Travailler plus pour produire plus et pour financer plus la protection. C’est le message martelé ce matin par le chef de l’Etat à l’occasion de la présentation du plan d’investissement “France 2030”.
“Quand on se compare, nous sommes un pays qui travaille moins que les autres, ça reste vrai, a rappelé Emmanuel Macron. Nous avons une quantité de travail allouée qui n’est pas au bon niveau. A la fois dans le cycle de vie et en horaires cumulés. On a une force qui est le modèle social et éducatif et une faiblesse c’est qu’on n’a plus le modèle productif qui permet de le financer.”
Ce n’est pas la première fois que le président assure que les Français ne travaillent pas assez. En clôture du grand débat national qui avait suivi la crise des gilets jaunes en 2019, Emmanuel Macron en avait fait un de ces axes de réforme pour la fin du quinquennat avant que la crise sanitaire vienne marquer un coup d’arrêt.
Mais les Français travaillent-ils vraiment “moins que les autres”? Cela dépend ce qu’on regarde. Si on prend le temps de travail hebdomadaire des Français en activité ce n’est pas flagrant.
Prenons les salariés par exemple. Ils ont travaillé en moyenne 36,5 heures par semaine en 2020 selon une étude de la Dares publiée en juillet. Une durée de travail en légère baisse par rapport à 1990 (37,5 heures) mais relativement stable depuis 20 ans, voire en légère augmentation depuis 7 ans.
Ce n’est d’ailleurs pas le cas des non-salariés français dont le temps hebdomadaire de travail est en baisse constante depuis 2005. S’il reste largement supérieur à celui des salariés, il est passé de 51,9 heures à 43,9 heures en 15 ans. La baisse est moindre mais réelle si on prend 2019 comme référence (45,3 heures), 2020 étant une année atypique.
On peut donc voir que malgré le passage aux 35 heures en 1998, le temps de travail hebdomadaire n’a pas chuté. Il était de 36,5 heures par semaine en 1999, soit exactement le même qu’en 2020.
Qu’en est-il chez nos voisins?
La Dares justement avait produit une étude comparative sur le sujet en 2018. Si on prend l’ensemble des salariés (temps complet et temps partiel), la France n’est pas décrochée par rapport à ses voisins européens. S’ils travaillent légèrement moins que la moyenne des pays de l’UE à 28 à l’époque (36,4 heures par semaine), le temps de travail des salariés hexagonaux est supérieur à celui des Danois (32,3 heures), des Allemands (34,8 heures), des Italiens (35,5 heures) ou encore des Néerlandais (29,3 heures). Seules les salariés britanniques (36,8 heures) et espagnols (36,4 heures) travaillent légèrement plus.
Si les salariés français travaillent en moyenne autant voire plus que leurs voisins européens c’est en partie du aux salariés à temps partiels qui travaillent largement plus (23,7 heures en moyenne) que leurs voisins (20,9 heures en moyenne dans l’UE). Les salariés à temps complet travaillent sensiblement moins dans l’Hexagone que la plupart de leurs voisins. 39,1 heures pour les Français contre 42,2 pour les Britanniques, 40,4 heures pour les Allemands, 39,9 heures pour les Espagnols et les Suédois.
Bref en temps de travail hebdomadaire, les Français n’ont pas à rougir de leurs voisins.
Qu’en est-il du temps de travail sur l’année? Sur ce point les salariés français sont largement en dessous des pays de l’OCDE (1662 heures en 2020 mais 1718 heures en 2019 avant le Covid). En 2020, la France était en effet classée 37ème sur 38 pays avec 1320 heures de travail annuel pour les salariés. Seule l’Allemagne est derrière avec 1284 heures et qui s’explique par un important recours au temps partiel pour les femmes.
En 2019, la France était un peu mieux classée mais elle était tout de même 33ème avec 1421 heures travaillées sur l’année. Derrière des pays comme la Belgique (1442 heures), l’Italie (1583 heures) ou l’Espagne (1613 heures).
En prenant l’emploi total (les salariés + les non-salariés), la France est un peu mieux classée au sein de l’OCDE avec 1402 heures effectuées en moyenne en 2020 et 1511 en 2019. L’année dernière, elle a fait mieux que les Pays-Bas (1399), le Royaume-Uni (1367) ou l’Allemagne (1332).
Si les salariés français travaillent plutôt moins sur l’année, ce n’est pas à cause des congès payés qui sont plus ou moins harmonisés en Europe (20 à 25 jours) c’est à cause des RTT conséquence de la loi des 35 heures. Les Français disposent ainsi en moyenne de 32 jours de congès sur l’année (en incluant les RTT) contre 25 pour la moyenne européenne.
A cela s’ajoutent deux autres problèmes: la durée des carrières plus courtes et le taux d’activité plus faible. En France, les hommes sortent du marché du travail en moyenne deux ans plus tôt qu’ailleurs en Europe (61,9 ans contre 63,9 ans) et les femmes un an et quatre mois plus tôt (61,8 ans contre 63,1 ans). Et si les Français finissent leurs études légèrement avant certains de leurs voisins (20,7 ans en moyenne contre 22,4 ans en Allemagne), ça ne compense pas la sortie plus précoce.
Le problème le plus aigu de la France concerne enfin le taux d’inactivité, soit le nombre de personnes qui ne travaillent pas (qu’elles soient inactives, retraitées ou au chômage). C’est sur ce point que le pays se distingue particulièrement de ses voisins et dans le monde. L’OCDE a publié en 2019 une étude qui mesure le nombre total d’heures travaillées non pas par actif occupé cette fois mais par habitant. Et là, la France est bonne dernière au sein de l’OCDE avec 630,9 heures travaillées sur une année.
A titre de comparaison, l’Espagne est à 696 heures, l’Italie à 705 heures, l’Allemagne 722 heures, le Royaume-Uni 747. La zone euro est à plus de 709 heures en moyenne, l’UE à 744 heures et l’OCDE à 804 heures. Un Français travaille donc 173 heures de moins en moyenne sur une année qu’un habitant moyen d’un des grands pays riches de la planète.