Aux États-Unis, la Cour suprême va à nouveau étudier ce lundi 1er novembre la question de l’avortement. Les neuf juges doivent se prononcer sur la récente loi votée dans l’État du Texas. Une loi qui interdit tout avortement au-delà de six semaines et qui a provoqué de vives réactions dans le pays jusqu’à la Maison Blanche.L’intervention directe de l’administration Biden a changé la donne, puisque c’est à la demande de l’administration Biden et d’associations de planning familial que la Cour suprême se penche sur cette loi controversée. « C’est parce que le gouvernement a demandé à la Cour suprême de se pencher sur le fond, que cette affaire est examinée un petit peu en urgence », nous explique Simon Grivet, maître de conférences en Histoire et Civilisation des Etats-Unis à l’Université de Lille, interrogé par Stefanie Schuler du service international. « Cette fois, nous – Gouvernement fédéral – estimons qu’elle viole les droits sexuels garantis aux femmes. Donc il va avoir cette audition très formelle devant la Cour suprême, c’est-à-dire que l’avocat général pour le Gouvernement fédéral et l’avocat général du Texas, vont avoir chacun trente minutes d’audition devant les neuf juges de la Cour suprême et chacun fait une petite présentation préliminaire… Après, il y a un jeu de questions-réponses, où les magistrats posent un certain nombre de questions très pointues aux deux avocats, à tour de rôle. »Durant plusieurs heures ce lundi 1er novembre, les neuf juges, dont six conservateurs, vont entendre les arguments de chaque camp.
Baptisée SB8, la loi en question est entrée en vigueur au Texas le 1er septembre. Elle interdit tout avortement même en cas d’inceste, dès que les battements du cœur du fœtus sont audibles, soit vers 6 semaines de grossesse. Mais surtout, le texte donne au citoyen le droit de faire appliquer cette loi en portant plainte contre toute personne ou organisation qui aiderait des femmes à avorter, rappelle notre correspondante à New York, Loubna Anaki. Cette loi, jugée anticonstitutionnelle par la Maison Blanche et les associations de planning familial, menace la jurisprudence de la Cour suprême qui date de 1973 (cf encadré) et qui garantit le droit à avorter jusqu’à 22 semaines.
Lors de la session, les positions de plusieurs juges seront suivies de près notamment celle d’Amy Coney Barrett. Elle a rejoint la Cour l’année dernière, nommée par Donald Trump. Elle est notamment connue pour ses positions anti-avortement. « Sur le plan idéologique, il est clair que cette nouvelle Cour suprême est la plus anti-IVG qu’on a depuis 1973. Après, sur le plan judiciaire et juridique, est-ce qu’ils oseront – d’un coup, d’un seul – effacer ce pilier de la jurisprudence qui est en place depuis cinquante ans ? Ça, c’est une autre affaire, on en saura plus quand on écoutera, effectivement, ces auditions, puisque sur les neuf magistrats, il n’y a que trois vraiment qui sont en faveur du droit à l’avortement, désormais », conclut Simon Grivet.
L’arrêt Roe contre Wade, qu’est-ce que c’est ?
C’est l’une des décisions les plus importantes de la Cour suprême américaine. Cette jurisprudence datant de 1973 est celle qui reconnaît le droit à l’avortement au niveau fédéral, au nom du respect de la vie privée.Elle tient son nom de l’affaire opposant « Jane Roe », de son vrai nom Norma McCorvey, à l’avocat texan de la défense, Henry Wade. Enceinte pour la troisième fois à l’âge de 21 ans, la jeune Texane souhaite avorter mais les lois de son État l’interdise. Elle saisit donc la plus haute juridiction du pays qui affirme alors que le 14e amendement de la Constitution protège le droit des femmes à disposer de leur corps.Depuis cette décision, de nombreux États cherchent à contourner cette jurisprudence à l’aide de nouvelles législations. S’ils ne peuvent pas directement interdire l’avortement, ils peuvent toutefois exiger le consentement du conjoint ou des parents, pour les mineurs. Ou encore réduire le délai durant lequel la mère peut recourir à l’avortement, comme c’est le cas au Texas aujourd’hui.
RFI