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Lomé: pour la coopération sécuritaire, le Mali agira selon “son intérêt et celui de la sous-région”

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Lomé est sur tous les fronts de la sous-région ouest-africaine pour apporter sa contribution à la paix. Des efforts se déploient notamment au Tchad et au Mali. Dans un entretien exclusif à Sputnik, le chef de la diplomatie a plaidé pour que les Africains prennent leur destin en main, afin de protéger leurs populations.
À la tête de la diplomatie togolaise depuis 2013, Robert Dussey est de plus en plus engagé dans la recherche de solutions aux différentes crises qui surgissent sur le continent africain.
Ce professeur de philosophie politique, et chantre d’une diplomatie économique au service du développement du Togo, vient d’exposer aux diplomates africains et européens accrédités au Togo la stratégie togolaise pour la paix au sahel, à l’occasion de la rentrée diplomatique dans son pays.
Dans un entretien exclusif avec Sputnik, le ministre togolais des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et des Togolais de l’extérieur s’est longtemps attardé sur la crise sécuritaire au Sahel et a affirmé que le continent africain ne peut “plus attendre les solutions à ses problèmes de l’extérieur”.

Les crises au Mali, en Guinée et au Tchad où des coups d’État militaires ont été perpétrés ces derniers mois, mais aussi les relations de l’Afrique avec l’Union européenne, font partie des sujets abordés au cours de cet entretien

Sputnik: Le 28 septembre 2021, devant les ambassadeurs accrédités au Togo vous avez décliné une stratégie dite “togolaise” pour la paix au Sahel. Comment peut-on comprendre cet engagement du Togo au service de la paix au Sahel?
Robert Dussey: “La stabilité de la région du Sahel est sérieusement mise à l’épreuve par le terrorisme international, et la menace sur les pays de l’Afrique de l’Ouest et du golfe de Guinée est bien réelle. Aucun pays n’est à l’abri du danger. Face à cela, le Président de la République, Faure Gnassingbé, a fait le choix avisé de travailler au maintien de la paix et de la sécurité à l’échelle nationale tout en étant dans l’action aux niveaux régional et interrégional en Afrique. Par son implication active dans la région du Sahel, le Togo entend travailler de concert avec les acteurs internationaux et régionaux ainsi que les États du Sahel à la préservation de la paix et à la stabilisation de la région. Travailler à la préservation de la paix et de la stabilité des pays du Sahel, c’est œuvrer de façon anticipative à la préservation de la stabilité de la région du golfe de Guinée et de toute l’Afrique de l’Ouest. Le Togo a toujours, et de diverses façons, mis son savoir-faire au service de la paix et de la stabilité de nos régions et il s’agit d’œuvrer dans le cadre de la stratégie, au nom du patriotisme régional et du panafricanisme, de la solidarité, du sens de responsabilité et de communauté de destins à la paix et à la stabilité de la région du Sahel, et par-delà bien entendu de l’Afrique de l’Ouest”.
Sputnik: Quels sont les différents axes de l’approche stratégique du Togo pour la paix au Sahel?
Robert Dussey: “L’initiative du Togo pour la paix et la stabilité au Sahel est structurée et déclinée en quatre axes principaux et interdépendants. Il y a l’axe 1) – Coopération régionale et interrégionale au service de la paix et de la stabilité – axe 2) – L’exportation de la vision togolaise de la paix: la paix positive – axe 3) – Le soutien aux processus de normalisation politique, de transition démocratique et efforts de réconciliation par la médiation – axe 4) – Appui à une gouvernance responsable pour plus d’inclusion sociale et politique dans les États de la région du Sahel”.
Sputnik: Qu’est-ce qui différencie cette approche de celles sous-régionales, la CEDEAO notamment?
Robert Dussey: “Tout d’abord, le Togo en tant qu’État membre d’organisations sous-régionales, notamment de la CEDEAO, participe à la riposte collective et transnationale à la menace terroriste. Le terrorisme est un danger transnational et la riposte doit être régionale, interrégionale et internationale. Dans le cadre de la CEDEAO, nos États ont adopté en 2013 une stratégie régionale de lutte contre le terrorisme assortie d’un plan d’actions.

