La Minusma, la France, bref sur la crise multidimensionnelle que traverse le Mali depuis 2012, le premier ministre de la transition, Dr Choguel Kokalla Maïga a craché ses vérités au siège des Nations Unies. C’était à l’occasion de la 76ème session de l’Assemblée générale de ladite organisation.Le discours du Dr Choguel Kokalla Maïga au siège des Nations Unies suscite des débats. Même s’il n’a pas plu à certains pour son caractère très franc, au Mali, il est applaudi par des milliers de citoyens. Un discours jugé responsable, audacieux et courageux par beaucoup.
Les vérités sur l’échec de la Minusma
Dans son intervention, le premier ministre Choguel Kokalla Maïga a déploré la détérioration de la situation sécuritaire au Mali malgré la présence des forces étrangères. « De mars 2012 à ce 25 septembre 2021 où je m’adresse à vous du haut de cet auguste tribune, la situation de mon pays ne s’est guère améliorée, malgré le soutien international et la présence sur notre sol d’une Opération de paix de l’ONU, la MINUSMA, et des forces internationales : l’Opération française Barkhane, la Force européenne TAKUBA et la Force conjointe du G5 Sahel », a regretté l’ingénieur télécoms. Selon lui, la situation continue progressivement de se détériorer, au point que des pans entiers du territoire national échappent au contrôle du Gouvernement. « Mes concitoyens vivent sous l’emprise des Groupes armés terroristes dans le déni de leurs droits les plus élémentaires. Leur accès aux services de base demeure hypothétique en raison de la faible présence des services de l’État, consécutive à l’insécurité grandissante », a regretté le chef du gouvernement malien.
A l’en croire, la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA) a échoué dans sa mission de stabilisation 8 ans après sa présence au Mali. « Huit ans après le déploiement de la MINUSMA, les extraits ci-dessus des résolutions de 2100 (2013) et 2164 (2014) sont d’une évidente et d’une brûlante actualité », a-t-il indiqué avant de déplorer que « les populations maliennes sont exaspérées aujourd’hui devant les tueries de masse, les villages rasés de la carte et d’innocents civils fauchés, dont des femmes et des nourrissons souvent brûlés vifs ».
Le Mali n’a pas une diplomatie docile, mais celle qui tient tête. Le premier ministre ne mâche pas les mots et pointe de doigt les échecs de la force onusienne au Mali. « Contrairement aux attentes du peuple malien, l’environnement notoirement terroriste dans lequel la MINUSMA a été déployée en 2013 s’est dégradé continuellement. Au fil du temps, il s’est même métastasé, car les Groupes armés terroristes qui ont envahi près des deux tiers de notre territoire national en 2012 ont été dispersés sans jamais être anéantis. Ils se sont reconstitués et se sont renforcés », a-t-il déclaré.
Pour le premier ministre du Mali, il est temps de remettre sur la table la demande d’un mandat plus robuste et d’un changement de posture de la MINUSMA, régulièrement faite par le Gouvernement du Mali au Conseil de sécurité de l’ONU. Cela, selon lui, « permettra d’adapter le mandat de la MINUSMA, de lui donner les moyens de s’acquitter convenablement de son mandat et de répondre à l’aspiration du peuple malien, aspiration sans laquelle ni la Mission de l’ONU ni les autres partenariats militaires internationaux et régionaux présents sur notre sol n’auront de crédibilité aux yeux de mes concitoyens ». Selon Dr Choguel Kokalla Maïga, les Nations Unies doivent aider le Mali à lutter plus efficacement contre la criminalité transnationale organisée afin d’asseoir les conditions véritables de sa stabilisation, gage de la réussite des actions de soutien politique, humanitaire, de développement et de protection des droits de l’homme. « S’il est établi que la situation au Mali constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales, il nous revient de trouver les voies et moyens idoines pour continuer à y faire face de manière holistique, solidaire et déterminée jusqu’à l’éradication de ladite menace », a-t-il précisé.
Dr Choguel Kokalla Maïga reproche à la France d’avoir abandonné le Mali en « plein vol »
Le premier ministre Maïga n’a pas dit la vérité que sur la MINUSMA. La France aussi a eu sa dose. Sans avoir froid aux yeux, le chef du gouvernement a dénoncé l’annonce « subite » du retrait de l’opération barkhane en vue d’une transformation en Coalition internationale. « L’annonce unilatérale du retrait de Barkhane et sa transformation n’ont pas tenu compte du lien tripartite qui nous lie, c’est-à-dire l’ONU et le Mali en tant que partenaires engagés avec la France sur le front de la lutte contre les facteurs de déstabilisation », a dit haut et fort Dr Choguel Kokalla Maïga qui a ajouté que le «Mali regrette que le principe de consultation et de concertation qui doit être la règle entre partenaires privilégiés n’ait pas été observé en amont de la décision du Gouvernement français ». Pour le premier ministre malien, la France, par ces faits, a mis le Mali devant les faits accomplis. « Aussi, la nouvelle situation née de la fin de l’Opération Barkhane, plaçant le Mali devant le fait accompli et l’exposant à une espèce d’abandon en plein vol, nous conduit à explorer les voies et moyens pour mieux assurer la sécurité de manière autonome ou avec d’autres partenaires, de manière à combler le vide que ne manquera pas de créer par la fermeture de certaines emprises de Barkhane dans le Nord de notre pays », a-t-il justifié la décision des autorités maliennes à diversifier ses partenaires.
La CEDEAO invitée à avoir une « lecture lucide » de la situation qui prévaut au Mali
Le premier ministre de la transition a profité de cette assemblée générale pour expliquer aux Nations unies les 4 axes de son plan d’action. Il a rappelé les besoins actuels du Mali. Ces besoins sont celui de la sécurité, celui de la justice pour lutter contre la corruption et l’impunité et du besoin de réforme. D’abord, le premier ministre estime qu’« Il est impérieux de continuer à travailler à améliorer l’environnement de sécurité au Mali, avec l’aide des amis du Mali, en appui aux efforts des Forces de défense et de sécurité ». Il trouve aussi nécessaire «de mener les réformes nécessaires à la refondation de l’État et à l’adaptation des textes régissant les élections aux besoins de la société malienne et aux évolutions du temps ».
Le premier ministre a insisté qu’il n’y a pas d’alternative aux réformes que nécessitent l’état désastreux du Mali, « si nous voulons faire en sorte que ce grand pays reste debout et redevienne stable ». Pour lui, la CEDEAO est consciente de cette situation. Dr Choguel Kokalla Maïga n’encourage pas l’organisation d’élections sans ces réformes politiques et institutionnelles. La CEDEAO, selon lui, doit comprendre la situation du Mali et l’aider à réussir ces réformes. « Je saisis cette occasion pour renouveler la gratitude du Président de la Transition, du Gouvernement et du peuple maliens aux Chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO, pour leur leadership, et pour leur présence constante aux côtés du Mali en ces moments difficiles et complexes. Nous les exhortons à continuer à avoir une lecture lucide de la situation qui prévaut au Mali, un pays vaste, ouvert sur sept frontières et qui constitue une digue pour toute la région Ouest-africaine », a sollicité le patron de l’exécutif du Mali.
Il faut préciser que discours du premier ministre a été beaucoup applaudi à Bamako par des citoyens.
Boureima Guindo
Source: Le Pays