Après sa remarquable intervention samedi dernier à la tribune des Nations unies à New York, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a, dans une interview accordée à des médias français, évoqué la possibilité de proroger légèrement la Transition. Il a parlé aussi de la volonté du gouvernement de diversifier ses partenaires pour mieux assurer la sécurité dans notre pays. Deux acteurs politiques donnent leur point de vue sur ces deux questions d’une brûlante actualité
Amadou Koïta, Cadre d’échange pour une transition réussie : «nos exigences restent le respect du délai de la transition»
Jeamille Bittar, M5-RFP : «la question du délai de la transition va être tranchée pendant les assises nationales de la refondation»
Effectivement, nous avons suivi la sortie du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga sur RFI et France 24 où il annonce un éventuel report des élections générales à venir, de quelques semaines ou de quelques mois. Le chef du gouvernement, après sa nomination, a rassuré le peuple malien de ne ménager aucun effort pour rester dans le délai et tenir l’élection présidentielle conformément au calendrier qui avait été publié par le gouvernement de l’ancien Premier ministre Moctar Ouane. Le Premier ministre, lors de son passage devant le Conseil national de transition (CNT), pour la présentation du Plan d’action du gouvernement (PAG), a réitéré cet engagement de tout faire, pour respecter le délai et de tenir les élections à date notamment celles présidentielle et législatives.
Le samedi, lors de son passage à la tribune des Nations unies, il a également réitéré et s’est engagé à respecter ce délai. Nous estimons que le Premier ministre doit avoir une certaine cohérence pour ses différentes sorties. Aujourd’hui, nous avons pris des engagements vis-à-vis de nous-mêmes. Le peuple malien, dans son ensemble, à travers les concertations nationales et ses représentants, a décidé de fixer le délai de la Transition à 18 mois. La réussite de cette transition dépend de l’organisation des élections transparentes, crédibles et conformément au délai.
Donc, nous pensons aujourd’hui que nous devons sortir d’un certain jeu et devons faire en sorte de recueillir la confiance entre l’ensemble des forces vives de la nation et surtout avec la classe politique. Voilà pourquoi, le Cadre d’échange pour une transition réussie avait toujours eu des appréhensions par rapport à l’organisation des Assises nationales de la refondation et la création de l’Organe unique de gestion des élections. Pour nous, c’est un moyen dilatoire pour les autorités actuelles, surtout le Premier ministre, de nous pousser à une prolongation de la Transition. Toute chose qui ne sera pas bonne pour notre pays, puisque ce sont des engagements que nous avons pris, vis-à-vis de nous-mêmes et de la communauté internationale. Travaillons à respecter ce délai, à amorcer le retour à l’ordre constitutionnel, qui passera également par l’organisation des élections générales à bonne date, notamment le 27 février 2022.
Au Cadre d’échange pour une transition réussie, nos exigences restent les mêmes conformément à notre mémorandum, qui sont le respect du délai de la Transition et l’organisation des élections transparentes et crédibles le 27 février 2021. Quelques semaines, cela peut être des mois, un an, trois ans… Et avec qui le Premier ministre a convenu du report de la Transition ? Qu’il ait d’abord un peu de respect pour le peuple malien. Parlant des assises, il y a eu un atelier de validation des Termes de référence (TDR) de cette rencontre. Ces assises auxquelles nous n’avons pas assisté. Mais par respect au peuple malien, ce n’est pas à travers les medias, RFI, France 24, que le chef du gouvernement nous parle d’une prolongation de la Transition. Respectons le délai de la Transition, cela sera bien pour le Mali et peut nous permettre de relever les défis énormes auxquels notre pays est confronté.
Effectivement, nous avons appris aussi à travers le chef du gouvernement la diversification de nos partenaires dans la lutte contre les terroristes. C’est une très bonne décision qui mérite d’être soutenue par tous les patriotes. Mieux vaut avoir beaucoup d’amis dans cette difficile lutte que moins d’amis, surtout elle se justifie par le manque de résultats à hauteur de souhait sur le terrain. Mais, nous devrons faire attention que cette diversification de nos partenaires ne nous amène à jeter l’eau du bain avec le bébé. Des efforts ont été faits par nos Forces armées et de sécurité et nos différents partenaires, notamment la France à travers Serval et Barkhane, l’Union européenne et la Minusma.
Je profite de cette occasion pour rendre un vibrant hommage aux victimes civiles et militaires, nationales et étrangères tombées au champ d’honneur.
La question de la possibilité de la prorogation du délai de la Transition, qui est importante, va être tranchée pendant les Assises nationales de la refondation (ANR). Il y a un travail préliminaire qui vient d’être bouclé par rapport à cela : la mise en place de l’Organe unique de gestion des élections et les réformes. La même Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) avait estimé que nous ne devons pas aller aux élections sans les réformes. Cela, suite à la prorogation du mandat des députés de l’ancienne législature et également des réclamations faites suite aux élections passées. Malheureusement, compte tenu du changement de régime, ils veulent coûte que coûte qu’on aille aux élections, mais avec les mêmes systèmes, les mêmes modes de scrutins et structures. C’est vous dire quelque part que le Premier ministre a bien su répondre justement à la Cedeao par rapport à cette question. Je pense que le Mali est un pays souverain et cette décision doit être souveraine, parce qu’il s’agit de la vie de la Nation et surtout de la gestion de notre État.
Concernant la présence ou le départ de Barkhane, nous avions tous compris que les États n’ont pas d’amis, mais des intérêts. Effectivement, tout le monde qui suit l’actualité a dû comprendre certainement ce qui s’est passé, entre autres. Qu’à cela tienne, les Maliens étaient dans une dynamique de recherche de solutions idoines, parce que nous partons de mal en pis. Cela, malgré toute cette panoplie de forces onusiennes et françaises. Quelque part, nous disons qu’aujourd’hui, il est grand temps pour le gouvernement de Transition de trouver des alternatives plus heureuses, afin que la sécurité puisse revenir le plus tôt possible.
Le Premier ministre a bien dit que le peuple malien n’est pas ingrat. Nous estimons que si la France était vraiment engagée au vrai sens du mot, on aurait trouvé des solutions depuis longtemps par rapport à cette situation.
Propos recueillis par
Massa SIDIBÉ et Mariétou Koité
L’Essor