En dehors du cadre de coopération CEDEAO, le Togo travaille au Sahel aux côtés des pays de la région dans le cadre d’une diplomatie préventive par le truchement de la mise en contact, l’incitation au dialogue et la facilitation. Le Président Faure Gnassingbé accompagne politiquement et diplomatiquement les efforts de réconciliation et de transition démocratique au Sahel. Aussi, l’implication du Togo au Sahel est-elle en phase avec le grand procès africain d’auto-responsabilisation, de prise en charge de soi et d’exercice endogène des responsabilités propres à l’Afrique. L’Afrique ne peut plus attendre les solutions à ses problèmes de l’extérieur. À travers son engagement au Sahel, le Togo entend faire prendre conscience aux Africains de la nécessité de prendre en main leur propre destin afin de protéger leurs populations contre le terrorisme. La responsabilité de protéger les Africains revient en premier à l’Afrique et c’est le message que traduit l’engagement du Togo au Sahel. Nous avons la responsabilité ne pas laisser la région du Sahel devenir le sanctuaire du terrorisme international, de faire en sorte que, même si les puissances alliées arrivent à quitter la région, nous puissions être en capacité de nous protéger et contenir la menace terroriste”.
Sputnik: Au Mali, la transition qui est censée prendre fin en février 2022 va sans doute se prolonger. Comment le Togo qui y est très engagé, apprécie-t-il cette situation visiblement contestée par les autres parties prenantes, notamment l’opposition?
Robert Dussey: “Les transitions sont des occasions parfois très délicates qui demandent beaucoup d’intelligence collective et un sens élevé de responsabilité. Celle du Mali est en marche et le Togo fait ce qu’il peut, de concert avec les autres partenaires sous-régionaux et internationaux, pour accompagner le processus. Lomé a abrité le 8 mars 2021 la deuxième réunion du Groupe de soutien à la transition au Mali. Tout l’enjeu, c’est la réussite de la transition et le gouvernement et les acteurs maliens y travaillent. Nous ne pouvons qu’encourager les Maliens dans leur volonté de réussir la transition afin de permettre à leur pays de se focaliser sur les questions essentielles de paix, de sécurité et de développement”.
Sputnik: Le Mali réclame sa souveraineté dans ses choix de partenaires, notamment sur des questions de sécurité. Que pensez-vous de cette approche?
Robert Dussey: “La grande question pour tous les États, au-delà de la question du Mali, c’est comment exercer pleinement leur souveraineté tout en tenant leurs engagements régionaux et internationaux dans un monde de dépendance commune et d’interdépendance. Sur la question de l’exercice de sa souveraineté en ce qui concerne le choix de ses partenaires sur les problématiques sécuritaires, le Mali saura comment la traiter aussi bien dans son intérêt que dans l’intérêt de la sous-région”.
Sputnik: En Guinée, des sources affirment que le Togo se serait aussi positionné dans la médiation de la crise politique actuelle. Si c’est le cas, quelle sera sa contribution dans la résolution de cette crise guinéenne?
Robert Dussey: “C’est vous qui me l’apprenez! Ce qui est sûr, c’est que la CEDEAO n’a pas encore désigné un médiateur pour la Guinée. Ce qui est aussi incontestable, c’est que l’institution communautaire travaille à accompagner la transition en Guinée et elle est dans son rôle. Il revient à la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO de juger de l’opportunité de la désignation d’un médiateur et de tracer les contours de la mission de médiation s’ils optaient pour la nomination d’un médiateur pour la Guinée. L’enjeu en Guinée, c’est de renouer rapidement avec de l’ordre constitutionnel et les acteurs guinéens comme régionaux et internationaux sont tous d’abord sur cet enjeu. Cet enjeu servira de boussole à l’effort de médiation en Guinée si les chefs d’État et de gouvernement arrivaient à opter pour la désignation d’un médiateur”.
Sputnik: Quel rôle joue le Togo dans la résolution de cette crise politique au Tchad?
Robert Dussey: ” Par l’incitation au dialogue, à l’esprit d’écoute, à la culture de l’entente et de la mutuelle compréhension et par la facilitation, le Togo aide le Tchad, comme de par le passé, dans son effort endogène à rassembler les différents protagonistes politiques et autres parties prenantes et à les impliquer davantage dans le processus de consolidation du contrat social et de transformation politique”.

Sputnik: Vous êtes le négociateur en chef pour les pays ACP (Afrique-Caraïbe-Pacifique) dans les négociations post-Cotonou avec l’Union européenne presque bouclées. En quoi les nouvelles conclusions en cours de validation sont-elles favorables au développement du continent africain?
Robert Dussey: “Toute la nouveauté de l’accord post-Cotonou entre l’OEACP (Organisation des États de l’Afrique-Caraïbe-Pacifique) et l’UE réside dans son format qui intègre dans un même cadre partenarial les priorités stratégiques communes à toutes les parties et les priorités spécifiques propres à chacune des trois régions de l’OEACP dont l’Afrique. La perspective d’un partenariat continent à continent renforcé voulue par l’Afrique a été prise en compte dans le nouvel accord.
Les relations Afrique-UE dans le cadre de l’accord post-Cotonou se déploieront dans six principaux domaines de coopération à savoir: “Croissance et développement économiques durables et inclusifs”, “Développement humain et social”, “Environnement, gestion des ressources naturelles et changement climatique”, “Paix et sécurité”, “Droits de l’homme, démocratie et gouvernance” et “Migration et mobilité”. Ces domaines de coopération entre l’Afrique et l’UE dans le cadre du partenariat OEACP-UE dans sa phase post-Cotonou sont bien en phase avec l’Agenda 2063 de l’Union africaine, le lancement de la zone de libre-échange continentale africaine, la stratégie commune Afrique-UE adoptée en 2007 et les conclusions du sommet UA-UE d’Abidjan de 2017.
Le nouvel accord permettra à l’Afrique d’assurer une transformation profonde de ses économies et le développement des secteurs clés d’activités aux fins de promouvoir une croissance et un développement durables et inclusifs, et lutter contre toutes les formes de précarité, de discrimination et de misère du monde”.
SPTUNIK

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