L’institut national de prévoyance sociale (INPS) est au cœur d’un gros scandale de détournement de fonds soigneusement orchestré par certains de ses agents. Le préjudice causé s’élèverait à plusieurs centaines de millions de nos francs.
C’est un véritable pillage des fonds de l’INPS auquel se sont adonnés, à cœur joie, certains agents sans scrupule de cet établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle du ministère de la Santé et du Développement social. Le système est très simple. Des agents qui ont les codes d’accès au serveur s’introduisent dans la base de données des pensions, modifient ensuite le montant réel de la pension du retraité en ajoutant un zéro (exemple la pension du retraité établit à 100.000 FCFA est modifiée et gonflée jusqu’à 1.000.000 FCFA en ajoutant un petit zéro).
Selon nos informations, ce travail de falsification et de malversations est rendu possible grâce à la complicité du pensionnaire à qui l’opération et les avantages sont expliqués à l’avance. En terme clair, le retraité gagnerait plus qu’il ne perçoit légalement. Le document est ensuite imprimé et envoyé à la comptabilité pour paiement. L’argent extirpé est partagé entre l’agent indélicat et le retraité.
Ainsi, par le biais de ce système bien huilé, certains agents de cette structure qui constitue l’épine dorsale du système de sécurité sociale au Mali, ont soutiré de fortes sommes d’argent. Selon plusieurs sources, après la découverte du pot aux roses, il a été constaté que les montants dérobés varient de 50 millions, 200 millions, 500 millions, 800 millions, voire 900 millions. Le préjudice causé par les agents indélicats s’élève à plusieurs centaines de millions de francs CFA.
Parmi les agents mis en cause, certains ont fait des réalisations (des villas et immeubles etc.) et mènent une vie de pacha sur le dos de la société. Certains seraient déjà aux arrêts, selon nos sources.
Silence de mort à la Direction Générale de l’INPS
A l’INPS le malaise est profond et le silence est d’or. On ne veut surtout pas que l’affaire bruite dans la presse. Contacté au téléphone, le Directeur du service informatique, Manè Keïta, sans nier clairement les faits, nous renvoie au service cité c’est-à-dire celui en charge de la gestion des pensions pour plus d’informations. « Je ne suis pas habilité à discuter d’un problème comme ça avec les journalistes. Je ne peux pas vous dire aujourd’hui plus. Si vous avez une demande d’informations vous vous rendez à la structure indiquée pour vous informer. Ce n’est pas parce que je suis responsable de service que je dois vous donner de l’information que je ne maîtrise pas. Nous, on n’est pas habilité en tant que travailleur à donner de l’information comme ça. Ce n’est pas normal », se défend-t-il.
Même son de cloche au service Vieillesse (service en charge des pensions des retraités). Contacté au téléphone pour un entretien, le chef du service Ousmane Sylla, nous dit clairement qu’il ne peut pas s’entretenir avec nous sans l’autorisation de la Direction Générale.
A la Direction Générale, la patronne des lieux, Mme Sidibé Zamilatou Cissé, se mure dans un silence absolu. La suite réservée à notre demande d’audience déposée au service Courrier, le 5 juillet 2021, en dit long sur sa volonté à ne pas ébruiter cette affaire gênante. « Concernant votre demande d’audience, on va attendre d’abord. Mais je voulais vous informer déjà qu’on a des soupçons, nous menons des enquêtes pour le moment et nous ne souhaiterions pas en parler jusqu’à la fin des enquêtes. Dès la fin des enquêtes je vous appellerai personnellement et je vous tiendrai au courant de ce qui se passe. Si on ébruite l’affaire maintenant c’est des problèmes. Donc pour l’instant, les enquêtes sont en cours et nous ne souhaitons pas en parler », nous a déclaré Mme Aïssata Sidibé dite Bijou, conseiller technique auprès de la directrice générale de l’INPS, chargé de la communication, des relations publiques et du suivi des recommandations des missions de contrôle. C’est donc un scandale qui éclabousse l’institut et qui met à nue le système de contrôle interne qui a failli inexorablement dans sa mission.
Les enquêtes en cours concernent plusieurs agents de la boîte, car le système tel que décrit ressemble à un vol massif avec des complicités à d’autres niveaux. Comment peut-on procéder à de telles opérations sans que les services informatique et comptable ne puissent s’en apercevoir ? Pendant combien de temps l’INPS a été grugée par ses propres agents ? Quel montant exact soutiré dans les caisses ? Nous le saurons davantage avec les résultats des enquêtes.
Il faut rappeler que l’institut National de Prévoyance sociale (INPS) assure la sécurité sociale des travailleurs salariés, des travailleurs indépendants ainsi que les membres non salariés des professions libérales, artisanales et commerciales et industrielles. A ce titre, elle recouvre les cotisations.
Selon nos confrères du journal Aujourd’hui Mali, paru le 09 juillet dernier, le budget 2021 de l’Institut national de prévoyance sociale est arrêté en recettes à 203 050 656 545 FCFA et en dépenses à 189 219 948 880 FCFAavec un solde d’exploitation prévisionnel13 830 707 665 F CFA. Ce budget est en augmentation par rapport à 2020 de 1,48 % au titre des recettes et de 7,91 % au titre des dépenses. Avec des recettes de cotisations 193 033 720 000 de F CFA 2021 contre une prévision de 179 048 012 195 de FCFA en 2020, soit un taux d’accroissement de 7,81 %.
Daouda T Konaté
Source: L’Investigateur