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Choguel sur la transition et la sécurité: ‘‘ il vaut mieux avoir quelques semaines de plus, même quelques mois de plus, que de retomber dans une crise’’

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En marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, le Premier ministre Choguel Kokalla MAIGA qui avait asséné ses vérités sur l’abandon de la France du Mali en plein vol s’est exprimé sur RFI et France 24. Il envisage que les élections prévues en février prochain au Mali soient reportées de quelques mois. Le Premier ministre s’exprime aussi sur l’éventuelle arrivée au Mali du groupe de sécurité russe Wagner.
Le chef du Gouvernement répond aux questions de RFI et France 24.

Carrie Nooten pour RFI : Samedi à l’ONU, vous avez dit avoir conscience des délais impartis de la transition et de vos engagements internationaux. Est-ce à dire que la présidentielle et les législatives auront lieu en février 2022 ?
Choguel Maïga : Le gouvernement s’attache à respecter ses engagements, mais ce respect s’accompagne de réalisme parce qu’en politique, il faut être réaliste. Ces délais ont été fixés une première fois à partir des positions de principe de la Cédéao [Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest]. Un premier gouvernement avait annoncé un chronogramme, mais auquel peu de Maliens croyaient en vérité. Lorsque ce chronogramme a été annoncé en avril dernier pour le référendum en octobre, il y a peu de Maliens qui y croyaient. Ce que nous avons expliqué à nos partenaires de la Cédéao, c’est que nous allons procéder de la manière inverse cette fois-ci. Nous allons identifier les actions, les opérations pratiques à mener jusqu’aux élections. À partir de là, on pourrait tomber sur le 27 février, comme on peut avoir deux semaines, quelques mois de plus. Le plus important pour nous, c’est de tirer les leçons du passé. Pendant 20 ans, nous nous sommes trouvés dans des crises politiques post-électorales. Et le dernier soulèvement populaire qui a conduit au renversement du régime est parti de la contestation des résultats des élections. Pour ne pas tomber dans les mêmes erreurs, nous avons décidé d’avoir une démarche qui minimise les risques de contestation des élections. Il vaut mieux avoir quelques semaines de plus, même quelques mois de plus, que de retomber dans une crise qui nous met dans l’incertitude, peut-être avec un autre soulèvement, un autre coup d’État avec tout ce qui peut se profiler à l’horizon. Et nous avons dit à nos partenaires de la Cédéao que, à la fin du mois d’octobre, nous avons ce qu’on a appelé les assises nationales de la refondation. Au sortir de ces assises, le gouvernement pourrait aller vers ses partenaires avec un calendrier, un chronogramme détaillé, réaliste, en fonction des réalités sécuritaires, sociales, politiques du Mali. Nous sommes dans la logique de respecter nos engagements, tout en étant réalistes.

Emmanuel Saint-Martin pour France 24 : Mais cette date, ce mois de février 2022 a été au cœur de la reconnaissance internationale, de l’acceptation finalement de ce nouvel état de fait au Mali. C’est parce que ce nouveau pouvoir s’est engagé à février 2022 que la communauté internationale, les partenaires ont accepté votre pouvoir finalement. Donc là, est-ce qu’aujourd’hui, vous dites au peuple malien, ce ne sera pas en février 2022, on ne sait pas quand cela sera. Vous venez de dire plusieurs semaines, plusieurs mois… Cela peut créer de l’incertitude aussi ?
C.M. : Il y a deux étapes dans la transition. Il y a les premiers mois pendant lesquels tout le monde est unanime sur aucun front, ni sur le front social ni sur le plan politique, aucune question n’a été réglée. À partir du 24 mai s’est terminée ce que nous appelons au Mali la rectification de la trajectoire de la transition, qui a repris maintenant une trajectoire plus vertueuse. La preuve, pendant 9 mois, le pays était en ébullition, avec des grèves à n’en plus finir…avec des incidents sur les opérations militaires sur le terrain. En moins de trois semaines, nous avons pacifié le front social. C’est pourquoi nous invitons nos partenaires à être beaucoup plus compréhensifs et pragmatiques.

