L’annonce de fin des activités de transport et de logistique du groupe Bolloré en Afrique a créé une onde de choc sur le continent tant le nom de cette famille est associé aux turpitudes de la France en Afrique. Ce n’est pas pour autant le chant du cygne de la Françafrique. L’ombre des amis d’Emmanuel Macron et d’Alexis Kohler, secrétaire général à l’Élysée, plane sur l’influence française en Afrique…
Lors de son discours fondateur prononcé à Ouagadougou en novembre 2017, Emmanuel Macron avait déclaré : « Je ne suis pas venu ici vous dire quelle est la politique africaine de la France comme d’aucuns le prétendent. Parce qu’il n’y a plus de politique africaine de la France ! » Triste aveu, effectivement pendant tout le quinquennat, il n’y a pas eu de politique africaine, pas de ligne cohérente, pas de vision, juste des décisions erratiques prises ici et là en réaction aux événements.Le président français a largement contribué à la montée en puissance sur le continent africain de son ami Thierry Déau, patron de MeridiamMeridian contre Bolloré
Sur le plan économique, en apparence il n’y a pas eu non plus de politique africaine de la France. Contrairement à ses prédécesseurs, Emmanuel Macron n’a pas joué le VRP de Vincent Bolloré auprès des chefs d’Etat. Certains ont pu voir dans ce comportement la fin d’une époque, mais attention, un train peut toujours en cacher un autre…
S’il n’a pas privilégié les intérêts du groupe Bolloré, le président français a largement contribué à la montée en puissance sur le continent africain de son ami Thierry Déau, patron de Meridiam et accessoirement un des financiers de sa campagne de 2017…
C’est en 2014, alors qu’Emmanuel Macron est à Bercy, que Thierry Déault, qui jusque-là se concentrait sur l’Europe et l’Amérique du Nord lance le Meridiam Infrastructure Africa Fund. Un fonds de 300 millions d’euros entièrement abondé par la Caisse des dépôts et la Banque européenne d’investissement. En 2017, il obtient le grand chantier du port d’Owendo au Gabon, puis peu après l’élection d’Emmanuel Macron, il décroche, aux côtés de Bouygues et Colas, la rénovation de l’aéroport de Nosy Bè à Madagascar.
A partir de 2019, le fonds, soutenu sur tous ces projets par la Caisse des Dépôts, prend son envol et signe des contrats tous azimuts, en Côte d’Ivoire, en Mauritanie, au Togo, au Burkina Faso, au Sénégal, au Nigéria et au Kenya, pays où il accompagnait d’ailleurs le chef de l’Etat lors de sa visite officielle en mars 2019. Plus récemment, le 15 décembre, Meridiam vient encore de signer un contrat de gestion pour l’aéroport de Tananarive. Comme le souligne un fin connaisseur du dossier, en plus de l’aide directe de l’Elysée et d’une table ouverte à la Caisse des dépôts, Thierry Déault bénéficie également du soutien du Quai d’Orsay.Bolloré contre Kohler
Contrairement à Bolloré, Meridiam a su rester discret. Personne ne connaît ses activités sur le Continent, ni sa proximité avec Emmanuel Macron. Pendant plus de quatre ans Thierry Déault, qui gère 4 milliards, d’actifs, a donc marché tranquillement sur les plantes bandes de Bolloré en piétinant son domaine jusque-là réservé, avec, par exemple, le nouveau terminal à conteneurs du port de Nouakchott attribué à Meridiam. Résultat, Vincent Bolloré, a encaissé les coups, les échecs, les procès au Togo et en Guinée, et vu son bilan sur le continent se dégrader année après année.
Et c’est à ce moment-là, qu’entre en scène Mediterranean Shipping Compagny (MSC) qui s’apprête à racheter les activités du groupe historique de la France en Afrique.
Pour rappel, MSC est une société italo-suisse, propriété de la famille Aponte, dont la femme du fondateur Gianlugi Aponte se trouve être la cousine germaine de la mère d’Alexis Kohler. Les liens familiaux entre Alexis Kohler, le plus proche collaborateur d’Emmanuel Macron et l’armateur italien, numéro 2 mondial du fret maritime, ont déjà fait couler beaucoup d’encre. Cela a même donné lieu à un feuilleton politico-judiciaire. L’ONG Anticor ayant déposé plainte a plusieurs reprises.
Dans la dernière qui date de juin 2020, l’association pose des questions simples : « Les liens de famille unissant Alexis Kohler et la compagnie de croisières ont-ils pu influer sur le traitement par l’Etat des dossiers du croisiériste ? Et la commission de déontologie était-elle au courant de cette relation familiale du fonctionnaire ? » A toutes fins utiles, rappelons également, que lorsqu’Alexis Kohler a démissionné de Bercy pour assurer la campagne d’En Marche en 2017, il a été embauché par MSC, comme le rappelle l’excellente enquête de Jean Baptiste Rivoire sur son nouveau media indépendant…Rendez nous Bolloré !
En difficulté en Afrique, Vincent Bolloré, animal à sang froid, a donc décidé de vendre ses niches africaines à la famille de celui qui lui a tordu bras pendant tout le quinquennat. Il cède une partie de son empire à 5,7 milliards d’euros, ce qui est surévalué selon les connaisseurs. Il prend l’oseille et se tire ? Connaissant l’homme, difficile à prévoir, seul l’avenir le dira…
En tout état de cause, la françafrique n’est pas morte, puisque pendant tout le quinquennat, avec Meridiam, l’Elysée à essayer de récréer de toutes pièces un « empire Bolloré. Sauf que celui-ci ne tient que par la garantie de la Caisse des Dépôts. Il s’agit d’un fonds d’investissement qui ne possède ni un camion, ni un entrepôt, ni une grue.
Rendez nous Bolloré! Son empire qui a mis trente ans à se construire avait au moins le mérite d’être ambitieux et de se négocier avec les chefs d’état africains, fussent-ils des dictateurs. Or l’original a été remplacé par une pâle copie proposée par les amis de l’Élysée.
Qu’en restera-t-il demain? Pratiquement rien, à l’image de l’influence déclinante de la France d’Emmanuel Macron en Afrique.
Source: MondAfrique