Alors que le pays s’enfonce dans une crise sanitaire sans précédent, due notamment à la présence majoritaire du variant Delta, le hashtag « le gouvernement montre son talon », créé dès le début de l’épidémie l’année dernière, est devenu viral ces derniers jours.
De notre correspondante à Bangkok,
« Montrer son talon » en Thaïlande est l’équivalent de faire un doigt d’honneur. Ce hashtag signifie que le gouvernement se moque de vous, mais cela peut aussi être interprété comme un encouragement à montrer son talon au gouvernement, en signe de protestation.
En cause, notamment la gestion jugée désastreuse de la crise épidémique par l’administration en place, composée d’anciens militaires sans compétences techniques, soulignent leurs opposants. Les chiffres atteignent désormais une centaine de morts et 10 000 cas par jour. Quant aux personnes testées, il s’agit uniquement de volontaires ou des proches des malades, puisqu’il n’y a pas de détection active.
Attendre la nuit pour se faire tester
À Bangkok des malades doivent parfois camper toute la nuit, sous la pluie de la mousson, devant les hôpitaux avant de pouvoir obtenir un test. Avec ce slogan accrocheur et osé sur « le talon », la mobilisation sur les réseaux appelle donc à la démission du gouvernement.
L’un des arguments phares des opposants, justement, c’est la lenteur de la campagne de vaccination. Seuls 5% des Thaïlandais sont complètement vaccinés. Ce qui n’empêche pas d’ailleurs, des centaines de contaminations, notamment chez les utilisateurs du vaccin chinois Sinovac. La Thaïlande était jusque-là considérée comme exemplaire dans sa gestion de l’épidémie. Elle avait fermé très tôt ses frontières au reste du monde, renonçant aux revenus du tourisme. Y a-t-il eu un excès de confiance dû à ce succès initial qui explique que le pays n’a pas suffisamment tablé sur la vaccination ?
Pari raté sur la vaccination
La Thaïlande avait d’ailleurs aussi fait un pari économique sur la vaccination. Elle a passé un accord avec le laboratoire AstraZeneca pour être son fabricant régional et exporter dans toute l’Asie du Sud-Est. Mais le fabricant thaïlandais ne semble pas en mesure finalement de fournir ces vaccins à temps. Aucune explication n’est donnée sur les motifs du retard ou sur le délai supplémentaire nécessaire. Cette compagnie, Siam Bioscience, appartient au roi de Thaïlande, donc toute information à son sujet est extrêmement sensible et peut tomber sous le coup de la sévère loi de lèse-majesté.
C’est en cela, finalement, que le mécontentement dû à la gestion de la crise sanitaire rejoint l’opposition pro-démocratie thaïlandaise. Selon cette dernière, pour gérer une crise de cette ampleur, il faut la transparence. Or cette transparence n’est pas permise par la Constitution thaïlandaise telle qu’elle est écrite : elle protège avant tout les intérêts de l’armée et de la monarchie.
L’opposition surfe un peu sur le mécontentement des citoyens quant à la gestion de l’épidémie pour démontrer en quelque sorte les liens entre démocratie et qualité des services publics. Elle encourage donc à « montrer son talon au gouvernement » pour qu’il puisse être remplacé par un gouvernement civil efficace.