C. N. : Justement, samedi à l’ONU, vous avez indiqué que vous utiliseriez une procédure accélérée, si je vous ai bien entendu…
C.M. : Absolument.

C.N. : Donc, du coup, quel va être l’échéancier ? Quand peut-on s’attendre à ce que le directoire national soit formé ? À quand l’installation de l’organe unique de gestion des élections, en octobre, en novembre ou plus tard ?
C.M. : Je pense que l’organe unique… Il y a deux jours s’est tenue à Bamako la table ronde des forces vives de la nation -les partis politiques, les syndicats, la société civile-, pour tabler sur les avant-projets que le gouvernement a élaboré de l’organe unique, sa structure, la procédure de son installation et les termes de référence des assises nationales de la refondation. Je pense qu’à l’issue de cette table-ronde, nous pourrons être un peu plus précis. L’organe unique pourrait être installé dans un mois, deux mois maximum, il pourra être fonctionnel. Le calendrier pourra être beaucoup plus précis à la fin des assises nationales qui se tiendront fin octobre, maximum début novembre. Nous reviendrons vers nos partenaires avec un calendrier plus précis.

E.S.M. : Justement, concernant les assises, il y a de nombreux partis politiques maliens qui vous accusent d’utiliser ces assises comme une manœuvre dilatoire, finalement de dire qu’on fait ces assises simplement pour repousser ces élections, pour rallonger la transition de manière indéfinie. Que leur répondez-vous ?
C.M. : En fait, c’est le débat politique. Il n’y a jamais d’unanimité. Mais, mon constat, c’est qu’aujourd’hui la société civile est presque unanimement celle qui n’a pas intérêt dans l’agenda direct des élections, mais qui est préoccupée essentiellement par la paix, elle est unanimement d’accord avec la démarche. Au niveau de la classe politique, vous avez environ 200 partis au Mali. Vous en avez une trentaine qui sont essentiellement les partis de l’ancienne majorité de l’ancien président qui est tombé il y a quelques semaines et qui exigeait d’ailleurs l’organe unique des élections. Mais dès qu’un nouveau Premier ministre a été installé, comme par hasard, il a changé d’avis. Ça, c’est le débat politique. Les assises nationales de la refondation ont pour objectif essentiellement de prendre en charge les principales revendications qui ont conduit le peuple dans la rue pendant des mois, parce qu’au niveau de la communauté internationale, je dois attirer l’attention sur le fait que le régime n’a pas changé sur un coup de tête des militaires. Il y a eu un soulèvement populaire qui a duré quatre mois. Les militaires sont intervenus à la fin pour éviter le chaos. Donc, les préoccupations, les soucis autour desquels le peuple s’est mobilisé, il faut les prendre en charge. C’est le souci de sécurité, le souci de justice, la lutte contre l’injustice, l’impunité et la corruption, et le souci des réformes politiques et institutionnelles.

C.N. : Si on revient sur la sécurité. Vous avez déclaré samedi à l’ONU que La France avait abandonné le Mali en plein vol. Le président Emmanuel Macron vous a-t-il prévenu avant d’annoncer publiquement la fin de Barkhane ?
C.M. : Justement, vous répondez à la question en partie. Quand j’ai dit que « La France nous a abandonnés en plein vol », c’est que c’est par les médias que nous l’avons appris, comme tout le monde, alors que nous avons un accord de défense entre nous. Deuxièmement, les raisons qui ont été avancées, me semble-t-il, doivent être tout au moins discutées avec les partenaires. Quand on annonce par exemple la suspension des opérations militaires au motif que le gouvernement malien serait en train de discuter avec les jihadistes, je pense qu’il fallait au moins échanger avec le gouvernement malien, parce que c’est une demande forte de plusieurs années du peuple malien qui dit que ceux qui sont avec les jihadistes sont des jeunes souvent désœuvrés, souvent endoctrinés par dans la pauvreté, par le désespoir, souvent par la force. Discutons pour récupérer ceux qui sont récupérables. Mais, en aucun cas, on a remis en cause les opérations militaires de lutte contre le terrorisme. Dans ces conditions, dire que le chef de l’État du Mali ne doit pas écouter l’avis de son peuple. Et à ce motif, on décide d’ignorer des accords qui lient les deux pays. Vous conviendrez pour le moins que l’on doit s’interroger. Et c’est ce que nous avons dit.

