“Le Président Emmanuel Macron pense avant tout aux 10 millions d’Africains et/ou de descendants d’Africains qui vivent en France. Cet élément électoraliste domestique est un puissant levier, un des éléments qui expliquent la raison pour laquelle ce sommet se tient maintenant. C’est un exercice solitaire, une sorte de manœuvre très auto-promotionnelle en vue de sa réélection”, analyse Emmanuel Dupuy, président de l’Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE) interrogé par Sputnik.
Sommet Afrique-France de Montpellier : la voix critique et dissonante de @bboris_diop, journaliste et écrivain sénégalais, dans un ouvrage collectif publié par le @Cor_Afrika.https://t.co/erYDAbXR9k
— Edwy Plenel (@edwyplenel) October 8, 2021
“Il ne faut pas se voiler la face, cette rencontre ne saurait masquer la profonde divergence quant à l’avenir de la relation entre la France et l’Afrique. Elle survient dans un contexte où notre pays apparaît en position de faiblesse et fait face à une série de crises diplomatiques qui n’ont jamais été aussi concomitantes. Ce n’est pas en deux jours et au terme d’un demi-sommet que l’on va réinventer une alliance dans les domaines de la santé, de l’entrepreneuriat, de la culture à travers le dialogue entre Macron et ses 11 débatteurs africains”, note le président de l’ISPE.
“La Françafrique à bout de souffle”
“Au fond, c’est la Françafrique qui est à bout de souffle, comme le dit si bien [l’intellectuel sénégalais, ndlr] Boubacar Boris Diop. Elle a besoin d’un nouveau look, elle pense l’obtenir en s’inventant +sa société civile africaine+, en cooptant +ses+ intellectuels africains en vue de vendre l’illusion du changement. Quelle crédibilité accorder à cet exercice de rebranding quand Macron lui-même ne se prive pas de mater la société civile française [durant la crise des, ndlr] Gilets jaunes, d’anéantir l’expression démocratique en Afrique francophone? Sans doute, les dirigeants africains, traditionnels alliés de la France, sont-ils devenus une sorte de face honteuse qu’il faut essayer de rendre invisible avec de nouveaux artifices”, indique à Sputnik le docteur Ndongo Samba Sylla, économiste sénégalais, auteur de plusieurs ouvrages dont “Le scandale du commerce équitable” et “L’arme invisible de la Françafrique, une histoire du franc CFA” en duo avec Fanny Pigeaud, journaliste à Mediapart.
“Élément louable”
“L’élément louable, c’est la redynamisation de la relation entre la France et les pays africains, ce nouveau départ, l’apport de la société civile, la mobilisation de personnalités qui, jusqu’à présent, faisaient partie des contre-sommets ou sommets alternatifs, les entrepreneurs, les personnes qui sont plus marquées par le business que par la politique. Tout cela est très bien. En même temps, les thèmes retenus: éducation, enseignement supérieur, la mobilité des personnes, l’entrepreneuriat, l’innovation, une sociologie pertinente des intervenants n’étaient pas mis en avant dans les précédentes éditions”, reconnaît Emmanuel Dupuy qui considère le rapport de l’intellectuel camerounais Achille Mbembe remis le 2 octobre à Emmanuel Macron comme “l’élément structurant positif de ce sommet”.
“L’aide française est clairement liée, [car, ndlr] selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), une bonne partie retombe dans l’escarcelle des entreprises françaises. Mêmes les dettes censées avoir été annulées par la France sont recyclées au profit de ces entreprises. La politique de Macron en Afrique s’inscrit dans le cadre de ce que ma collègue Daniela Gabor appelle le consensus de Washington. Toute la logique consiste à faciliter les investissements des entreprises françaises, de leur ouvrir des marchés et de faire reposer les risques auxquels elles font face […] sur les frêles épaules des États africains contraintes ainsi de cultiver des +bombes à retardement budgétaires+”, soutient Ndongo Samba Sylla.