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Japon: Fumio Kishida, nouveau Premier ministre, un homme de consensus

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Le nouveau Premier ministre japonais a été investi ce lundi 4 octobre par le Parlement. Élu mercredi dernier à la tête du parti conservateur au pouvoir, le PLD, Fumio Kishida, 64 ans, remplace Yoshihide Suga à son poste, alors que la campagne pour les élections législatives, prévues pour novembre, doit bientôt s’ouvrir. Le nouveau Premier ministre ne propose aucune rupture avec les politiques économiques et sanitaires menées par les gouvernements précédents. Au risque de décevoir les marchés, la bourse de Tokyo évoluant en baisse depuis plusieurs séances.

Élu avec le soutien des deux principales factions du parti conservateur qui domine la vie politique japonaise depuis la fin de la Seconde guerre mondiale -surtout celle dirigée par l’ancien Premier ministre Shinzo Abe– Fumio Kishida ne propose aucune réforme structurelle pour accroître la faible croissance et la productivité de la troisième économie du monde, très affectée, elle aussi, par la pandémie. Rien non plus pour contenir la dette publique, la plus élevée des pays du G7, rapporte notre correspondant à Tokyo, Frédéric Charles. Et pas davantage pour remédier à une démographie désastreuse : le pays perd chaque année l’équivalent d’une de ses villes de taille moyenne de 600 000 habitants.

Pour conduire son parti conservateur à des élections législatives prévues à la fin de ce mois, Fumio Kishida dévoilera un plan de relance représentant l’équivalent de 270 milliards de dollars. Il pourrait inclure, selon Nicholas Smith de la banque d’affaires CLSA à Tokyo, le versement à tous les habitants de plus de 18 ans d’une somme d’argent pour doper la consommation des ménages.

La même stratégie de croissance

À plus long terme, le nouveau Premier ministre devrait continuer les « Abenomics », la stratégie de croissance lancée, il y a dix ans, par Shinzo Abe, l’ancien chef du gouvernement et, aujourd’hui, homme fort du parti conservateur à qui Fumio Kishida doit son nouvel emploi. Pour réduire les inégalités, celui-ci prône l’idée d’un « nouveau capitalisme » aux caractéristiques japonaises pour mieux repartir les richesses.

Au Japon, les Premiers ministres passent et le parti conservateur se maintient au pouvoir, faute d’une opposition crédible. La durée de vie d’un chef de gouvernement est de deux ans en moyenne. Yoshihide Suga, le prédécesseur de Fumio Kishida s’est retiré au bout d’un an en raison d’une mauvaise gestion de la pandémie. On craint à Tokyo que le Japon ne renoue avec des Premiers ministres éphémères. Shinzo Abe est l’exception qui confirme la règle : au pouvoir durant huit ans, il aura battu tous les records de longévité.


♦ Quel est le profil politique du nouveau Premier ministre ?

Décryptage avec Guibourg Delamotte, maîtresse de conférences au Centre d’études japonaises de l’Inalco, chercheuse associée à Asia Centre à Sciences Po Paris.

Fumio Kishida, chef de la diplomatie japonaise de 2012 à 2017, est l’héritier d’une lignée d’hommes politiques. Cet élu de Hiroshima à la Chambre basse du Parlement depuis 1993 succède à son père et à son grand-père, députés avant lui. Soutenu par son parti PLD face à deux autres candidats au poste de chef du gouvernement, il se veut rassembleur : « Ma qualité est de vraiment d’écouter les gens », a-t-il déclaré lors de sa campagne.

« C’est quelqu’un qui effectivement a su se créer un bon réseau dans le parti, analyse Guibourg Delamotte, maîtresse de conférences au Centre d’études japonaises de l’Inalco, chercheuse associée à Asia Centre à Sciences Po Paris, interrogée par Heike Schmidt du service international. . Et pour cette raison, effectivement, il a certainement une bonne capacité d’écoute. C’est aussi un personnage relativement consensuel, c’est vrai… Et c’est quelqu’un qui a le soutien aussi des caciques du parti (au sein duquel) il a eu des postes importants ». 

Dans la perspective des prochaines élections législatives de novembre, il a inscrit à son programme la lutte contre la précarité grâce à une meilleure répartition des richesses. « Il faut voir si le personnage emportera l’adhésion des Japonais et saura convaincre. Il parle de nouvelles formes de capitalisme et de répartition nouvelle des richesses, parce que les inégalités se sont creusées au Japon… Reste à voir si véritablement le programme peut être mis en œuvre ».

Quelles relations avec la Chine et les États-Unis ?

Fumio Kishida a été le « visage » de la diplomatie japonaise pendant cinq ans, aussi, ses interlocuteurs étrangers seront-ils en terrain familier, rappelle  Guibourg Delamotte.

Lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères, entre 2012 et 2017, ce modéré s’était montré plutôt ferme vis-à-vis de la Chine. Plaidera-t-il pour la continuité ? Oui, estime, Guibourg Delamotte. « Je pense qu’il va y avoir, quant à la Chine et aux alliés américains, une certaine continuité, puisqu’on est sur la ligne libérale démocrate. Face à la Chine, il a évoqué la question des droits de l’homme pendant la campagne, donc effectivement c’est un signe de fermeté… sachant que la ligne japonaise, vis-à-vis de la Chine, n’est pas une ligne antagoniste. C’est à dire que c’est une ligne qui défend les intérêts du Japon de manière relativement vigilante, mais qui ne cherche pas à humilier la Chine ou à la pointer du doigt. Donc qui cherche plutôt à promouvoir les changements, à favoriser les changements par un dialogue, qui évite les critiques, les altercations trop franches. Il s’agit de maintenir cette ligne. En revanche, pour ce qui est des incursions maritimes, là, les Japonais sont très vigilants.

Avec les États-Unis la perspective est de poursuivre. C’est-à-dire que le Japon fait partie du Quad, le format de coopération entre l’Australie, les États-Unis et l’Inde, dans le Pacifique… L’alliance avec les États-Unis est fondamentale, avec monsieur Biden le dialogue sera bon. »

RFI

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