« La Transition ne peut pas respecter le délai imparti ». C’est un constat fait hier par des membres du Conseil national de la transition, lors d’un atelier sur les réformes politiques et institutionnelles. Mais l’approche pour prolonger la durée de la Transition les divise.
Initiée par le Conseil national de la transition (CNT), en collaboration avec Mabendy consulting, l’objectif de la rencontre de deux jours est de préparer les membres du CNT aux réformes politiques, institutionnelles envisagées par les nouvelles autorités, conformément aux orientations des assises nationales.
Le débat sur le premier thème de la journée, relatif au contexte politique de 1960 à nos jours et les normes et conventions internationales en matière d’élections, de gouvernance et de démocratie, présenté par le Pr Mamadou SAMAKE, a été transformé en des discussions sur le délai de la transition.
La boîte de pandore a été ouverte par Mamadou SAMAKE pour avoir déclaré l’impossibilité de sécuriser le pays, de procéder les réformes avant d’aller aux élections.
« Je crois qu’on est en train de tourner autour du pot. Nous sommes dans une logique de prolongation que personne n’ose dire. Et le Plan d’action du gouvernement s‘inscrit dans cette dynamique », a déclaré M. SAMAKE.
Selon lui, le pays ne peut pas tenir les élections en respectant ses engagements internationaux comme le protocole de la CEDEAO qui interdit toute réforme politique à moins de 6 mois des élections. Or, poursuit-il, il ne reste que 7 mois à la transition pour tenir les élections, conformément à sa promesse.
« À ce jour, on n’a pas la réforme sur la loi électorale. Je ne sais qu’il est impossible de la faire en 1 mois », a indiqué le Pr Mamadou SAMAKE, tout en rappelant que le pays a pris des engagements devant le peuple et la communauté internationale.
Son intervention a été suivie de celles de nombreux participants à la rencontre qui plaident pour une prolongation de la transition. Ils sont également tous membres du CNT, à l’image Moulaye KEITA.
« Les politiques ont empoisonné notre pays. Même au sein du CNT, nous sommes empoisonnés. Je ne peux pas comprendre que des membres du CNT fassent des déclarations contre le système en place », a souligné M. KEITA, avant d’évoquer l’évidence pour la transition de ne pas respecter sa durée initiale.
« Le délai et insuffisant. Maintenant, comment trouver les moyens de prolonger la transition ? Nous devons trouver la formule », a-t-il déclaré.
Abondant dans le même sens, Alassane CISSE insiste qu’il faut prendre le temps qu’il faut pour mettre en place l’Organe unique en vue de gérer les élections.
« On prend tout le temps qu’il faut, même s’il faut continuer avec le reste du mandat d’IBK. À partir de ce moment, on ne doit parler que des actions à mener et non du délai », a ajouté M. CISSE. Le prix à payer, s’il faut, est d’accepter les sanctions de la communauté internationale.
C’est un leurre réplique le conférencier aux propos de M. CISSE. Puis, il ajoute :
« Le Mali est un pays pauvre qui ne peut pas supporter les sanctions de la communauté internationale. Si demain, la CEDEAO décide de fermer les banques, les conséquences seraient immédiates. »
De son côté, Aboubacar Sidiki FOMBA pense que le préalable est de procéder à la révision de la Charte de la transition. Cette approche aura l’avantage, selon lui, de résoudre le problème du délai, mais aussi de baliser le terrain en vue d’aller aux réformes annoncées.
« Aujourd’hui, on ne peut pas organiser les élections envisagées. On est limité par le temps. Et aller à ces scrutins dans ce contexte qui n’est pas idoine, on n’aurait trahi ceux qui sont morts dans le combat pour un nouveau départ », a affirmé M. FOMBA.
Par ailleurs, l’autre alternative à la révision constitutionnelle est d’aller à l’adoption d’une nouvelle constitution avec l’avènement de la 4e république. En ce moment, le CNT sera transformé en une assemblée constituante, a préconisé Aboubacar Sidiki FOMBA.
Mamadou DIARRASSOUBA, s’il est également d’avis pour une prolongation de la transition, pense que cela ne peut pas se décider « comme ça » par le CNT. À cet effet, il propose un débat à l’interne entre tous les membres de l’organe pour trancher.
La meilleure formule, pour Issa Kaou N’DJIM, est d’élargir ce débat d’autres forces vives de la nation, en l’occurrence les acteurs de la société civile.
«Ce que nous aurons décidé, sera soumis à la validation du président de la Transition Assimi GOITA », a précisé Issa Kaou N’DJIM qui, en plus de sa demande de prolonger la transition, milite pour la candidature de Assimi lors de la prochaine présidentielle.
De son côté, Souleymane DE, l’un des juristes du CNT, évoque la problématique de la durée de la transition sous un autre angle. Il interroge, est-elle comptée à partir de l’investiture de Bah N’DAW ou de Assimi GOITA ? Puisqu’en la matière, la Charte est muette, a-t-il soulevé.
Par ailleurs, le conférencier a estimé que certains problèmes de la transition trouvent leur origine aux premières heures du coup d’Etat. À son avis, si les militaires avaient assumé la responsabilité de l’acte du 18 août 2020 en le reconnaissant comme un coup d’Etat, le pays n’allait peut-être pas connaître certaines situations auxquelles il fait face.
« À l’époque, il fallait suspendre la Constitution et la remplacer par la charte. Le problème est, aujourd’hui, que nous sommes dans un canal boueux entre la Charte et la Constitution », a relevé le Pr SAMAKE à qui un un membre du CNT issu du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) a aussitôt être rétorqué.
Pour ce dernier, ils n’ont pas eu peur d’assumer l’acte contre le régime d’Ibrahim Boubacar KEITA pour suspendre la constitution.
« C’est à cause des conseils des soi-disant experts que nous n’avons pas suspendu la constitution », a-t-il riposté.
Par Sikou BAH
Info-Matin