A la rédaction très jeune, tout le Salut vous revient. 1000 Numéros, c’est un long parcours dans la vie d’un journal. Grâce à vous, nous comptons et sommes parmi les plus sollicités dans le monde des médias au Mali.
Toujours courage à vous tous. Le meilleur est à venir.
Boubacar Yalkoué
Source: Le Pays