Les esprits s’échauffent entre la France et le gouvernement malien, pourtant encore alliés dans la lutte anti-djihadiste. Mais l’africaniste Bernard Lugan reste optimiste sur le redéploiement de Barkhane.
“Ce n’est pas un départ de Barkhane, c’est une réorganisation qui est excellente”, affirme Bernard Lugan.
À la tribune de l’ONU, Choguel Maïga avait qualifié la restructuration de Barkhane d’”abandon en plein vol“. Des propos qui ont fait sortir Emmanuel Macron de ses gonds. “J’ai été choqué. Ces propos sont inacceptables“, a-t-il tempêté le 30 octobre, défendait.
L’africaniste Bernard Lugan défend, quant à lui, la nouvelle stratégie adoptée par l’état-major français. L’auteur des Guerres du Sahel des origines à nos jours (Éd. L’Afrique réelle) prévoit le renforcement de l’efficacité des troupes françaises pour combattre la “contagion djihadiste“. Constituée initialement de plus de 5.000 hommes dont 1.500 combattants et 4.000 pour défendre les emprises, Barkhane déploiera “2.500 hommes, tous opérationnels, qui vont cogner“. Quittant les trois positions du Nord, Kidal, Tessalit et Tombouctou, la force Barkhane sera reconfigurée au sein de la force européenne Takuba. Celle-ci est composée d’unités de forces spéciales de différents pays.
“Le but de la France n’est pas de gagner la guerre au Sahel”
Et l’africaniste de poursuivre son raisonnement: “Le but de la France n’est pas de gagner la guerre au Sahel.” Pour obtenir une victoire définitive, il faudrait y envoyer soixante mille hommes. Cela reviendrait à “recoloniser l’Ouest africain“. Une démarche impossible. Seconde option, miser sur les armées locales. “Elles en sont incapables“, tranche l’universitaire. L’objectif des militaires français sur le terrain est de “casser les groupes djihadistes et d’empêcher une emprise territoriale“. Et de couper des têtes. Le 17 août, Adnan Abou Walid al-Sahraoui, numéro un de l’État islamique au Sahel (EIGS)* était neutralisé par une frappe française.
Ainsi, l’armée française a “parfaitement rempli son rôle“, conclut notre interlocuteur. Car le conflit sahélien n’est “pas un problème militaire, mais un problème ethno-politique“, c’est-à-dire la dislocation de l’État malien et l’opposition entre diverses populations. Des réalités que les militaires français connaissent “parfaitement“. C’est moins le cas des politiques de l’Hexagone.
“Le drame, c’est que la politique africaine de la France n’est pas dirigée par des africanistes, mais par des gens qui sortent de Sciences Po.”
Un formatage qui serait la cause d’”erreurs politiques considérables“.
*Organisation terroriste interdite en Russie.
Sputnik