Les premiers à entendre ce discours sont frappés par la force de son analyse qui repose sur des faits irréfutables. Son long discours de 45 minutes n’était pas plat, donc nullement ennuyeux.Avec son caractère bien trempé, le Premier ministre a tenté de gérer au mieux les crises nées des sanctions de la Cédéao et les tensions diplomatiques avec la France.
Choguel Kokalla Maïga a réuni, lundi dans les locaux de son service, des diplomates en poste à Bamako. Dans un discours résistant, il y a égrené les reproches nouveaux de Bamako : les manœuvres visant la partition du Mali ourdi par Paris. C’est la première fois que le gouvernement malien a accusé formellement la France d’avoir œuvré à la partition du Mali via son engagement militaire.
Les premiers à entendre ce discours sont frappés par la force de son analyse qui repose sur des faits irréfutables. « Après (un) temps d’allégresse» en 2013 suite à la libération du pays, « l’intervention s’est muée dans un deuxième temps en une opération de partition de fait du Mali qui a (consisté dans) la sanctuarisation d’une partie de notre territoire, où les terroristes ont eu le temps de se réfugier, de se réorganiser pour revenir en force à partir de 2014 ».C’était il y a huit ans. Lavrov en aurait été affecté personnellement. Des troupes françaises entées seules à Kidal, privant les nôtres de gouter à ce privilège.
Ce regard en arrière doit lui convaincre de faire tout notre possible pour la conservation de l’unité nationale, de gagner une guerre imposée avec toutes ses horreurs, mais la fierté de casser l’ennemie, de semer le doute dans son esprit, de voler de victoire en victoire sur le théâtre des opérations.
Paris ne sait pas quitter la table
Il y a un temps pour tout. « Il faut savoir quitter la table quand l’amour est desservi » chantait Charles Aznavour. Parfaite illustration : Durant la seconde guerre mondiale « les Américains n’ont-ils pas libéré la France ? (…) Quand les Français ont jugé que (la présence américaine en France, ndlr) n’était plus nécessaire, ils ont dit aux Américains de partir, est-ce que les Américains se sont mis à insulter les Français ? », a-t-il asséné. Mais autre temps, autre mœurs, la France s’est époumonée depuis des semaines à « insulter » le Mali au lieu de prendre tout simplement la porte comme elle a menacé è plusieurs reprises de le faire.
Mais le bout du tunnel est encore loin. Dupont, encore lui, a travaillé au corps la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest qui a édicté le 9 janvier dernier des sanctions d’une ampleur inégalée contre le Mali. In fine, toute cette mobilisation a visé à présenter le Mali sous de faux jour, « comme un paria avec l’objectif inavoué et inavouable à court terme d’asphyxier l’économie afin d’aboutir pour le compte de qui l’on sait et par procuration à la déstabilisation et au renversement des institutions de la transition ». Les officiels français “n’ont jamais dit à leur opinion publique, quand ils intervenaient en 2013, qu’ils allaient diviser le Mali”, a-t-il dit. “On ne peut pas nous vassaliser, on ne peut pas transformer le pays en esclave; ça, c’est terminé”. En clair, le Premier ministre a prêté à la France d’Emanuel Macron des relents néocolonialistes à la France.
Les longs discours -45 munîtes sont généralement ennuyeux. Celui –là n’était pas plat, donc pas ennuyeux. Mais au regret de nombreux Maliens, le Premier ministre n’a pas formellement demandé le départ de la force Barkhane.
Georges François Traoré
L’Informateur