Sans surprise, la justice russe a ordonné ce mardi la liquidation de la branche internationale de l’ONG Mémorial. Un verdict qui clôture une année particulièrement difficile pour l’expression libre d’opinions hostiles à la politique des autorités alors que les proches d’Alexeï Navalny ont été arrêtés dans la même journée. Avec notre correspondant à Moscou, Jean-Didier Revoin
En Russie, la liquidation de Mémorial vient clôturer une année difficile pour la liberté d’expression. Au mois de janvier, Alexeï Navalny avait été arrêté dès sa descente d’avion à son retour d’Allemagne alors qu’il y était soigné après une tentative d’empoisonnement. Les autorités avaient interdit les manifestations de soutien à l’opposant, ce qui s’est traduit dans les faits par des milliers d’arrestations dans tout le pays.Et puis, au fil des mois, alors que les élections législatives de septembre approchaient, plusieurs médias indépendants, d’ONG, de même que des personnes physiques, ont été classés agents de l’étranger par la justice russe. Une appellation infamante qui doit figurer sur absolument toutes les publications des entités qui en sont affublées. Dans les médias, cela fait fuir les annonceurs qui redoutent de perdre les contrats qu’ils peuvent avoir avec des entreprises d’État.Ce statut n’est pas parvenu à calmer la contestation de tous les organismes créés par Alexeï Navalny. Ils ont, eux aussi, été dissous, taxés d’organisations extrémistes par le pouvoir. Une appellation qui a entraîné l’exil des plus proches collaborateurs de l’opposant, car avoir travaillé dans une organisation extrémiste peut valoir de lourdes peines de prison. C’est ce que risquent les deux anciens responsables des bureaux électoraux de Tomsk et d’Irkoutsk, dont on a appris l’arrestation ce mardi 28 décembre.
Dissolution d’une ONG phare pour les droits de l’homme
La dissolution de la plus ancienne ONG de défense des droits de l’homme née dans les dernières années de l’Union soviétique a provoqué de nombreuses réactions. Sur le plan politique tout d’abord, les réactions sont clairsemées. À noter toutefois celle de Sergueï Mironov, le leader de Russie Juste, l’un des partis qui siègent à la Douma d’État, la chambre basse du Parlement, qui a qualifié ce verdict dans des termes très durs. Pour lui, c’est une gifle assénée à toutes les victimes de la répression dans lesquelles il s’est inclus, soulignant que son grand-père, simple paysan, avait été exécuté en 1937. Il a encore souligné l’échec de l’État à faire l’examen de sa propre histoire. Une erreur fatale à ses yeux.Parmi la population, dès avant l’énoncé du verdict, un très grand nombre de Moscovites reconnaissaient en privé être éberlués par les poursuites engagées contre Mémorial, preuve de la réputation de cette ONG et de leur admiration pour son travail, qui rappelons-le, cherche à identifier les victimes et établir la vérité de ce qui s’est fait dans le passé pour entraîner les crimes soviétiques.
Comment envisager l’avenir ?
Comme le disait Elena Zhemkova, la directrice de Mémorial International, ce verdict est le signal que les autorités ont la volonté de laisser le passé là où il est. Elles ne veulent pas qu’on puisse remettre en question la grandeur du combat de l’Union soviétique contre l’Allemagne nazie, dont le pouvoir se veut l’héritier, en déterrant les atrocités perpétrées pas Staline.
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Mais d’un autre côté, le travail de mémoire de Mémorial ne s’arrêtera pas même s’il risque d’être plus compliqué. Il est impossible d’empêcher les gens de vouloir faire la lumière sur leur passé, qu’on soit partisan de l’ONG ou non.
RFI