Certains partis politiques majeurs de la scène politique nationale connaissent des remous internes, liés à de nouvelles donnes mais aussi à la désignation de leurs futurs porte-étendards à la prochaine élection présidentielle. Pendant que l’URD cherche activement un successeur à son ancien leader, feu Soumaila Cissé, pour la conquête de Koulouba, l’ADEMA entend également faire peau neuve afin d’insuffler un nouveau souffle à sa ruche et reprendre les rênes du pouvoir. Si le RPM, quant à lui, fait toujours face à des mésententes internes pouvant s’accentuer lors de la désignation de son candidat, l’ASMA-CFP, privée de son président, en détention depuis mi-août, est de son côté dans l’expectative.
23 octobre 2021. La date est, depuis des semaines, cochée dans les agendas de l’Union pour la République et la Démocratie (URD). Mais la tenue comme prévu de cette Conférence nationale ordinaire du parti de la Poignée de mains semble improbable.
À en croire une source interne au niveau de Bamako, les sections du parti n’ont pas reçu de documents relatifs à la conférence à moins d’un mois de son organisation, contrairement à ce que prévoient les textes.
D’ailleurs, selon nos informations, une nouvelle pétition serait en gestation. L’objectif de ses initiateurs est de regrouper un quota de 2/3 des membres du Bureau exécutif national pour demander la tenue d’un Congrès extraordinaire de renouvellement des instances du parti et non plus d’une Conférence nationale.
Secousses à l’URD
La situation actuelle au sein de l’URD n’est que le résultat d’une longue lutte d’influence pour le leadership du parti, bataille qui s’est enclenchée depuis des mois. Pour preuve, après, et même bien avant la lettre circulaire du Bureau exécutif national du 23 août 2021 lançant l’appel à candidature pour l’investiture du parti à la prochaine élection présidentielle, certaines sections avaient procédé à des votes pour départager « d’éventuels candidats ».
Mais ce n’est que plus tard que le Bureau exécutif national a reçu et enregistré les candidats à la candidature du parti, qui, selon Moussa Seye Diallo, Secrétaire adjoint à la Communication, sont au nombre de dix.
Quatre candidats étaient jusque-là connus, à l’instar de l’ancien Premier ministre Dr. Boubou Cissé, de l’ancien ministre de l’Économie et des finances Mamadou Igor Diarra, de Maitre Demba Traoré, Secrétaire à la Communication du parti et de l’ancien Président du Mouvement des Jeunes Dr. Madou Diallo. Six autres s’y sont ajoutés, parmi lesquels Pascal Traoré de la section de Koulikoro, Modibo Doumbia du Mandé et Adama Coulibaly de San.
« En ce qui concerne la désignation du candidat, dès que la commission constituée au niveau du Bureau exécutif national va proposer un nom au bureau national et que celui-ci le validera, on organisera une autre conférence, celle d’investiture », explique Moussa Seye Diallo affirmant que la Conférence nationale prévue pour le 23 octobre n’est qu’une instance ordinaire du parti, pour « apporter des modifications à certains niveaux s’il y a lieu ».
« Si la commission désigne le candidat avant, le parti peut décider de coupler la Conférence d’investiture à la Conférence nationale ordinaire ou de faire la première après la seconde, parce qu’aujourd’hui personne ne sait quand vont se tenir les élections. La Conférence d’investiture sert aussi à la mobilisation autour de celui qui aura été choisi afin qu’il soit élu », ajoute-t-il.
Le nombre de candidats, avec des clans déclarés au sein du parti de l’ex Chef de file de l’Opposition laisse planer le risque de fractures internes à l’URD, même au-delà du processus de désignation de son candidat.
Toutefois, pour le Secrétaire adjoint à la Communication, qui admet que le parti ne manquera pas d’être secoué avant de se tranquilliser par la suite, il est normal qu’il y ait des tendances, étant donné qu’ « un nouveau leadership est en train de se former ».
L’ADEMA en quête d’un nouveau souffle
Dans la ruche des Abeilles, les esprits sont aussi tournés vers le futur de ce parti, qui a présidé aux destinées du Mali pendant dix années et que beaucoup considèrent aujourd’hui comme en perte de vitesse, malgré son importante implémentation sur l’ensemble du territoire national.
Déjà repoussé à plusieurs reprises, le 6ème Congrès ordinaire devrait finalement se tenir les 16 et 17 octobre 2021. Contrairement à l’URD, c’est d’abord la présidence même de l’ADEMA qui fait objet d’une lutte acharnée. Le Président du Bureau exécutif sortant, Pr. Tiemoko Sangaré, candidat à sa propre succession, doit faire face à au moins sept concurrents, pour la plupart issus de sa propre équipe sortante.
Les Vice-présidents Moustapha Dicko de la section de Douentza, l’ancien ministre Abdoul Kader Konaté dit Empé de celle de Koro, Marimantia Diarra de Dièma, le maire de la ville de Bamako Adama Sangaré de la section de la Commune III ou encore Mme Conté Fatoumata Doumbia de la Commune I ont tous annoncé leurs candidatures.
