Modibo Keïta, 2ème vice-président du Mouvement Benkan, le Pacte Citoyen, chef d’Entreprise, directeur du bureau d’ingénieur conseil Novec-Mali SAS, ingénieur des Travaux Publics et diplômé de l’Ecole Nationale d’Ingénieurs de Bamako, président de la commission Travaux Publics, Habitat, Domaines et Transports au Conseil National de Transition, revient ici sur le projet de société porté par Benkan. Entretien.
Benkan, n’est pas un parti politique de plus ?
Modibo Keïta : Avant toute chose et j’insiste là-dessus, Benkan, le Pacte Citoyen n’est pas un parti politique, mais une association politique, né le 04 mars 2021 à la suite d’une assemblée constitutive et qui a obtenu son récépissé le 04 avril 2021. Monsieur Seydou Mamadou Coulibaly en est le Président. Pour répondre à votre question, il est vrai que le Mali compte actuellement plus de 230 partis politiques, c’est beaucoup et c’est même choquant car cela décrédibilise l’engagement public aux yeux des citoyens. Beaucoup de nos concitoyens disent en effet que la politique est devenue un fonds de commerce et on peut difficilement leur donner tort au regard de la situation désastreuse de notre pays.
La première cause est bien entendue le défaut de gouvernance, car lorsque la gouvernance politique qui est le premier levier des gouvernances n’est pas vertueuse, elle n’existe tout simplement pas et elle cède la place à l’anarchie à l’injustice sociale. Certains parlent de mauvaise gouvernance, mais j’évoque le défaut de gouvernance. Benkan, le pacte citoyen n’est pas une organisation politique de plus car il est le résultat d’une réflexion commune, celle de nouveaux acteurs qui étaient en grande partie éloignés de la sphère politique et qui participent au développement du pays à travers des activités économiques, universitaires, paysannes, artisanales etc…
Bien au contraire, c’est une décision responsable et courageuse que de sortir de sa réserve pour se livrer à l’action publique. Mais la situation nous y a obligé, le pays va très mal et les générations futures n’ont aucune perspective, il faut rapidement arrêter cette spirale. Nous estimons que nous avons de réelles solutions concrètes à apporter au pays. Notre profil de managers confirmés à travers nos activités que nous menons depuis une trentaine d’années indiquent cela.
Nous avons conscience que l’entreprise n’est pas l’Etat en termes de gestion, mais dans notre métier, nous pratiquons au quotidien des États, nous contribuons à l’initiation, la conception et la mise en œuvre des projets structurants de développement et sommes prêts à poser des actes pertinents pour le bien-être de tous.
Pourquoi quittez-vous le monde des affaires pour celui de la politique ?
Modibo Keïta : Lorsque vous vous levez le matin et quelque que soit le média, vous n’entendez rien d’autres que des mauvaises nouvelles concernant votre pays, lorsque vous voyagez et que votre passeport est stigmatisé et enfin lorsque vous traversez la ville et vous voyez qu’il n’y a pratiquement pas d’infrastructures et que de très jeunes enfants sont réduits à la mendicité faute d’avenir, cela vous révolte et vous impose de vous engager.
Pendant 30 ans, j’ai observé et parfois même subi les mauvaises décisions politiques. Avec le Président Seydou Mamadou Coulibaly, nous avons souvent évoqué la situation désastreuse du pays et on s’est vu de plus en plus interpelé à nous engager pour la délivrance de notre pays de la mauvaise gouvernance. En réalité, nous n’avons plus le choix comme d’ailleurs tout bon fils du pays, le Mali mérite qu’on se batte pour lui, car malgré certaines idées reçues, la pauvreté n’est pas une fatalité, ni une destinée, c’est le résultat de plusieurs dysfonctionnements au sommet de l’Etat qui privent les citoyens de jouir des atouts naturels du pays.
Le Mali est capable de faire des miracles et le rêve malien est permis. Les Maliens pris individuellement sont talentueux, nos entreprises sont parmi les plus performantes d’Afrique dans leur domaine, pourtant nous sommes de purs produits maliens. Nous avons parfois dû batailler fort face à des gouvernements qui ne comprennent pas les enjeux, car dans un monde globalisé, la compétition internationale est dominante et il appartient à chaque Etat de soutenir ses entrepreneurs, ce n’est pas encore le cas au Mali. Mon engagement politique est le résultat d’un constat global et qui me commande d’agir au risque de perdre le pays que j’aime le plus au monde, le Mali.
Quel est le point de vue de Benkan sur les sujets actuels : organe unique de gestion des élections, le Dialogue national ?
