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Diéma : Histoire d’enfants au destin de mendiant

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Errant dans la ville à longueur de journée, ils sont livrés à eux-mêmes. La plupart d’entre eux ne bénéficient pas de soins s’ils tombent malades

 

 

 

À Diéma et ses environs, chacun a une histoire d’enfant mendiant à raconter. À longueur de journée, ces enfants, de 7 à 12 ans, au plus, déambulent dans les rues, pour satisfaire les exigences de leurs maîtres. Recevant par-ci une poignée de céréales, par-là des pièces de monnaie ou des restes de repas. On les croise à tout bout de champ, aussi bien en centre-ville, au quartier Razel, qu’aux confins des villages voisins.

 

Chaque vendredi, des mendiants arrivent en nombre dans le village de Fangouné Bambara, situé à 5 km de Diéma. «Ils s’installent dans des vestibules. En période de fraîcheur, ils n’ont pas de couvertures, ils passent toutes les nuits à grelotter», témoigne Dakolo Coulibaly, gérant d’une banque de céréale.

 

Un conseiller du chef du village de Diéma, Fousseiny Sissoko, relate :«On m’a appelé pour me dire qu’un mendiant venant de Gourel, à Nioro du Sahel, a passé la nuit à la belle étoile au quartier Razel. Je suis allé le voir et j’ai donné l’information à travers les réseaux sociaux. Quand son père a appris la nouvelle, il est venu chercher son enfant».

 

«Un jour, quand je quittais Mountan Kagoro sur ma moto, j’ai croisé un enfant âgé d’environ huit ans, tout seul en pleine brousse. Quand je l’ai interrogé, il m’a dit qu’il était en compagnie de son maître. Ils partaient à Diangounté Camara, mais ce dernier s’est débarrassé de lui, prétextant un besoin de se soulager dans la broussaille», dit Fousseiny Sissoko.

 

L’enfant épuisé par la longue marche, suait à grosses gouttes. «J’ai été obligé d’écourter mon trajet pour le conduire chez le chef de village de Diangounté Camara qui a mené des investigations pour retrouver ses parents», ajoute notre interlocuteur. Et d’ajouter que la plupart des enfants mendiants ne bénéficient pas de soins s’ils tombent malades. « L’an passé, j’ai personnellement assuré la prise en charge de près de dix enfants», affirme-t-il.

 

MALTRAITANCE- Pour sa part, la présidente de l’Association des femmes rurales, Lallia Borthole, dit que chaque jour, de nombreux mendiants viennent dans sa maison. On leur donne à manger. «Ils ne sont pas disciplinés. Ils se bagarrent souvent pour un morceau de viande », fait-elle remarquer. «Un jour, poursuit Mme Borthole, l’un d’eux était malade, et s’était allongé par terre. On a envoyé quelqu’un pour informer son maître. Au lieu de le conduire directement au centre de santé, le maître s’est dirigé vers la maison».

 

La présidente de la Coordination des associations et organisations féminines (CAFO), Mme Mariam Soucko, dit avoir été témoin, un jour, d’une scène horrible. «Un maître coranique a battu à sang son élève, parce qu’il aurait refusé d’apprendre le Coran et veut rentrer chez lui, contre la volonté de ses parents. L’enfant avait des traces de fouet, un peu partout, sur son corps. J’ai plaidé afin que le maître laisse partir le garçon qui n’arrêtait pas de se lamenter», raconte Mme Soucko.

 

Certains maîtres coraniques, mettent en garde leurs élèves de ne pas rentrer bredouilles, allant jusqu’à fixer un montant d’argent que chacun doit apporter, à la fin de la journée. Ces élèves coraniques, à force d’errer dans les rues, finissent par en adopter les comportements avec leur corollaire de vols, de banditisme, d’escroquerie, etc.

 

M’Bouillé Diarra est animateur-radio. «Un jour, dit-il, on a conduit vers nous un mendiant égaré. à force de l’interroger, l’enfant a fini par dire que son maître lui demande d’apporter, chaque jour, une somme de 500 Fcfa ». Le garçon avait obtenu le montant exigé, mais un autre plus grand que lui, lui a retiré 250 Fcfa. «J’ai compléter la somme et conduit le petit chez son maître ».

 

Salif Sangaré dit Broda, du Syndicat des transporteurs, accuse ces enfants de cheminer avec des délinquants du quartier Razel. «Pas plus tard qu’il y a cinq jours, on a pris en flagrant délit un enfant mendiant qui s’asseyait permanemment près d’une station-service. Il disposait d’un trousseau de clés passe-partout avec lesquelles il faisait ses opérations.

 

Chaque fois, le garçon profitait de l’absence du gérant pour ouvrir son coffre et soutirer de l’argent», raconte-il. Abdoulaye Touré, conseiller pédagogique, explique qu’un mendiant âgé d’environ quinze ans, était poursuivi par un homme. L’enfant avait volé un téléphone. «J’ai cherché et trouvé son maître pour lui remettre son élève afin de lui épargner la bastonnade que lui promettait la victime en colère», dit-il.