« L’Adema reste la première force politique et tous ceux qui sont en train de se porter candidat sont des militants du parti qui veulent lui donner un nouvel élan afin qu’il puisse compter lors des échéances électorales qui s’annoncent », explique Yaya Sangaré, par ailleurs Secrétaire à la Communication de l’Adema, qui, malgré la multitude de candidatures, ne craint pas une division au sein de la formation politique.
« L’atmosphère est bon enfant entre tous les candidats. Les gens se sont exprimés et chacun défend la vision qu’il a pour le parti. Nous sommes en train de nous écouter les uns et les autres. Au final, c’est l’intérêt du parti qui compte et c’est à cela que tout le monde s’attèle pour que nous partions à un congrès apaisé », affirme-t-il.
Le Secrétaire général Assarid Ag Imbarcaouane abonde dans le même sens, assurant que le parti priorisera la démarche consensuelle afin de n’avoir au final qu’une seule candidature. À l’en croire, toutes les candidatures ne sont en effet qu’en instance d’annonce et ne s’enregistreront que le jour même du congrès.
Une multitude de candidatures que l’on pourrait tenter d’expliquer par le fait que le prochain Président du bureau exécutif de l’ADEMA sera de facto le candidat investi du parti à la présidentielle. Mais il n’en est rien, à en croire Yaya Sangaré. « Il faut faire la part des choses. Il y a la présidence du parti et il y a la candidature pour la présidentielle, deux choses différentes. Il peut arriver que le prochain président soit le candidat du parti ou non », précise celui qui pense que les militants souhaitent qu’il y ait un changement au niveau de la direction du parti parce que n’étant pas satisfaits, « à tort ou à raison » de tout ce qui a été fait.
« Ce congrès doit constituer un nouveau départ. Il y a eu beaucoup de points d’insatisfaction. Je pense qu’avec le nouveau souffle qu’on veut insuffler au parti les choses pourrait changer. C’est cela le souhait de l’ensemble des militants ».
Effritement du RPM ?
L’ancien parti présidentiel n’a pas de congrès en vue, mais comme l’a affirmé son Président Dr. Bocary Tréta, le RPM aura un candidat lors de l’élection présidentielle à venir. S’il est lui-même pressenti pour être ce candidat, il devra faire face, comme c’est déjà le cas depuis bien longtemps au sein du parti des Tisserands, à des oppositions internes.
Moussa Timbiné, ancien Président de l’Assemblée nationale, pourrait être dans cette course à la candidature du parti, de même que Mamadou Diarrasouba, ex député de Dioila, actuel membre du Conseil national de Transition (CNT).
Si le mécanisme de désignation est enclenché, les prétendants seront départagés par 58 Secrétaires généraux, qui sont chargés d’élire à la majorité absolue le candidat à la présidentielle.
Pour le politologue Dr. Brehima Mamadou Koné, à l’issue de cet exercice il faut s’attendre à une fracture du RPM et à un effritement, en fonction des tendances divergentes en son sein.
« Le RPM risque de devenir comme l’ADEMA. À chaque fois qu’ils vont choisir un candidat issu du Bureau politique national pour représenter le parti, il y aura d’autres membres qui risqueront de travailler au détriment de ce dernier et de soutenir d’autres candidats. On risque de voir ce parti accoucher de trois ou quatre autres formations politiques dans les années à venir », analyse-t-il.
Mais les dirigeants du RPM, malgré les mésententes internes, semblent ne pas vouloir en arriver là. En juin dernier, à l’occasion de la célébration des 20 ans du RPM, Moussa Timbiné a souligné l’importance pour le parti « d’engager un vrai dialogue, un débat de fond par rapport au manque de cohésion pour pouvoir réunir tous les fils du RPM », pendant que Bocary Tréta appelait également à un « retour aux valeurs fondatrices et aux principes de base du parti et un renforcement de l’unité ». Reste à savoir si le discours sera traduit dans les faits à l’approche des joutes électorales.
L’Asma hors-jeu sans SBM ?
L’ASMA-CFP de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga fait face de son côté à une situation nouvelle depuis l’incarcération de ce dernier. S’il était de plus en plus pressenti candidat à la prochaine présidentielle, l’arrestation du « Tigre » n’impacte en rien ni la vie de son parti ni la désignation d’un candidat, selon le Secrétaire général Issa Diarra.
« Personne ne sait d’ailleurs quand les élections seront tenues. Nous n’avons pas d’inquiétudes. Dès que l’occasion sera donnée et que les gens se mettront dans les postures d’élection, nous prendrons les dispositions qu’il faut », assure celui qui rappelle que le Président est sous mandat de dépôt mais « qu’il n’est pas jugé et est donc comme tout le monde ».
« La question d’un empêchement de son éventuelle candidature n’est pas à l’ordre du jour. Nous n’y pensons même pas. Nous croyons que cette situation se dénouera le plus rapidement possible », lâche M. Diarra.
Mohamed Kenouvi
Journal Du Mali