Modibo Keïta : Benkan, le pacte citoyen est une jeune association, cela ne veut pas dire que nous n’avons pas d’avis ou que nous ne réfléchissons pas, mais tout simplement nous ne voulons pas aller vite en besogne. Nous suivons les sujets actuels avec une grande attention. Nous avons conscience que l’équilibre est fragile. Je suis personnellement peiné de voir que notre pays a du mal à trouver un consensus autour des sujets essentiels. Il y va de l’avenir du pays, nous aurions souhaité voir la mise en place d’un cadre de réflexion porté par les politiques au-delà des clivages pour produire des plans d’actions pouvant servir aux autorités dans leur prise de décision. Chaque jour au Mali il y a des morts du fait de l’insécurité. Cela doit faire prendre conscience.
Le débat autour de la création de l’Organe Unique de Gestion des Elections et l’organisation des assises de la refondation n’est pas tranché et est même source de tension. Nous regrettons cela, c’est pourquoi au sein de Benkan, le pacte citoyen nous œuvrons pour le rassemblement de tous les maliens autour d’objectifs communs. Nous sommes clairs dès le départ, nous voulons la réussite de la transition, non pas par démagogie, mais par pragmatisme, car l’avenir du Mali en dépend. Nous sommes pour l’organisation d’élections libres, transparentes et démocratiques, cela permettra de donner une chance supplémentaire à une paix durable.
Le Président de Benkan est accusé de surfacturation sur 30 logements à peindre. Quelle est la réalité du dossier ?
Modibo Keïta : Je pense en toute sincérité que notre pays souffre énormément de la désinformation et des raccourcis hâtifs. Le Président de Benkan, le pacte citoyen n’est pas le seul à faire l’objet de calomnies. Pensez-vous qu’un chef d’entreprise du rang du Président Seydou Mamadou Coulibaly opérant dans 27 pays en Afrique et qui réalise plus de 60% de son chiffre d’affaires en dehors du Mali, serait réduit tromper ses propres concitoyens ? Ce que je souhaite avant toute chose, c’est que le journalisme redevienne ce qu’il a été par le passé, un puissant contre poids se basant sur des faits réels et des enquêtes pertinentes.
A ma connaissance personne ne s’est présenté pour demander officiellement des informations sur ce dossier. Mieux que ça, je n’ai jamais appris que les entreprises du Président Coulibaly ont refusé de coopérer en termes d’information avec un journaliste. Je vous exhorte donc vous acteurs de la presse écrite de redonner à votre métier ses lettres de noblesse. Il n’est pas interdit qu’un journal soit politiquement engagé, mais il doit le faire savoir, c’est ce courage qui fait le charme du métier de journaliste.
Dans ce processus politique nous n’avons pas d’adversité particulière contre qui que ce soit, car nous estimons que les projets doivent l’emporter sur les attaques personnelles infondées. C’est peut-être naïf de notre part, mais nous aimons la politique saine, productrice de résultats durables et cela dépend de la qualité du projet proposé. Nous n’avons pas le temps des attaques personnelles et nous restons disponibles pour donner les vraies informations au besoin.
Vous avez beaucoup de ralliement d’anciens pontes des partis politiques. Est-ce que vous ne pensez pas que c’est des soutiens gênants ?
Modibo Keïta : Notre conviction est que la mise en œuvre d’une gouvernance vertueuse portée par des femmes et des hommes de résultat est la seule issue pour favoriser la stabilisation durable du Mali. Dans ce processus nous n’excluons personne, ce n’est pas notre façon de faire, nous estimons que les exigences de résultats révèleront les qualités des uns et des autres.
Notre pays a besoin d’apaisement et de rassemblement. Notre approche est simple, nous devons réussir la réunion des meilleurs talents pour des missions précises. Le Mali regorge de nombreux jeunes talentueux qui sont prêts à rejoindre Benkan, nous travaillons sur des bases de données pertinentes afin de mettre les meilleurs profils au service du pays. Personne n’est et ne sera stigmatisé au sein de Benkan, le pacte citoyen, mais chacun est averti du fait que ce sont les meilleurs qui seront aux avant-postes au fur et à mesure.
Au moment venu, si moi-même je ne réponds pas aux critères d’efficacité, je cèderai volontiers ma place, tout en sachant que c’est la jeunesse qui est privilégiée dans notre approche. Notre volonté est saine, nous voulons les meilleurs pour le Mali et cela n’est pas négociable ! Nous sommes des chefs d’entreprises, nous avons un devoir d’exigence et une obligation de résultat, actuellement c’est celui de redresser notre pays pour le mettre sur la voie de l’émergence qui prime.
Hawa Berthé
Tribune Libre