E.S.M. : À propos de sécurité, il y a énormément d’informations qui circulent dans la presse ou ailleurs sur les négociations en cours avec le groupe Wagner, qui est ce groupe russe de sécurité à la réputation plutôt sulfureuse. Pour l’instant, il n’y a pas eu de confirmation officielle du côté du gouvernement malien de ces négociations en cours. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est ? Est-ce que ces discussions ont lieu ? Et si oui, de quoi s’agit-il, de quoi parle-t-on ?
C.M. : J’ai répondu à plusieurs reprises à plusieurs hommes et femmes de presse. Un homme politique, il est fait pour résoudre les problèmes. Vous vous souviendrez qu’à l’intervention de la communauté internationale en 2013, le président de la République française d’alors, François Hollande, avait indiqué l’objectif de l’opération Serval, plus tard transformée en Barkhane, et l’ONU aussi. Premièrement : détruire le terrorisme. Deuxièmement : restaurer l’autorité de l’État malien sur l’ensemble du territoire. Troisièmement : appliquer les résolutions des Nations unies. Huit ans après, le terrorisme n’est plus à Kidal, il s’est métastasé et les deux tiers du territoire sont aujourd’hui envahis par les terroristes. Huit ans après, l’État malien n’a toujours pas sa souveraineté sur l’ensemble du territoire. Huit ans après, les résolutions des Nations unies changent chaque année au point que cette année, le Mali s’est opposé à un projet de résolution. Donc, la conclusion à tirer, c’est qu’il faut s’interroger pour le moins.

C.N. : S’interroger sur quoi ?
C.M. : S’interroger sur la pertinence de cette ordonnance qui a été prescrite au malade, le Mali. Le gouvernement malien a l’obligation de chercher des solutions pour sécuriser les personnes et les biens au Mali. A partir du moment où nous avons une solution qui ne donne pas totalement satisfaction et qu’en cours de route d’ailleurs, je viens de vous indiquer, on nous abandonne en plein vol, pour le moins si on est un gouvernement responsable, on doit s’interroger. Ne faut-il pas chercher d’autres solutions, d’autres partenaires qui ne sont pas exclusifs ! Mais on ne peut pas nous interdire, en tant qu’État souverain de prospecter d’autres formules.

E.S.M. : Est-ce que la solution, c’est un contrat avec une société, comme je disais sulfureuse, à 9 millions d’euros par mois. C’est cela dont on parle ?
C.M. : ça, ce sont des articles de presse et des rumeurs…
E.S.M. : Que vous démentez ?
C.M. : Que nous, nous ne gérons pas.

C.N. : Oui, mais est-ce que vous les démentez ?
C.M. : Nous, nous gérons les positions de principe de l’État malien. C’est quoi ? Nous cherchons des solutions à nos problèmes.

C.N. : Le groupe Wagner a une réputation sulfureuse. Il a des exactions qui sont notées en Syrie, en Libye, en Centrafrique. Est-ce que cela ne vous fait pas un petit peu peur ?
C.M. : Moi, je ne connais pas de groupe Wagner. C’est la presse et vous qui le dites. Je ne connais pas… Ou Wagner je dis que le jour où le gouvernement malien va signer un accord, certainement ça ne sera pas pour dans longtemps. Mais on rendra public quand on aura signé et à ce moment-là, je serai prêt à répondre à toutes les questions. Pas avant.

N.B. : le titre est de la rédaction

Info-Matin

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