 

La Brigade territoriale de gendarmerie mène, souvent, des opérations de recherche d’enfants sans domicile fixe. «Il s’agit, indique le commandant de brigade, Abdoulaye Dissa, de leur éviter de tomber dans la délinquance».

 

IRRESPONSABILITÉS – C’est une fuite de responsabilités non seulement de la part des maîtres coraniques, mais surtout des parents qui leur confient la garde de leur progéniture. Une fois que le père remet son enfant à un maître coranique, tout l’entretien de l’élève revient généralement au religieux qui a droit de vie et de mort sur son protégé.

 

«On voit souvent des personnes nanties envoyer leurs enfants chez des maîtres coraniques dans le but de leur apprendre la pénitence. Lorsque j’étais petit, j’ai beaucoup souffert avec mon maître. Mes compagnons et moi mangeons, souvent, du son de mil que la femme du maître préparait pour nous», se souvient Mohamed Dicko, vendeur de pastèque. «Pour apprendre la parole de Dieu et avoir la baraka, il faut stoïquement souffrir», croit-il.

 

Mme Aminata Cissé du Service du développement social et de l’économie solidaire raconte le cas d’un enfant malade, retrouvé couché à même le sol au quartier Razel. «Le garcon y était resté pendant deux jours sans assistance. Ses petits camarades avaient informé leur maître qui ne s’était pas présenté. On l’a conduit au centre de soins», dit Mme Cissé.

 

Quand, enfin, son maître est venu, il ne se souvenait plus du nom de son élève. C’est un homme qui lui aurait confié le gamin originaire de Djénné. Le même maître confesse qu’il ne connaît pas les noms de tous ses élèves. Il dit ne pas avoir d’argent pour soigner l’enfant, mais lorsqu’on a menacé de le traduire devant la justice, il s’est exécuté.

 

«Depuis cet incident, notre équipe se rend, quotidiennement, aux domiciles des maîtres coraniques pour constater les conditions dans lesquelles les enfants vivent », assure Mme Aminata Cissé.

 

Selon Mahamadou Sacko, membre du Haut conseil islamique, la faute incombe aux deux parties. Les parents savent pertinemment le genre de traitements que leurs enfants subissent chez les maîtres coraniques. Les maîtres coraniques, eux, doivent limiter le nombre d’élèves pour un bon encadrement

 

Pour sa part, l’animateur de radio, M’Bouillé Diarra, propose de continuer la sensibilisation auprès des parents afin qu’ils ne confient plus leurs enfants à des maîtres coraniques qui leur infligent toutes sortes de sévices. Conscient du phénomène, le chef du service de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, Mamadou Konaté et son équipe ont entrepris de collecter des statistiques en identifiant les maîtres coraniques et en établissant le nombre de leurs élèves, dans la ville de Diéma.

 

Ils comptent, avec le soutien d’ONG de la place, étendre ces opérations sur l’ensemble des quinze communes du Cercle de Diéma. Ainsi, une association des maîtres coraniques sera mise en place pour une meilleure coordination des actions.

 

UN MAÎTRE DÉBORDÉ- Ousmane Sow est un maître coranique qui habite au quartier Foulaking de la ville de Diéma. Ce sexagénaire a sous ses ordres près d’une centaine d’élèves auxquels il transmet son savoir. Après 6 à 8 ans d’apprentissage du Coran, il libère ses élèves qui sont capables de léguer à d’autres les connaissances acquises au fil des années.

 

Ses élèves viennent de partout Dilly, Nioro du Sahel, Trougoumbé, Kayes, et même hors du Mali. Les horaires d’apprentissage sont : 4, 10 et 11 heures du matin. Dans l’après-midi, 17 heures. Puis, 20 heures. À 23 heures, les élèves regagnent leur dortoir. Notre maître coranique explique qu’avant les élèves brûlaient, la nuit, des tiges de mil pour apprendre les versets du Coran, mais qu’à cause de la rareté de ce combustible, ils utilisent la lumière des ampoules.

 

Ousmane enseigne les plus grands, qui, à leur tour, dispensent des cours aux plus petits. Ses élèves se rendent-ils au Razel, la nuit, comme d’autres ? Ousmane répond négativement. «Aucun de mes élèves ne peut s’aventurer au Razel une fois que le soleil se couche», dit-il, catégorique.

 

Le maître coranique sollicite des autorités du pays des vivres pour nourrir et entretenir ses nombreux élèves. Il voudrait disposer d’un hangar plus grand et moderne pour apprendre à ses élèves le Coran. Ousmane exprime son désarroi, car certains de ses élèves sont malades. Et il manque d’argent pour les conduire au centre de santé.

 

Aux dires du président de l’Association de santé communautaire (ASACO) de Guédébiné, les élèves coraniques de cette localité ne mendient pas. Ils restent sur place pour bien apprendre le Coran. Des personnes généreuses leur apportent souvent de la nourriture. Une exception

 

Par Ouka BA

Amap-Diéma

Source: Essor

 

 

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